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Poésie

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Les frontières sont là (Inger Christensen)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2022



    

les frontières sont là, les rues, l’oubli

et l’herbe et les concombres, et les chèvres et le genêt,
l’enthousiasme est là, oui les frontières sont là;

les branches sont là, le vent qui les agite
est là, et l’unique signe des branches

de cet arbre qu’on appelle précisément le chêne est là,
de cet arbre qu’on appelle précisément le frêne, le bouleau
le cèdre est là, et le signe répété

est là, sur le gravillon de l’allée; elles sont là
aussi les larmes, l’armoise et le laurier sont là,
les otages, l’oie cendrée, et les petits de l’oie cendrée;

et les fusils sont là, un jardin d’énigmes,
sec et sauvage, orné des seules groseilles,
les fusils sont là; au milieu du ghetto
éclairé et chimique ils sont là les fusils oui,
avec leur précision ancienne et paisible ils sont là

les fusils, et les pleureuses sont là, rassasiées
comme hiboux inassouvis, le lieu du crime est là;
le lieu du crime oui, insouciant, naturel, abstrait,
baigné d’une lumière de chaux, pitoyable,
ce poème tout blanc, vénéneux, qui s’effrite

***

grænserne findes, gaderne, glemslen

og græs og agurker og geder og gyvel,
begejstringen findes, graenserne findes;

grenene findes, vinden der løfter dem
findes, og grenenes eneste tegning

af netop det træ der kaldes egetræet findes,
af netop det træ der kaldes asketræet, birketræet,
cedertrœet findes, og tegningen gentaget

findes, i havegangens grus; findes
også gråden, og gederams og gråbynke findes,
gidslerne, grågåsen, grågåsens unger;

og geværerne findes, en gådefuld baghave,
tilgroet, gold og kun smykket med ribs,
geværerne findes; midt i den oplyste
kemiske ghetto findes geværerne,
med deres gammeldags, fredelige præcision findes

geværerne, og grædekonerne findes, mætte
som grådige ugler, gerningsstedet findes;
gerningsstedet, døsigt, normalt og abstrakt,
badet i et hvidkalket, gudsforladt lys,
dette giftige, hvide, forvitrende digt

(Inger Christensen)

Traduction de Zéno Bianu,
avec la collaboration de Karl Ejby Poulsen

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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Chant funèbre (Wystan Hugh Auden)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2017



    

Chant funèbre

Arrête toutes les horloges, coupe le téléphone,
Jette un os juteux au chien pour qu’il cesse d’aboyer,
Fais taire les pianos et avec un tambour étouffé
Sors le cercueil, fais entrer les pleureuses.

Que les avions tournent en gémissant au-dessus de nos têtes
Griffonnant sur le ciel ce message : Il est Mort,
Noue du crêpe au cou blanc des pigeons,
Donne des gants de coton noir à l’agent de la circulation.

C’était mon Nord, mon Sud, mon Est et Ouest,
Mon travail, mon repos
Mon midi, mon minuit, ma parole, mon chant ;
Je pensais que l’amour durait pour toujours : j’avais tort.

On ne veut plus d’étoiles désormais ; éteins-les toutes ;
Emballe la lue et démonte le soleil,
Vide l’océan et balaie les bois ;
Car rien maintenant ne vaut plus la peine.

***

Funeral blues

Stop all the clocks, cut off the telephone,
Prevent the dog from barking with a juicy bone,
Silence the pianos and with muffled drum
Bring out the coffin, let the mourners come.

Let aeroplanes circle moaning overhead
Scribbling on the sky the message He Is Dead,
Put crepe bows round the white necks of the public doves,
Let the traffic policemen wear black cotton gloves.

He was my North, my South, my East and West,
My working week and my Sunday rest,
My noon, my midnight, my talk, my song;
I thought that love would last for ever: I was wrong.

The stars are not wanted now: put out every one;
Pack up the moon and dismantle the sun;
Pour away the ocean and sweep up the wood.
For nothing now can ever come to any good.

(Wystan Hugh Auden)

 

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