Me a souet deoc’h ur bloavezh mat,
Kig ha silzig war ho plad,
Kaol pome en ho jardin,
Un dachennad kaer a irvin,
Irvin bihan, irvin krenn,
Tout ar re-se zo mat d’ober soubenn.
Je vous souhaite une bonne année,
De la viande et de la saucisse sur votre plat,
Des choux pommés dans votre jardin,
Une belle planche de navets,
Des petits navets, des moyens,
Tout ça, c’est bon pour faire la soupe.
On demande à l’écrivain : « Qu’aimez-vous ? » —
J’aime l’eau, dit-il, un tas de planches, une belle fille,
le chaud, le froid, des bras de femme, une main d’homme,
un vieux pantalon, un pantalon neuf ; j’aime hier,
mais j’aime demain, j’aime le soleil, mais j’aime la pluie ;
j’aime tout ce en quoi je suis ; j’aime tout, parce que je suis tout,
et moi-même je n’existe pas.
Tel un Jack Sparrow, je remonte mes manches
J’assure pas, j’assure plus, sans mon verre sur la planche
Tel un Jack de trop, du dimanche au dimanche
J’assume pas, non j’assume plus, je ne suis plus étanche
C’est pas la mer à boire tu sais, juste un peu d’eau salée
Solo, et soûlé, sur mon îlot isolé
J’ai des idées noires tu sais, une mouche dans un verre de lait
Même si je perds la mémoire, je bois pour oublier
Et j’entends les sirènes
Résonner au loin
Elles vont, elles viennent
Chercher les marins
Et j’entends les sirènes
Dans la tempête au loin
Avec la vie que je mène
Elles viendront pour moi demain
Tel un Jack Sparrow, je remonte les marches
Je les servais les mecs comme moi tu sais, dans ma chemise blanche
À trinquer un peu trop, perroquet sur la planche
Mon rein a coulé comme un radeau qui prend l’eau, et qui flanche
C’est pas la mer à boire tu sais, juste un peu d’eau salée
Sous l’eau, et soûlé, sur mon îlot isolé
J’ai des idées noires tu sais, une mouche dans un verre de lait
Même si je perds la mémoire, je bois pour oublier
Et j’entends les sirènes
Résonner au loin
Elles vont, elles viennent
Chercher les marins
Et j’entends les sirènes
Dans la tempête au loin
Avec la vie que je mène
Elles viendront pour moi demain
J’entends les sirènes
J’ai plongé profond
Ma tristesse est comme la mer
Elle n’a pas de fond
Jours de Drancy, usine à fabriquer la mort
Avec ses râles, ses mouvements, ses tournements.
Ses cris, ses toux, ses pleurs et tous ses tremblements
Mon corps te garde en lui pour bien longtemps encore.
Nuits de Drancy
Usine à fabriquer la mort, nuits de Drancy,
Où le corps en grinçant tâte déjà les planches
Les épaules font mal, je sens gémir les hanches
Mais l’esprit reste souple et chaud dans l’air transi.
Camp de Drancy, octobre 1941.
(Jean Wahl)
Recueil: Vive la liberté
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Sur un lit dur, derrière un mur de planches
On entend des pas comme un chuchotis,
La femme des bois fait bruire les branches,
Sa robe se froisse à longs plis.
Pareils à l’eau d’un lac ses seins ondoient,
Cordes nouées ses nattes sont de chanvre,
Vaste est son ventre, il oscille et se ploie
Au balancement de ses hanches.
Pour celui-là qui lui barre la route,
Homme viril qui saura la saisir,
Sa forme soudain devient frêle et douce,
Sa chair frémit d’attendre le plaisir.
À l’abandon les épaules pesantes,
Ses seins sont brûlants d’un feu germinal
Et sa beauté dévoile, consentante,
Le bois sauvage et le giron natal.
La moisson neuve ayant comblé ses sens
Elle a quitté son complice de chair,
Rêvant déjà retrouver la puissance
D’un autre amant sur les chemins déserts.
Où la terre est de mousse et sont tendres les touffes
Ses enfants furent allaités,
Dans chaque appel que la forêt étouffe
Lui vient l’écho de sa fécondité.
Tombent les plis, s’apaise la rumeur,
La femme des bois retient son élan,
Quelqu’un puissamment en elle demeure
Désir éternel et violent.
(Menahem Boraisha)
Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard