N’est-il pas vrai Marie que c’est prier pour vous
Que de lui dire «Je t’aime» en tombant à genoux?
N’est-il pas vrai Marie que c’est prier pour vous
Que pleurer de bonheur en riant comme un fou
Que couvrir de tendresse nos païennes amours
C’est fleurir de prières chaque nuit, chaque jour?
N’est-il pas vrai Marie que c’est chanter pour vous
Que semer nos chemins, de simple poésie?
N’est-il pas vrai Marie que c’est chanter pour vous
Que voir en chaque chose, une chose jolie
Que chanter pour l’enfant qui bientôt nous viendra
C’est chanter pour l’Enfant qui repose en vos bras?
Écrire de la poésie dans les lieux publics, cafés, bars, etc…
Seul dans un lieu plein d’inconnus
chante comme si j’étais au centre
d’un choeur céleste
— ma langue un nuage de miel —
Parfois je me trouve bizarre.
***
Writing Poetry in Public Places, Cafes, Bars, etc
Alone in a place full of strangers
I sing as if I’m in the center
of a heavenly choir
— my tongue a cloud of honey —
Sometimes I think I’m weird.
(Richard Brautigan)
Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral
Je te cherche sous les racines de mon coeur
Comme un enfant à l’intelligence retardée qui a peur
D’entrer dans l’eau qui parle seul et fait bouger ses mains
« O mon Dieu permettez que cette eau ne me broie pas comme Votre Moulin
Je m’attarde résolument près des colchiques et des saules
Laissez-moi regarder par-dessus votre épaule
La route qui poudroie et l’herbe qui verdoie
Sans désirer jamais autre chose que cela
Mais Dieu qui n’entend pas l’amour de cette oreille
« Tu descendras au fond de toi et je surveille
Tes allées et venues Tu me dois de trouver
Dans l’eau de mes regards la noisette tombée »
Les yeux vagues ainsi qu’un veilleur de frontière
De songerie malade et de sens abîmés
Je plonge doucement mes mains dans la lumière
Sans penser un instant à les en retirer
Car il me plaît d’aider un corps qui s’aventure
Et cherche par-delà sa forme préférée
Le spectacle d’une âme aveugle qui murmure
Le long du mur en pierre de l’éternité.
(René Guy Cadou)
Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers
cette petite chose
modelée de cendres et
de désirs
ce reste
coincé en travers de
ma voix
qui troue mon chant
et mes ailes
brusquant la chute
en plein vol
Regarder cette divinité sylvestre
(façon de lui rendre hommage)
est manière de prière matinale :
devant mon lare,
toute pensée étrangère me quitte,
je glisse en mon for intérieur.
À la fois identique à lui-même
et nouveau par quelque élément changeant,
il m’invite à un exercice quotidien de vigilance.
Attention, concentration, émerveillement :
n’est-ce pas la source de toute poésie ?
(Belinda Cannone)
Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir
Ah ne m’enlevez pas la poésie,
elle m’est plus précieuse que la vie, elle est la vie même, révélée,
sortie par deux mains d’or des eaux du néant, ruisselante au soleil.
(Christian Bobin)
Recueil: La grande vie
Traduction:
Editions: Folio
C’est un peu comme ça que j’écris que je vis
un peu comme ça beaucoup comme ça
D’abord un long sommeil une grande absence
avec de loin en loin un éclair
le sursaut d’un éveil
La poésie Nella
ce n’est rien que la vie
et la vie n’est que du sommeil
tourmenté par l’éveil déchiré par l’éveil
La poésie n’est pas un genre littéraire,
elle est l’expérience spirituelle de la vie,
la plus haute densité de précision,
l’intuition aveuglante
que la vie la plus frêle est une vie sans fin.