Les petits ont deux mois; fourrés comme des ours,
Lustrés comme des loirs, ils sont bien de leur race.
Juin flambe en eux, jamais leur souplesse n’est lasse ;
Il faut à leurs ébats les seize heures des jours.
Dressant leurs reins arqués sur leurs pieds de velours
Ils s’affrontent; soudain, l’un à l’autre s’enlace;
Ils roulent; tous leurs jeux sont des assauts de grâce;
Auprès d’eux les chevreuils bondissants semblent lourds.
La grâce en les enfants, la beauté dans les roses,
La nature impuissante en ses métamorphoses,
N’a que deux fois produit le chef-d’oeuvre parfait.
Hors d’elle, l’art vagit empêtré dans ses langes.
Qu’a fait l’orgueil humain ? les peintres, qu’ont-ils fait ?
Corrège, des amours, et Raphaël, des anges !
(Hippolyte Taine)
Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus
Deux rats pour chaque habitant,
en surface personne n’y prend garde.
Et les jolies femmes traversent les Tuileries,
pendant qu’une race
cuirassée de caoutchouc
défend pas à pas les galeries,
usant de pièges et de poisons
auxquels s’adaptent les bêtes.
Quand l’amour a plus d’importance
Que le grondement de la violence
Il n’y a ni couleur ni race
Ni jeuness’ qui ne se lève en masse
La route qui mène chez toi
Passe peut-êtr’ par le combat
Si tu m’appell’s je serai là
Tu peux compter sur moi.
Puisque c’est ton anniversaire
Je veux ce soir lever mon verre
Tu viens juste d’avoir vingt ans
Ton pays tout autant
Nous ferons jaillir l’espérance
Comme la colombe au ciel s’élance
Nos coeurs n’auront aucune peine
A découvrir un jardin sans haine
Et puis le temps redeviendra
C’est le renouveau
On a fatigué les jeunes chevaux
Cueilli le muguet, coupé les lilas
Oublié le froid de la Saint-Nicolas
Longtemps asservi
Le sang des forêts renaît à la vie
Et dans les fourrés, venue s’égarer
Une biche à pas menus fait l’ingénue.
Limace pure et sans tache
dont la bave trace dans le dédale des bourraches
son espace tout en surface
limace vorace dont la fringale
ravage la salade automnale
limace âme sagace
semblable aux sargasses humaines
limace brave qui perpétue ta race
vivace malgré la haine du campagnard
limace trisyllabe limace méconnue
il faut te donner un peu d’affection
pour que tu continues paisiblement ton chemin
et que sur ta face s’efface la trace de ton angoisse
et celle de ta bave aussi
sur les soucis
Après l’apothéose après les gémonies,
Pour le vorace oubli marqués du même sceau,
Multitudes sans voix, vains noms, races finies,
Feuilles du noble chêne ou de l’humble arbrisseau ;
Vous dont nul n’a connu les mornes agonies,
Vous qui brûliez d’un feu sacré dès le berceau,
Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies,
Ajoutés au fumier des siècles par monceau ;
Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie,
Si, quand l’immense espace est en proie à la vie,
Léguant votre misère à de vils héritiers,
Vous goûtez à jamais, hôtes d’un noir mystère,
L’irrévocable paix inconnue à la terre,
Et si la grande nuit vous garde tout entiers !
La caravane passe
Entourée d’une cadence,
D’un silence,
D’un rythme sans écho.
…
Liant les pays et les races,
Laissant sous leurs pas
Des mesures égales.
O pauvres habitants de la grande Patrie du Milieu,
vous êtes en proie à la guerre civile,
et mon cœur pâlit de tristesse, lorsque je songe à votre misère !
Vous êtes nés libres, et vous êtes esclaves ;
vous êtes punis quoique vous n’ayez fait aucun mal.
Quand donc viendra pour vous le jour du salut ?
De quelle race est-il, l’homme choisi par le ciel pour vous tirer de peine ?
Une blanche cigogne apparaît, là-bas, parmi les nuages,
mais on ne sait pas encore sur quelle maison elle se posera.
(Textes chinois)
Recueil: Le Livre de Jade
Traduction: Judith Gautier
Editions: Plon
Si tu parles aux murs, fais attention, je te préviens fais attention.
Les murs sont comme ces plantes bizarres qui semblent fermées et quiètes.
Mais ce n’est pas vrai.
Un moment ou l’autre, elles s’ouvrent subrepticement — c’est toujours au contact d’une proie ingénue —
et elles se referment vous ayant happé irrémédiablement, et assimilé.
Et vous êtes encore là à les regarder comme si rien ne s’était passé.
Je vous en parle — des murs — et vous mets en garde, parce que j’en sais beaucoup sur leur comportement,
moi qui suis ennemi déclaré des murs, et qui leur tiens des discours offensants,
leur faisant entendre qu’ils ne sont pas de la race des portes et des fenêtres qui ont deux richesses :
le dedans et le dehors.