Le char balance, les chevaux galopent.
Ma pensée te poursuit, jamais ne t’oublierai.
Où vas-tu, à l’ouest, vers la capitale ?
J’aimerais être ton ombre pour te suivre,
Mais elle ne se voit pas dans les ténèbres :
Puisses-tu demeurer dans la lumière !
(Anonyme)
Recueil: Cent poèmes d’amour de la Chine ancienne
Traduction: André Lévy
Editions: Philippe Picquier
Nuages vagabonds, éternels pèlerins
Par la steppe azurée, en des colliers de perles,
Vos libres flots, sans être ainsi que moi contraints,
Du nord abandonné vers le sud se déferlent.
Qu’est-ce qui vous poursuit: implacable destin,
Secrète jalousie ou haine qui se terre,
Ou portez-vous le poids d’un crime clandestin,
Sentez-vous des amis le souffle délétère?
Vous en avez assez de ces plaines flétries.
Exempts de passions, gardant votre équilibre,
Vous ignorez l’exil, à défaut de patrie,
Eternellement froids, éternellement libres.
(Michel Lermontov)
Recueil: Michel Lermontov Poèmes
Traduction: Igor Astrow
Editions: Du Tricorne
Le vent agite les sourcils du saule,
le coeur tremble
De chaque vallée montent les nuages,
dans le coeur se lève la poussière
Inutile de poursuivre les vagues du monde
Éveillé, l’homme vrai comprend l’univers
(Mugam)
Recueil: Les mille monts de lune Poèmes de Corée
Traduction: Sunmi Kim
Editions: Albin Michel
Dans une hôtellerie, le dernier soir d’une année qui s’accomplit
Qui s’intéresse à moi dans cette hôtellerie ?
Avec qui pourrais-je échanger quelques mots ?
Une lampe froide, voilà mon unique compagnie.
Cette nuit même, une année de plus doit s’accomplir,
Et j’ai parcouru mille lieues,
et je ne revois pas encore mon pays.
Seul avec mes soucis,
je passe en revue ma vie entière ;
N’est-il pas risible et attristant tout à la fois
que notre misérable corps ne puisse tenir en place ?
Mon visage est chagrin,
les cheveux de mes tempes grisonnent,
Et demain commence la nouvelle année,
et c’est ainsi que je vais accueillir
le nouveau printemps.
Bien des années déjà se sont écoulées,
sans me laisser le cœur satisfait.
Que faut-il espérer de celle qui commence ?
Parmi les anciens compagnons
de ma jeunesse et de mes loisirs,
Quelques-uns ont atteint ce qu’ils poursuivaient :
mais combien la mort en a-t-elle surpris !
Désormais, je veux que le repos soit le but
vers lequel tous mes désirs se concentrent ;
Je veux renoncer aux fatigues vaines,
pour obtenir du moins la longévité.
La beauté du printemps n’a point d’âge ;
elle est, elle sera toujours la même ;
J’en jouirai dans ma pauvre demeure,
autant qu’un prince dans son palais.
C’est un songe ou peut-être seulement une pause
dans la pénombre. Cette masse obscure
qu’elle roule dans les eaux sont des étoiles.
Entre arômes et couleurs, un bateau de calcaire
poursuit son voyage immobile dans un jardin.
Je vois la blancheur parmi les astres et les branches.
On dirait que l’être respire ébloui
et que tout croît sous un souffle silencieux.
Aucun sens, mais les signes s’épousent,
et l’éclat et la rumeur configurent un monde.
(António Ramos Rosa)
Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard