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Posts Tagged ‘protester’

L’Angkar (Paul de Brancion)

Posted by arbrealettres sur 11 juillet 2022



Illustration


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L’Angkar*

J’espère ne jamais savoir d’expérience
ne jamais vivre cela

ni mes enfants
ni mes semblables

jamais

je demande pardon à ceux qui liront
ce titre et qui ont eu à souffrir des Khmers rouges

« l’Angkar ne dit rien, ne parle
pas mais il a des yeux et des
oreilles partout »

« qui proteste est un ennemi
qui s’oppose est un cadavre »

regretté
le toucher de ton corps

Automutilation
on s’est exterminés les uns les autres
ce pays
naguère paradis
terrestre
sourire
nous tue
charnier

oser en toute méconnaissance
tu connais autre chose
mais féroce aussi
rester vivant
avec cela dans le coeur
encore tari
alors que l’enfance est nue
et la pluie la pluie
la lutte est inégale

il pleut

encore et encore

les rizières
s’étendent dans le lointain
gris vert
des ombres marchent dans l’eau

vivants qui reviennent

cette grande nonchalance
fut ponctuée de sang

[…]

Tout ce que nous avons subi
d’atroce
ne peut être dissous

et nos tortionnaires
humains
comme nous

quoi de plus déroutant
de plus affligeant
se sentir le semblable
de ces travailleurs consciencieux

ces éradicateurs sont nos frères

regretter jusqu’à
cette humanité

douter d’exister pleinement

*En khmer, «l’Organisation», nom sous lequel le Parti communiste du Kam-
puchéa (Khmers rouges) a gouverné le Cambodge lorsqu’il a pris le pouvoir en 1975

(Paul de Brancion)

Recueil: Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
Traduction:
Editions: Lanskine

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Quand les nazis … (Martin Niemöller)

Posted by arbrealettres sur 17 mai 2019



 

Quand les nazis sont venus chercher les communistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas communiste.

Quand les nazis sont venus chercher les syndicalistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas syndicaliste.

Quand les nazis sont venus chercher les juifs
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas juif.

Quand les nazis sont venus chercher les catholiques
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas catholique.

Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

(Martin Niemöller)

Illustration: Dimanche 11/01/15  Nous sommes tous Charlie ! Défilé à Paris Plus de 1 500 000 de « Charlie »

 

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Quelle empoignade (Richard Rognet)

Posted by arbrealettres sur 22 mars 2019



Illustration: Eliette Graf
    
Quelle empoignade
dans le tilleul, entre
le vert qui se rebiffe

et la rouille de l’automne
entêté ! ça claque au
vent! ça se brouille !
ça grelotte ! ça proteste !

Où sont donc nos
anciennes cachettes,
si chaleureuses, si
discrètes? et nos

amours sans importance,
qu’ils seraient bien
venus, à présent!

(Richard Rognet)

 

Recueil: Un peu d’ombre sera la réponse
Traduction:
Editions: Gallimard

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LE LAC (Gyula Illyès)

Posted by arbrealettres sur 19 juillet 2018



 

Clara Lieu jkurl [1280x768]

LE LAC

I
Depuis hier, le lac hurle et gémit :
Jusqu’au printemps, il criera sans répit,
car il proteste et ne peut accepter
dans son chagrin, que soit fini l’été.

II
Il se tourne et pleure ainsi qu’un nourrisson,
qu’un amant déçu qu’Amour blesse et morfond.
Ne te résigne pas au mal sans combat
crient sa bouche et son coeur sauvage qui bat.

III
Etendu près de lui, je l’entends qui réclame ;
il se plaint et gémit comme fait une femme,
et je pourrais, les yeux ouverts jusqu’à l’aurore,
réfléchir à ma vie et l’écouter encore.

(Gyula Illyès)

Illustration: Clara Lieu

 

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LE COEUR BRISÉ (John Donne)

Posted by arbrealettres sur 17 mars 2018



    

LE COEUR BRISÉ

Il est fol a lier, qui dit
Être amoureux depuis une heure :
Non que l’amour si tôt se meure,
Mais peut en moins de temps dévorer plus de dix.
Qui me croira quand je proteste
Que depuis un an j’ai la peste?
Qui ne rirait de moi si j’allais déclarer
Que j’ai vu poire à poudre au long d’un jour brûler?

Ah! c’est peu de chose qu’un coeur
Quand aux mains d’Amour il se trouve :
Tout autre mal que l’on éprouve,
Ne prenant que sa part, laisse aux autres la leur.
Lui ne vient point, mais nous arrache,
Nous avale, et jamais ne mâche;
Il fauche rangs entiers, comme un train de boulets,
Et nos coeurs sont fretin pour ce tyran brochet.

Sinon, qu’est mon coeur devenu
Le jour où je t’ai rencontrée?
J’en avais un à mon entrée,
Mais lorsque je sortis je n’en possédais plus.
S’il s’était mis chez toi, je gage
Qu’il eût au tien appris l’usage
D’un peu plus de pitié pour moi; c’est donc, hélas,
Que comme verre Amour d’un seul coup le brisa.

Rien pourtant ne s’anéantit,
Et le vide absolu n’existe;
Je crois donc qu’en mon sein subsistent
Encor tous ces morceaux, bien qu’ils ne soient unis.
Comme on voit aux glaces brisées
Cent images rapetissées,
Mon coeur peut, en lambeaux, désirer, adorer,
Mais après tel amour il ne peut plus aimer.

