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Saluez bas ce drapeau (Marc-Adolphe Guégan)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2022



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Le sabre

Une oeuvre d’art, la poignée
De ce sabre fier.
Comme on embellit le crime!

***

Le quart

Quart en forme de sébile.
Piètre insigne
Des mendiants de la gloire.

***

Progrès

On tue à distance.
Plus de mains sanglantes.
La guerre est très propre.

***

Reportage

Le moribond criait: Maman!
De l’arrière, le journaliste
A entendu: Vive la France!

***

Testament

De sa poitrine déchirée
Sortit, en guise d’âme,
Un portrait de fillette blonde.

***

Cimetière

Petite croix. Epitaphe.
Ci-gît le soldat Gribouille.
Il mourut pour vivre libre.

***

L’emblème

Saluez bas ce drapeau.
On en fit l’emplette
L’autre jour dans mon bazar.

(Marc-Adolphe Guégan)

 

 

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Nous y voilà, nous y sommes ! (Fred Vargas)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2020




    
Nous y voilà, nous y sommes !

Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.

Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal.
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.

Nous avons chanté, dansé.

Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.

Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air,
nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde,
nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche,
nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.

On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles,
comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre,
déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome,
enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

Franchement on s’est marrés.

Franchement on a bien profité.

Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses
que de biner des pommes de terre.

Certes.

Mais nous y sommes.

A la Troisième Révolution.

Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

Oui.

On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.

C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.

La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.

De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.

Son ultimatum est clair et sans pitié :

Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).

Sauvez-moi, ou crevez avec moi.

Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.

D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.

Peine perdue.

Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.

Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs,
éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin,
relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, (attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille)
récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines,
on s’est quand même bien marrés).

S’efforcer. Réfléchir, même.

Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.

Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.

Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.

Pas d’échappatoire, allons-y.

Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.

Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.

A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut être.

A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.

A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

(Fred Vargas)

Fred Vargas – 7 novembre 2008 – EuropeEcologie.fr

Lu mise en musique par Philippe Torreton et Richard Kolinka
https://twitter.com/elsaboublil/status/1253749194910838785?s=20

 

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Steam-boat (Tristan Corbière)

Posted by arbrealettres sur 2 août 2019



 

steamboat

Steam-boat

A une passagère.
En fumée elle est donc chassée
L’éternité, la traversée
Qui fit de Vous ma soeur d’un jour,
Ma soeur d’amour ! …

Là-bas : cette mer incolore
Où ce qui fut Toi flotte encore…
Ici : la terre, ton écueil,
Tertre de deuil !

On t’espère là… Va légère !
Qui te bercera, Passagère?…
Ô passagère de mon coeur,
Ton remorqueur ! …

Quel ménélas, sur son rivage,
Fait le pied ?… – Va, j’ai ton sillage…
J’ai, – quand il est là voir venir, –
Ton souvenir !

Il n’aura pas, lui, ma Peureuse,
Les sauts de ta gorge houleuse !…
Tes sourcils salés de poudrain
Pendant un grain !

Il ne t’aura pas : effrontée !
Par tes cheveux au vent fouettée !…
Ni, durant les longs quarts de nuit,
Ton doux ennui…

Ni ma poésie où : – Posée,
Tu seras la mouette blessée,
Et moi le flot qu’elle rasa…,
Et coetera.

– Le large, bête sans limite,
Me paraîtra bien grand, Petite,
Sans Toi ! … Rien n’est plus l’horizon
Qu’une cloison,

Qu’elle va me sembler étroite !
Tout seul, la boîte à deux ! … la boîte
Où nous n’avions qu’un oreiller
Pour sommeiller.

Déjà le soleil se fait sombre
Qui ne balance plus ton ombre,
Et la houle a fait un grand pli…
– Comme l’oubli ! –

Ainsi déchantait sa fortune,
En vigie, au sec, dans la hune,
Par un soir frais, vers le matin,
Un pilotin.

(Tristan Corbière)

 

 

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Quand la vie était forte (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2018




    
Quand la vie était forte et que nous marchions
comme en rêve, glissant du métro à l’enfer
de Dante sans changer de visage ni
d’allure; quand l’amour

comme une torche nous portait de cheveux
en chevelures, dispersant un feu de promesses
que le vent réduirait vite en cendres ; quand
la nuit restait blanche et

nous tournait contre le mur, déplaçant
de quart en quart sous nos paupières le reflet
de la lune, elle était là déjà dansante
et forte et blanche, cette ombre

qui brûle toutes les ombres et nous attend.

(Guy Goffette)

 

Recueil: Tombeau du Capricorne
Traduction:
Editions: Gallimard

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Chant du coeur (Constantin Cavàfis)

Posted by arbrealettres sur 18 décembre 2017



Illustration: Fabienne Contat
    
Chant du coeur

Tout me sourit, vois-tu, quand je t’ai près de moi,
et de cette joie-là tes yeux sont le miroir.
Ô ma lumière, attends, je n’ai pas dit le quart
de ce qui se bouscule en mon coeur plein de toi,
de ce qui monte en moi dès ton premier regard.
Ne dis rien, si tu veux. Ne me murmure pas
des mots d’amour charmeurs. Je n’ai qu’à être là,
te parler, te toucher, humer la matinale
fraîcheur que tu respires ; si pour toi tout cela,
c’est trop, il me suffit de seulement te voir !

(Constantin Cavàfis)

 

Recueil: Tous les poèmes
Traduction: Michel Volkovitch
Editions: Le miel des Anges

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Dame la Lune (Marcelle Vérité)

Posted by arbrealettres sur 29 janvier 2016



Dame la Lune

Dame la Lune
Mange des prunes
Avec la peau
Et les noyaux.
Et C’est pourquoi
Quand on la voit,
Elle est si ronde,
La Lune blonde
Mais une nuit
Elle maigrit
Car la salade
La rend malade.
Et c’est pourquoi
Elle décroît
Et n’est plus ronde,
La Lune blonde
La demi Lune
Fait encore jeune
Et de moitié
Devient quartier.
Et c’est pourquoi
Elle décroît,
Et n’est plus ronde,
La Lune blonde !
Le quart de Lune
Mange des prunes
Avec la peau
Et les noyaux.
Et c’est pourquoi
La Lune croît
Et sera ronde
La dame blonde

(Marcelle Vérité)

 

 

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