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Posts Tagged ‘prudence’

Que manque-t-il donc à ta voix (Jean-Marie Barnaud)

Posted by arbrealettres sur 19 novembre 2022




    
Que manque-t-il donc à ta voix
Quelle pudeur et quelle prudence
Pour parler à voix de pierres
Et d’arbres
À voix de ciel et d’eau

(Jean-Marie Barnaud)

 

Recueil: Sous l’imperturbable clarté Choix de poèmes 1983-2014
Traduction:
Editions: Gallimard

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La belle vieille (François Maynard)

Posted by arbrealettres sur 10 octobre 2022



Illustration: Christelle Fontenoy 
    

La belle vieille

Cloris, que dans mon temps j’ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l’univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?

N’oppose plus ton deuil au bonheur où j’aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j’admire
Les divines clartés des yeux qui m’ont brûlé.

Où s’enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu’est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?
La folle vanité de paraître fidèle
Aux cendres d’un jaloux, m’expose à ta rigueur.

Eusses-tu fait le voeu d’un éternel veuvage
Pour l’honneur du mari que ton lit a perdu
Et trouvé des Césars dans ton haut parentage,
Ton amour est un bien qui m’est justement dû.

Qu’on a vu revenir de malheurs et de joies,
Qu’on a vu trébucher de peuples et de rois,
Qu’on a pleuré d’Hectors, qu’on a brûlé de Troies
Depuis que mon courage a fléchi sous tes lois !

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis ta conquête,
Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris,
Et j’ai fidèlement aimé ta belle tête
Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.

C’est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née ;
C’est de leurs premiers traits que je fus abattu ;
Mais tant que tu brûlas du flambeau d’hyménée,
Mon amour se cacha pour plaire à ta vertu.

Je sais de quel respect il faut que je t’honore
Et mes ressentiments ne l’ont pas violé.
Si quelquefois j’ai dit le soin qui me dévore,
C’est à des confidents qui n’ont jamais parlé.

Pour adoucir l’aigreur des peines que j’endure
Je me plains aux rochers et demande conseil
A ces vieilles forêts dont l’épaisse verdure
Fait de si belles nuits en dépit du soleil.

L’âme pleine d’amour et de mélancolie
Et couché sur des fleurs et sous des orangers,
J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie
Et fait dire ton nom aux échos étrangers.

Ce fleuve impérieux à qui tout fit hommage
Et dont Neptune même endure le mépris,
A su qu’en mon esprit j’adorais ton image
Au lieu de chercher Rome en ses vastes débris.

Cloris, la passion que mon coeur t’a jurée
Ne trouve point d’exemple aux siècles les plus vieux.
Amour et la nature admirent la durée
Du feu de mes désirs et du feu de tes yeux.

La beauté qui te suit depuis ton premier âge
Au déclin de tes jours ne veut pas te laisser,
Et le temps, orgueilleux d’avoir fait ton visage,
En conserve l’éclat et craint de l’effacer.

Regarde sans frayeur la fin de toutes choses,
Consulte le miroir avec des yeux contents.
On ne voit point tomber ni tes lys, ni tes roses,
Et l’hiver de ta vie est ton second printemps.

Pour moi, je cède aux ans ; et ma tête chenue
M’apprend qu’il faut quitter les hommes et le jour.
Mon sang se refroidit ; ma force diminue
Et je serais sans feu si j’étais sans amour.

C’est dans peu de matins que je croîtrai le nombre
De ceux à qui la Parque a ravi la clarté !
Oh ! qu’on oira souvent les plaintes de mon ombre
Accuser tes mépris de m’avoir maltraité !

Que feras-tu, Cloris, pour honorer ma cendre ?
Pourras-tu sans regret ouïr parler de moi ?
Et le mort que tu plains te pourra-t-il défendre
De blâmer ta rigueur et de louer ma foi ?

Si je voyais la fin de l’âge qui te reste,
Ma raison tomberait sous l’excès de mon deuil ;
Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste
Et ferais jour et nuit l’amour à ton cercueil !

(François Maynard)

 

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L’air en conserve (Jacques Charpentreau)

Posted by arbrealettres sur 16 juillet 2022



Dans une boîte, je rapporte
Un peu de l’air de mes vacances
Que j’ai enfermé par prudence.
Je l’ouvre! Fermez bien la porte

Respirez à fond! Quelle force!
La campagne en ma boîte enclose
Nous redonne l’odeur des roses,
Le parfum puissant des écorces,

Les arômes de la forêt…
Mais couvrez-vous bien, je vous prie,
Car la boîte est presque finie:
C’est que le fond de l’air est frais.

(Jacques Charpentreau)

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UNE BOUCLE D’OREILLE, GARDEE EN MAIN (Taeko Uemura)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2020



Illustration: Johannes Vermeer 
    
UNE BOUCLE D’OREILLE, GARDEE EN MAIN

Tout le temps j’entendais
Leur voix qui fredonnait
Mais je ne les confondais pas
Avec mes soupirs
Parce qu’elles effleuraient mes oreilles
Je les portais avec prudence
D’émoi elles ont un jour
Changé de couleur
L’une a disparu en mer
Mais je garde l’autre en main
Comme souvenir à cette boucle d’oreille avec perle
Que j’ai dû perdre une nuit.

