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Poésie

Posts Tagged ‘poussiéreux’

Toute cette lessive (Conrad Winter)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2022




    
Toute cette lessive

ce soir je veux
une fois encore
essorer
mes pensées
puisque ce matin
les femmes
ont brossé lavé
et passé
à l’eau claire
ma vieille chemise
mes poussiéreux principes
toute mon existence

demain matin je veux
rendre net
mon poème avec du vinaigre
des larmes de l’eau de Javel
avec rien que de la joie

et pour finir
essorer vigoureusement
mon amour le poser au soleil
et accrocher
tout proprement
toute cette lessive
devant la fenêtre

***

(Conrad Winter)

Traduction de Roland Reutenauer, avec la collaboration de l’auteur

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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Ce que nous avons cherché (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2022




    
Ce que nous avons cherché, ce que tous
nous continuons d’attendre et qui bat

comme une porte la nuit dans le silence
mal équarri des campagnes, ce qui

nous tient longtemps les yeux ouverts sur
rien : un coin décollé du papier peint,

l’arête lunaire de la garde-robe, le chapeau
rouge de jadis, poussiéreux mais toujours

prêt à couvrir tes cheveux blancs, voilà
bien ce qui toujours manque à nos vies

quand rien ne manque, et le désir demeure
comme l’été à la barbe de l’hiver

(Guy Goffette)

Recueil: Le désir en nous comme un défi au monde 84 Poètes d’aujourd’hui
Traduction:
Editions: Le Castor Astral

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CONTE DU SOLEIL ET DE LA ROUTE (Alain Fournier)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2020



 
    
CONTE DU SOLEIL ET DE LA ROUTE
(À une petite fille)

— Un peu plus d’ombre sous les marronniers des places,
Un peu plus de soleil sur la grande route lasse…

Des noces passeront, aux « beaux jours » étouffants,
sur la grand’route, au grand soleil, et sur deux rangs.

De très longs cortèges de noces campagnardes
avec de beaux habits dont tout le monde parle

Et de petits enfants, dans la noce, effarés,
auront de très petits « gros chagrins » ignorés…

— Je songe à l’Un, petit garçon, qui me ressemble
et, les matins légers de printemps, sous les trembles,

à cause du ciel tiède et des haies d’églantiers,
parce qu’il était seul, qu’on l’avait invité,
se prenait à rêver à la noce d’Été :

« … On me mettra peut-être – on l’a dit – avec Elle
qui me fait pleurer dans mon lit, et qui est belle…

(Si vous saviez – les soirs, quelquefois – ô mamans,
les pleurs de tristesse et d’amour de vos enfants !)

« … J’aurai mon grand chapeau de paille neuve et blanche ;
sur mon bras la dentelle envolée de sa manche… »
— Et je rêve son rêve aux habits de Dimanche.

« … Oh ! le beau temps d’amour et d’Été qu’il fera,
Et qu’elle sera douce et penchée, à mon bras.

J’irai à petits pas. Je tiendrai son ombrelle.
Très doucement, je lui dirai « Mademoiselle »

d’abord – Et puis, le soir, peut-être, j’oserai,
si l’étape est très longue, et si le soir est frais,
serrer si fort son bras, et lui dire si près,
à perdre haleine, et sans chercher, des mots si vrais

qu’elle en aura « ses » yeux mouillés – des mots si tendres
qu’elle me répondra, sans que personne entende… »

— Et je songe, à présent, aux mariées pas jolies
qu’on voit, les matins chauds, descendre des mairies
Sur la route aveuglante, en musique, et traîner
des couples en cortège, aux habits étrennés.

Et je songe, dans la poussière de leurs traînes
où passent, deux à deux, les fillettes hautaines
les fillettes en blanc, aux manches de dentelles,
Et les garçons venus des grandes Villes – laids,
avec de laids bouquets de fleurs artificielles,

— je songe aux petits gars oubliés, affolés
qu’on n’a mis, « au dernier moment », avec personne

— aux petits gars des bourgs, amoureux bousculés
par le cortège au pas ridicule et rythmé

— aux petits gars qui ne s’en vont avec personne
dans le cortège qui s’en va, fier et traîné
vers l’allégresse sans raison, là-bas, qui sonne.