***

THE BROKEN HEART

He is Starke mad, who ever sayes,
That he hath beene in love an honre,
Yet not that love so soone decayes,
But that it can tenne in Jesse space devour;
Who will beleeve mee, if I sweare
That I have had the plague a yeare 1
Who would not laugh at mee, if I should say,
I saw a flaske of powder burne a day?

Ah, what a trifle is a heart,
If once into loves hands it come !
All other griefes allow a part
To other griefes, and aske themselves but some
They come to us, but us Love draws,
Hee swallows us, and never chawes:
By him, as by chain’d shot, whole rankes doe dye,
He is the tyran Pike, our hearts the Frye.

If ’twere not so, what did become
Of my heart, when I first saw thee ?
I brought a heart into the roome,
But from the roome, I carried none with mee:
If it had gone to thee, I know
Mine would have taught thine heart to show
More pitty unto mee: but Love, alas,
At one first blow did shiver it as glasse.

Yet nothing can to nothing fall,
Nor any place be empty quite,
Therefore I thinke my breast hath all
Those peeces still, though they be not unite;
And now as broken glasses show
A hundred lesser faces, so
My ragges of heart can like, wish, and adore,
But after one such love, can love no more.

(John Donne)

 

Recueil: Poèmes
Traduction: J.Fuzier et Y. Denis
Editions: Gallimard

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Violettes (Colette)

Posted by arbrealettres sur 30 décembre 2017



Et les violettes elles-mêmes, écloses par magie dans l’herbe, cette nuit, les reconnais-tu ?
Tu te penches, et comme moi tu t’étonnes ; ne sont-elles pas, ce printemps-ci, plus bleues ?
Non, non, tu te trompes, l’an dernier je les ai vues moins obscures, d’un mauve azuré, ne te souviens-tu pas ?…

Tu protestes, tu hoches la tête avec ton rire grave, le vert de l’herbe neuve décolore l’eau mordorée de ton regard…
Plus mauves… non, plus bleues… Cesse cette taquinerie !
Porte plutôt à tes narines le parfum invariable de ces violettes changeantes
et regarde, en respirant le philtre qui abolit les années,
regarde comme moi ressusciter et grandir devant toi les printemps de ton enfance…

Plus mauves… non, plus bleues…
Je revois des prés, des bois profonds que la première poussée des bourgeons embrume d’un vert insaisissable,
– des ruisseaux froids, des sources perdues, bues par le sable aussitôt que nées, des primevères de Pâques,
des jeannettes jaunes au cœur safrané, et des violettes,
des violettes, des violettes…

Je revois une enfant silencieuse
que le printemps enchantait déjà d’un bonheur sauvage,
d’une triste et mystérieuse joie…
Une enfant prisonnière, le jour, dans une école,
et qui échangeait des jouets, des images,
contre les premiers bouquets de violettes des bois, noués d’un fil de coton rouge,
rapportés par les petites bergères des fermes environnantes…

Violettes à courte tige, violettes blanches et violettes bleues,
et violettes de coucou anémiques et larges, qui haussent sur de longues tiges leurs pâles corolles inodores…
Violettes de février, fleuries sous la neige, déchiquetées, roussies de gel, laideronnes, pauvresses parfumées…
Ô violettes de mon enfance ! Vous montez devant moi, toutes,
vous treillagez le ciel laiteux d’avril,
et la palpitation de vos petits visages innombrables m’enivre…

(Colette)

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SANS DÉFINITION (Alain Bosquet)

Posted by arbrealettres sur 5 novembre 2016




SANS DÉFINITION

l’amour
cet océan pour antilopes folles

l’amour
cet oeil qui cloue mon oeil
sur l’étoile trop ivre

l’amour
cette valise où dorment les toucans
qui nous ressemblent

l’amour
ce soleil qui proteste
d’être en exil sous ses propres genoux

l’amour l’oubli
et les mots affamés
qui rongent cette mandarine
notre mémoire

(Alain Bosquet)


Illustration: Eloi Flore

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Prenons la poule en considération (Ken Smith)

Posted by arbrealettres sur 21 décembre 2015



Dernièrement, j’ai pensé aux poules
qui gloussent leur vide maussade dans leurs longues batteries.
où la lumière raccourcit les jours, où rien ne change,
c’est l’enfer sur Terre et chacun ici est un peu dingue.

Même dans la basse-cour elles geignent, toujours au bord des nerfs,
méfiantes, pondant le grand œuf, le regard fixe, surveillant,
inquiètes du coq ou picorant leur dîner
ou endormies, rêvant à des vers, à des limaces, à de gras asticots.

Et puis elles meurent, chacune d’entre elles sans nom,
sans chiffres, sans biographie, sans droit de vote, sans droit de pension,
la gorge tranchée de manière routinière, déplumée, hachée,
mijotée en casserole avec des oignons et des poivrons, puis dévorée.

Chuck. Chuck. Les Hongrois, qui les ont eues
des Bulgares, disent tyuk . Tyuk tyuk tyuk.
Camarades, ceci n’est vraiment pas l’intérêt des poules
Nos amies emplumées font manifestement face à un désavantage.

Et personne ne proteste, tout le monde se fiche complètement
de leurs aspirations, de leurs rêves, de leur brève vie frustrée
à gratter et à se plaindre, élément de la chaîne alimentaire.

Sauvez la poule. Sauvez la poule.

(Ken Smith)

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