***

AN EARRING LEFT IN MY HAND

All the time I heard
their whispering voice.
But I didn’t mix it
with my sighs.
Because they touched my ears,
I wore them carefully.
Once they changed colour
for excitement.
One of them disappeared in the sea,
but the other I hold in my hand
as memory of a pearl earring
I must have lost some night.

***

ΣΚΟΥΛΑΡΙΚΙ ΣΤΗΝ ΠΑΛΑΜΗ ΜΟΥ

Άκουγα για πολύ καιρό
τον ανεπαίσθητο ψίθυρο τους
που δεν ανάμειξα
με τον αναστεναγμό μου.
Επειδή άγγιζαν τ’ αυτιά μου
πρόσεχα πώς τα φορούσα
μια φορά άλλαξαν χρώμα
από ενθουσιασμό.

Έχασα το ένα στη θάλασσα
αλλά κρατώ το άλλο στην παλάμη μου

ανάμνηση μαργαριταρένιου σκουλαρικού
που με κράτησε άϋπνη μερικές νύχτες

***

EIN OHRRING, GEBLIEBEN IN MEINER HAND

Ständig hörte ich
Ihre flüsternde Stimme
Aber ich vermischte sie nicht
Mit meinen Seufzern
Weil sie meine Ohren berührten
Trug ich sie vorsichtig
Eines Tages änderten sie
Vor Aufregung ihre Farbe
Einer verschwand im Meer
Aber den anderen halte ich in meiner Hand
Als Erinnerung an einen Perlenohrring
Den ich eines Nachts verloren habe.

***

一只耳环留在我手里

我一直听到
他们低语的声音
但我没把它和我的
叹息混在一起
因为它们接触我的耳朵
我小心地戴上它们。
一旦它们因兴奋
而变色
其中一只消失在海里
但另一只我拿在手里
作为一只珍珠耳环的记忆
我一定丢失了某个夜晚。

***

UN PENDIENTE QUEDA EN MI MANO

Todo el tiempo escuché
Su voz susurrante
Pero no se mezclaba
Con mis suspiros
Porque tocaron mis orejas
Los llevé con cautela.
Una vez cambiaron de color
Por la excitación
Uno de ellos desapareció en el mar
Pero el otro permanece en mi mano
Como recuerdo de un pendiente con perla
Que debí perder alguna noche.

***

N’ARICCHINA LASSATA NTA LA MANU

Sempri sinteva la so vuci
Ca mi murmuriava
Ma non la cunfunnìa chî me suspiri

Vistu ca mi tuccavanu l’aricchi
Li purtava cu cautela.

Na vota canciaru di culuri
Pi l’emozioni

Una d’iddi mi spiriu dintra lu mari
Ma l’autra la tegnu nta la manu
Comu ricordu di dd’aricchina di perli
C’appi a perdiri quacchi nuttata.

***

KOLCZYK, KTÓRY POZOSTAŁ W DŁONI

Cały czas słyszałam
ich szepczący głos.
Ale nie pomyliłam go
z moimi westchnieniami.
Ponieważ dotykały moich uszu
Nosiłam je troskliwie.
Pewnego razu zmieniły barwę
z podniecenia.
Jeden z nich zniknął w morzu,
ale drugi trzymam w dłoni
jako pamiątkę perłowego kolczyka
który musiałam zgubić pewnej nocy.

***

CERCEL RĂMAS ÎN PALMA MEA

Neîncetat le-am ascultat
Firavul glas, ușor șoptit
Dar nu l-am confundat
Cu propriile mele suspine.
Urechile, duios atinse,
Cu gingășie i-au purtat
Însă cândva, când s-au decolorat
Într-un moment de excitație intempestivă
Unul din ei s-a rătăcit în ocean
Iar cel de-al doilea mi-a rămas în palmă.
E amintirea unui anumit cercel perlat
Pierdut în iureșul unei nopți agitate.

(Taeko Uemura)

 

Recueil: ITHACA 573
Traduction: Français Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache / Anglais Mariko Sumikura – Germain Droogenbroodt / Grec Manolis Aligizakis / Allemand Mariko Sumikura – Germain Droogenbroodt –
Wolfgang Klinck / Néerlandais Mariko Sumikura – Germain Droogenbroodt / Chinois Mariko Sumikura-Joman Zhugenbrut-Stanley Bakan / Espagnol Rafael Carcelén / Sicilien Gaetano Cipolla / Polonais Mirosław Grudzień – Małgorzata Żurecka / Roumain Gabriela Căluțiu Sonnenberg
Editions: POINT

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Montre-moi ce que j’ai longtemps désiré (Seamus Heaney)

Posted by arbrealettres sur 25 juillet 2020



Je marchais avec toi et une autre femme
Dans le bois d’un parc, l’herbe murmurante
Mêlait ses doigts à notre silence complice
Et les arbres s’ouvrirent soudain sur une clairière
Où nous assîmes à l’ombre.
La candeur de la lumière, je pense, nous a troublés.
Nous avons parlé du désir et de la jalousie,
Notre conversation, une large robe unique
Ou une nappe blanche étalée pour le repas
Comme un traité de moeurs dans la nature sauvage.
« Montre-moi », ai-je dit à notre compagne, « ce
Ce que j’ai longtemps désiré, l’étoile mauve de ton sein. »
Et elle consentit. Ô ni ma prudence, ni même ces vers,
Mon amour, ne pourront guérir ton regard blessé.

