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VITRINES (Léo Ferré)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2022



 

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VITRINES

Des cadillacs et des ombrelles
De l’albuplast et de bretelles
De faux dollars de vrais bijoux
Y’en a vraiment pour tous les goûts
Des oraisons pour dentifrices
Des chiens nourris qui parlent anglais
Et les putains à l’exercice
Avec leurs yeux qui font des frais
De faux tableaux qui font la gueule
Et puis des vrais qui leur en veulent
Des accordéons déployés
Qui soufflent un peu avant de gueuler
Des filles en fleurs des fleurs nouvelles
Des illustrés à bonne d’enfant
Et des enfants qui font les belles
Devant des mecs bourrés d’argent

Les vitrines de l’avenue
Font un vacarme dans les coeurs
A faire se lever le bonheur
Des fois qu’il pousserait dans les rues

Les faux poètes qu’on affiche
Et qui se meurent à l’hémistiche
Les vedettes à nouveau nez
Paroles de Léo Ferré
Les prix Goncourt que l’on égorge
Les gorges chaudes pour la voix
Les coupe file et les soutiens-gorge
Avec la notice d’emploi
Des chansons mortes dans la cire
Et des pick-up pour les traduire
Microsillon baille aux corneilles
C’est tout Mozart dans une bouteille
Le sang qui coule plein à la une
Et qui se caille aux mots croisés
« France soir », « Le Monde » et la fortune
Devant des mecs qu’ont pas bouffé

Les vitrines de l’avenue
Font un vacarme aux alentours
A faire se lever l’amour
Des fois qu’on le vendrait aux surplus

Des père Noël grandeur nature
Qui ne descendent plus que pour les parents
Pendant que les gosses jouent les doublures
En attendant d’avoir vingt ans
Toupie qui tourne au quart de tour
Bonbons fondants bonheur du jour
Et ces mômes qu’en ont plein les bras
A lécher la vitrine comme ça
Des soldats de plomb qui font du zèle
Des poupées qui font la vaisselle
De drôles d’oiseaux en équilibre
Pour amuser les tout petits
A l’intérieur la vente est libre
Pour ceux qui s’ennuient dans la vie
Des merveilles qu’on peut pas toucher
Devant des mecs qui peuvent « Entrer »

Les vitrines de l’avenue
Font un vacarme dans les yeux
A rendre aveugles tous les gueux
Des fois qu’ils en auraient trop vu

Jambon d’York garanti Villette
Des alcools avec étiquettes
Crème à raser les plus coriaces
« Où l’on m’étend le poil se lasse »
La gaine qui fond sous les caresses
Le slip qui rit le bas qu’encaisse
L’escarpin qui use le pavé
Les parfums qui sentent le péché
Des falbalas pour la comtesse
Des bandes en soie pour pas que ça blesse
Du chinchilla de la toile écrue
Y faut vêtir ceux qui sont nus
Des pull-over si vrais qu’ils bêlent
Des vins si vieux qu’ils coulent gagas
Des décorations qu’étincellent
Devant des mecs qui n’en veulent pas.

Les vitrines de l’avenue
C’est mes poches à moi quand je rêve
Et que j’y fouille à mains perdues
Des lambeaux de désirs qui lèvent

(Léo Ferré)

Illustration

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Eclaircie (Hédi Kaddour)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2018



Eclaircie

Le soleil réchauffe les bancs de bois
Et les statues aux noms effacés.
A contre- jour entre les arbres,
Une petite fille au violoncelle
Refuse de passer par l’allée
Où depuis un siècle le lion vert
Dévore une autruche. Dans le coin
Des brouettes, Flaubert a l’air
Sur le point d’exploser contre
La bêtise de son propre buste.
Assise sur le bord du bassin,
Une femme retire son pull-over
Sans voir que pendant ce temps
Son amie brune lui regarde les seins.

(Hédi Kaddour)

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Il l’aima (Régine Foloppe Ganne)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2016



Il l’aima.

L’hiver fringant sortait ses cerisiers.

Pour toucher sa joue, il trouva des prétextes:
une lanière, une mouche,
une biche qui passe.

Les arbres avaient des joailleries.

Il posa sa main grise sur des souffles d’elle,
il accrochait ses pull-overs.

Elle avait vu des cyclistes rouges,
elle ne s’en souvenait plus,

il souleva son corps de ses yeux,
il mit sur elle toutes ses mains,

dans un manteau à boucles, une encolure,

dans le soleil de certains animaux,
il vit qu’elle était belle et quelle voulait bien.

(Régine Foloppe Ganne)

Illustration: Fabienne Contat

 

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