Après tout,
la descente d’un loup dans un groupe de yacks,
la fuite de huit ânes survolés par un aigle
n’étaient pas des événements moins considérables
que la visite d’un président américain à son homologue coréen.
Je rêvais d’une presse quotidienne dévolue aux bêtes.
Au lieu de « Attaque meurtrière pendant le carnaval »,
on lirait dans les journaux :
« Des chèvres bleues gagnent le Kunlun. »
On y perdrait en angoisse,
on y gagnerait en poésie.
(Sylvain Tesson)
Recueil: La Panthère des neiges
Traduction:
Editions: Gallimard
Un marchand de canons
avait des soucis
(qui n’en a pas ?)
Son chiffre d’affaires
baissait, baissait
– était dérisoire, en somme.
Je ferais mieux de vendre
des scies ou des rasoirs,
disait-il à son président
président directeur général.
Et le monstre, honnête commerçant,
pour soulager
soulager sa peine et sa misère
faisait une prière
prière quotidienne
pour que
pour que la guerre
la guerre
la guerre enfin, quoi
la guerre arrange, mais oui,
arrange ses affaires
ses petites affaires
qui baissaient, qui baissaient
dans un monde
un monde si difficile,
si difficile à vivre
aujourd’hui.
(Jules Mougin)
Recueil: Le rire en poésie
Traduction:
Editions: Gallimard
(Refrain)
Il disait, tu vois ce ciel
C’est un bout de toile grise
Il y a moins de soleil
Que dans le chœur d’une église
Il disait, je vais partir
Où le vent m’emportera
Ailleurs ne peut être pir’
Viens je t’emmène avec moi.
A la porte d’Italie
On commence le voyage
Un camion et une nuit
Et ce sont les lointains rivag’s
Nous ne sommes pas des manchots
On s’engag’ra sur des bateaux
On aura le monde entier
Si tu n’me laisses pas tomber
D’accord, on ne sait rien fair’
Mais à deux on peut tout faire
On arrive juste à point
Pour leur donner un coup de main
Des balayeurs aux présidents
Ils sont paumés les pauvres gens
On aura le monde entier
Si tu n’me laisses pas tomber.
(Refrain)
Il disait, tu vois ce ciel
C’est un bout de toile grise
Il y a moins de soleil
Que dans le chœur d’une église
Et puis le temps a passé
L’autre jour je l’ai croisé
Le regard au ras du sol
Il avait raté son envol
La fille qui tenait son bras
Ne venait pas de Canberra
Les espoirs de nos auror’s
N’avaient pas dépassé Saint-Maur
Moi je vois tous les pays
Dans les yeux de mes amours
Et ma foi s’en va la nuit
Parfois plus loin que Singapour
Je veux chanter pour tous les gens
Des balayeurs aux présidents
Pour tous ceux du monde entier
Si vous n’me laissez pas tomber.
Pour moi, le ciel n’est pas gris
Dans les yeux de mes amours
Chaque fleur de cette vie
Mérite qu’on fasse un détour
Et si je chante c’est pour toi,
Toi que je ne connais pas
Et que je rencontrerai
Si tu n’me laisses pas tomber
1
Un Samedi du Moyen Âge
Une sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Tomba par terr’ du haut des nuages.
Ho! Ho! Ho! Madam’ la sorcière
Vous voilà tombée par terre
Ho! Ho! Ho! sur votre derrière
Les quatre fers
En l’air.
Refrain 1
Vous tombez des nues
Toute nue
Par où êtes-vous venue
Sur le trottoir de l’Avenue?
Vous tombez des nues,
Sorcière saugrenue.
Vous tombez des nues,
Vous tombez des nues,
Sur la partie la plus charnue
De votre individu.
Vous tombez des nues!
2
On voulait la livrer aux flammes
Cette sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Pour l’Ascension quel beau programme.
Ho! Ho! Ho! Voilà qu’ la sorcière
A fait un grand rond par terre
Ho! Ho! Ho! quel coup de tonnerre
Il tomba d’ l’eau
À flots!
Refrain 2
L’eau tombe des nues
Toute nue
Éteint les flammes ténues
Et rafraîchit la détenue.
L’eau tombe des nues
Averse bienvenue
L’eau tombe des nues
L’eau tombe des nues
Et la sorcièr’ se lave nue
Mais oui dans l’Avenue.
L’eau tombe des nues.
3
Qu’elle était belle la sorcière
Les Présidents du Châtelet
Les gendarmes et leurs valets
La regardaient dans la lumière.
Ho! Ho! Ho! un éclair qui brille
Et ses beaux yeux qui scintillent
Ho! Ho! Ho! notre coeur pétille
Nous sommes sourds
D’amour.
Refrain 3
Nous tombons des nues
Elle est nue
Oui mais notre âme est chenue
Nous avons de la… retenue
Nous tombons des nues
O Sorcière ingénue
Nous tombons des nues
Nous tombons des nues
Qu’on relaxe la prévenue
Elle nous exténue
Nous tombons des nues.
Coda
Je tombe des nues
Tu tombes des nues
Le monde entier tombe des nues
L’amour tombe des nues
Viv’ les Femmes nues.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
« Je suis le Président-Directeur Général
de l’univers », dit Dieu,
« une entreprise
que je souhaite plus rentable.
Le moindre travailleur, coccinelle ou taureau,
y a droit au soleil,
à la musique, au vague à l’âme.
Je n’exclus pas les apprentis,
comme la source du ruisseau
ou le bourgeon de la pivoine.
Même les retraités,
l’étoile veuve et la très vieille lune
doivent connaître le bonheur.
Je leur rendrai visite, un de ces jours:
ensemble, soyons productifs. »
Perdu au milieu de la ville
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Les parkings, c’est pour stationner,
Les camions pour embouteiller,
Les motos pour pétarader,
Les vélos pour se faufiler.
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Les télés, c’est pour regarder,
Les transistors pour écouter,
les murs pour la publicité,
les magasins pour acheter.
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Les maisons, c’est pour habiter
Les bétons pour embétonner
Les néons pour illuminer,
Les feux rouges pour traverser.
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Les ascenseurs, c’est pour grimper
Les présidents pour présider,
Les montres pour se dépêcher,
Les mercredi pour s’amuser.
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Il suffit de le demander
A l’oiseau qui chante à la cime.