(Seamus Heaney)

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Les Moutons (Madame Deshouliéres)

Posted by arbrealettres sur 16 juin 2020




Les Moutons

Hélas ! petits moutons que vous êtes heureux,
Vous paissez dans nos champs sans soucis, sans alarmes
Aussitôt aimés qu’amoureux,
On ne vous force point à répandre des larmes ;
Vous ne formez jamais d’inutiles désirs ;
Dans vos tranquilles corps l’amour suit la nature ;
Sans ressentir ses maux vous avez ses plaisirs.
L’ambition, l’honneur, l’intérêt, l’imposture,
Qui font tant de maux parmi nous,
Ne se rencontrent point chez vous,
Cependant nous avons la raison pour partage,
Et vous en ignorez l’usage.
Innocents animaux, n’en soyez point jaloux,
Ce n’est pas un grand avantage.
Cette fière raison dont on fait tant de bruit,
Contre les passions n’est pas un sûr remède ;
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit ;
Et déchirer un coeur qui l’appelle à son aide
Est tout l’effet qu’elle produit ;
Toujours impuissante et sévère,
Elle s’oppose à tout et ne surmonte rien.
Sous la garde de votre chien
Vous devez beaucoup moins redouter la colère
Des loups cruels et ravissants,
Que, sous l’autorité d’une telle chimère,
Nous ne devons craindre nos sens.
Ne vaudrait-il pas mieux vivre comme vous faites
Dans une douce oisiveté ?
songe,
Ces prétendus trésors, dont on fait vanité,
Valent moins que votre indolence :
Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels ;
Par eux plus d’un remords nous ronge ;
Nous voulons les rendre éternels,
Sans songer qu’eux et nous passerons comme un
Il n’est, dans ce vaste univers,
Rien d’assuré, rien de solide ;
Des choses ici-bas la fortune décide
Selon ses caprices divers.
Tout l’effort de notre prudence
Ne peut nous dérober au moindre de tes coups.

(Madame Deshouliéres)

 

 

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DEMAIN LA VEILLE (extrait) (Luc Bérimont)

Posted by arbrealettres sur 30 octobre 2019



 

Ohara Koson  __

DEMAIN LA VEILLE (extrait)

Les pousses adoptent sous la terre
Un comportement menuisier
Patience et géométrie
Un atelier sans liberté
Polit des linteaux d’étamines

J’apprends à retarder les mots
Par un mimétisme pareil
Une prudence de fraisier
Dans un printemps frileux

Par les tiges souples du feu
Je connais le vent, cru
l’ouest
Je vois par un ramier
J’entends par un renard

Le chat m’ouvre un été
La tulipe un soleil

Par les lettres vertes de l’eau
Et par le corps heureux des pierres
Je connais l’issue et l’entrée :
une population d’oiseaux
une mouche dont je suis l’aile.

(Luc Bérimont)

Illustration: Ohara Koson

 

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Retourne-toi avec prudence (Jean Joubert)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2019



chat noir

 

Retourne-toi avec prudence. Regarde.
L’enfant là-bas
Assis sur une chaise, près de la pompe,
Dans le léger brouillard d’avril :
L’enfant qui tient dans ses bras
Un chat noir
Et te regarde,
C’était toi,
C’est encore toi
Mais au fond de quel gouffre ?

(Jean Joubert)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

Illustration: Maud Villerot

 

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Les dômes de l’église à Chersonèse (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 22 mars 2019




Je vois sur la douane un drapeau déteint,
Une brume jaune sur la ville.
Et voici que mon coeur se serre
Avec plus de prudence ; les soupirs font mal.

Je voudrais redevenir la fille de la mer,
Les pieds nus dans ses chaussures,
Disposer mes nattes en couronne,
Chanter d’une voix qui tremble d’émotion.

Regarder encore du haut du perron
Les dômes de l’église à Chersonèse,
Et ne pas savoir que bonheur et gloire
Font sans retour se déliter les âmes.

(Anna Akhmatova)

Illustration

 

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Les branches ont le secret (Richard Rognet)

Posted by arbrealettres sur 19 mars 2019




    
Les branches ont le secret
d’une écriture aussi
vivante que celle qui rythma

mon enfance. L’école était
mon château, mon refuge,
ma patrie. Sur le tableau,
se déroulaient, comme

des portées radieuses,
les modèles que je devais
suivre pour conquérir
le coeur du temps et

comprendre qu’il me
faudrait grande prudence
pour ne jamais trahir
l’écriture des branches.

(Richard Rognet)

 

Recueil: Un peu d’ombre sera la réponse
Traduction:
Editions: Gallimard

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