— Et tout petits, tout éperdus, le long des rangs,
ne peuvent même plus retrouver leurs mamans.

— Un surtout… qui me ressemble de plus en plus !
un surtout, que je vois – un surtout… a perdu

au grand vent poussiéreux, au grand soleil de joie,
son beau chapeau tout neuf, blanc de paille et de soie

et je le vois… sur la route… qui court après
– et perd le défilé des « Messieurs » et des « Dames » –
court après – et fait rire de lui – court après,
aveuglé de soleil, de poussière et de larmes…

(Alain Fournier)

 

Recueil: Miracles
Traduction:
Editions:

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Terrain poussiéreux à droite des morts (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2020




    
1
Terrain poussiéreux à droite des morts,
Et au loin bleuissaient les eaux.
« Va-t’en au couvent, me dis-tu alors,
Ou bien va épouser un sot… »

C’est là d’un prince le banal refrain
Mais je n’oublie pas ces paroles –
Qu’elles ruissellent cent siècles au moins,
Cape d’hermine à mes épaules.

2
Et comme sans vouloir le dire,
Je lui dis : « Tu… »
Sur ses traits l’ombre d’un sourire
Est apparue.

À ces lapsus, l’oeil le moins tendre
S’enflamme presque.
Oui, je t’aime comme quarante
Soeurs de tendresse !

(Anna Akhmatova)

 

Recueil: Les poésies d’amour
Traduction: Henri Abril
Editions: Circé

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OMBRE (Giuseppe Ungaretti)

Posted by arbrealettres sur 11 octobre 2019




    
OMBRE

Homme qui espères inquiet,
Ombre lasse dans la lumière poussiéreuse,
La dernière chaleur est bientôt en allée,
Tu erreras, incertain…

(Giuseppe Ungaretti)

 

Recueil: Vie d’un homme Poésie 1914-1970
Traduction:
Editions: Gallimard

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LA ROSE QUI DURE (Norge)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2018



Illustration: Salvador Dali
    
LA ROSE QUI DURE

… A peine le dos tourné
Que l’horloge va plus vite.
Le temps voleur en profite
Aussitôt pour me flouer
De quelque riche minute.

À peine un jour commencé
Lisse au coeur, doux au toucher
Qu’un autre invente sa chute,
Je le vois s’effilocher
Le front bas et l’oeil poché.

Et quand mes paumes retiennent
Des perles dans mes années
Je retrouve les colliers,
Tout poussiéreux et fanés
Au bout de quelques semaines.

Le haut mur de la cité
Que soutenaient mes colonnes
Quel mistral me l’a soufflé
Comme une brume d’automne ?

Adieu, jardins fugitifs,
Amours, saisons, écritures
Et musiques passagères
Qu’écrase l’ombre des ifs !

Moi, je veux la fleur sévère,
Je veux la fleur inventée.
J’invente la fleur qui dure
Et s’appelle éternité.

(Norge)

 

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Sous le laurier (Antonio Machado)

Posted by arbrealettres sur 25 septembre 2018




    
Sous le laurier le banc de pierre rouillée
est tout humide;
la pluie, sur le mur blanc
a lavé le lierre poussiéreux.

Au souffle tiède du vent d’automne
ondoie le gazon, et les peupliers
conversent avec le vent…
Le vent du soir dans le bosquet!

Tandis que flamboie au couchant le soleil
qui dore les grappes de vigne
et qu’un brave bourgeois sur son balcon allume
sa pipe stoïque où fume le tabac,

je me souviens des vers de ma jeunesse…
Qu’est-il advenu de mon coeur sonore?
Ombres charmantes, est-il donc vrai
que vous fuyiez entre les arbres d’or?

(Antonio Machado)

 

Recueil: Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé
Editions: Gallimard

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Tournez, tournez, chevaux de bois (Antonio Machado)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2018



Illustration: Alain Le Nost
    
Tournez, tournez, chevaux de bois.
Verlaine.

Pégases, jolis pégases,
petits chevaux de bois.

Enfant, j’ai connu
la joie de tourner
sur un rouge coursier
en une nuit de fête.

Dans l’air poussiéreux
brillaient les lampions,
et la nuit bleue étincelait,
parsemée d’étoiles.

Joies enfantines,
pour un sou seulement,
jolis pégases,
petits chevaux de bois!

(Antonio Machado)

 

Recueil: Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé
Editions: Gallimard

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Ce fut un clair après-midi (Antonio Machado)

Posted by arbrealettres sur 30 août 2018




    
Ce fut un clair après-midi, triste et songeur
après-midi d’été. Le lierre grimpait
sur le mur du parc, noir et poussiéreux…
La fontaine bruissait.

Ma clé grinça dans la vieille grille;
avec un bruit aigre s’ouvrit la porte
de fer moisi et, en se refermant, frappa
lourdement le silence de l’après-midi mort.

Dans le parc solitaire, la sonore
copia bouillonnante de l’eau chantante
me guida vers la fontaine. La fontaine versait
sur le marbre blanc sa monotonie.

La fontaine chantait : Frère, mon chant présent
te rappelle-t-il un songe lointain?
Ce fut un lent après-midi du lent été.
Je répondis à la fontaine :

Je ne me souviens pas, ma soeur.
mais je sais que ta chanson présente est lointaine.

— C’était ce même après-midi : mon cristal versait
comme aujourd’hui sur le marbre sa monotonie.
Te souviens-tu, frère?… Les myrtes traînants
que tu vois, assombrissaient les claires chansons
que tu écoutes. De la blonde couleur de la flamme
le fruit mûr pendait sur la branche,
comme maintenant. Te souviens-tu, frère?
C’était ce même lent après-midi d’été.

— Je ne sais point ce que me dit ton chant riant
des songes lointains, fontaine ma soeur.

Je sais que ton clair cristal d’allégresse
a connu déjà le fruit vermeil de l’arbre;
je sais que lointaine est mon amertume
qui songe en ce vieil après-midi d’été.

Je sais que tes beaux miroirs chantants
ont reflété d’anciens délires d’amour;
mais conte-moi, fontaine à la langue enchantée,
conte-moi ma joyeuse légende oubliée.

— Je ne sais les légendes d’anciennes allégresses,
mais de vieilles histoires de mélancolie.

Ce fut un clair après-midi du lent été…
Tu venais seul avec ta peine, frère;
tes lèvres se posèrent sur mon onde sereine
et dans le clair après-midi dirent ta peine.

Tes lèvres qui brûlaient dirent ta peine,
elles avaient alors la même soif que maintenant.

— Adieu pour toujours, fontaine sonore,
éternelfe chanteuse du parc endormi.
Adieu pour toujours; ta monotonie,
fontaine, est plus amère que ma peine.

Ma clé grinça dans la vieille grille;
avec un bruit aigre s’ouvrit la porte
de fer moisi et, en se refermant, résonna
lourdement dans le silence de l’après-midi mort.

(Antonio Machado)

 

Recueil: Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé
Editions: Gallimard

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A L’ENTERREMENT D’UN AMI (Antonio Machado)

Posted by arbrealettres sur 30 août 2018




    
A L’ENTERREMENT D’UN AMI

On l’enterra par une horrible après-midi
de juillet, sous un soleil de feu.

A un pas de la tombe ouverte
il y avait des roses aux pétales pourris,
entre des géraniums à l’âcre parfum
et aux fleurs rouges. Le ciel
pur et bleu. Il soufflait
un vent fort et sec.

Suspendu à de grosses cordes,
lourdement, le cercueil fut descendu
au fond de la fosse
par les deux croque-morts…

Quand il se posa, un grand bruit résonna,
solennellement, dans le silence.

Le bruit d’un cercueil sur la terre est quelque chose
de tout à fait sérieux.

Sur le noir cercueil se brisaient
les lourdes mottes poussiéreuses…

Le vent emportait
le souffle blanc de la fosse profonde.

.— Et toi, sans ombre désormais, dors et repose,
longue paix à tes ossements…

Définitivement,
dans un sommeil paisible et véritable.

(Antonio Machado)

 

Recueil: Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé
Editions: Gallimard

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