Il était une dame tartine,
Dans un beau palais de beurre frais,
La muraille était de praline,
Le parquet était de croquet,
La chambre à coucher,
De crème de lait,
Le lit de biscuits,
Les rideaux d’anis.
Elle épousa monsieur Gimblette
Coiffé d’un beau fromage blanc
Son chapeau était de galette
Son habit était d’vol-au-vent
Culotte en nougat,
Gilet d’chocolat,
Bas de caramel,
Et souliers de miel.
Leur fille, la belle Charlotte,
Avait un nez de massepain,
De superbes dents de compote,
Des oreilles de craquelin.
Je la vois garnir,
Sa robe de plaisirs
Avec un rouleau
De pâte d’abricot.
Le puissant prince Limonade
Bien frisé, vient lui faire sa cour
Ses longs cheveux de marmelade
Ornés de pommes cuites au four
Son royal bandeau
De petits gâteaux
Et de raisins secs
Portait au respect.
On frémit en voyant sa garde
De câpres et de cornichons
Armés de fusils de moutarde
Et de sabre en pelure d’oignons
Sur de drôles de brioches
Charlotte vient s’asseoir,
Les bonbons d’ ses poches
Sortent jusqu’au soir.
Voici que la fée Carabosse,
Jalouse et de mauvaise humeur,
Renversa d´un coup de sa bosse
Le palais sucré du bonheur
Pour le rebâtir,
Donnez à loisir,
Donnez, bons parents,
Du sucre aux enfants.
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Les ovales de deux citrons sur une table,
notes jaunes soutenues autour de quoi gravitent les gammes bleues des raisins.
D’un vase rouge aminci par le haut, inquiétant et profond montent les bulles sonores des anémones,
accords de mauve et de carmin, avec des soupirs noirs et, çà et là, des dissonances de verts froids.
Une nappe blanche par-dessous reçoit les harmonies
et les propage comme une eau lisse, tandis qu’un livre ouvert, à côté, les raconte.
En longue file, viennent et vont
Les diablotins, mes petites saintes;
Et c’est du chaud pain frais que leur front –
Yeux de charbon, braises de charbon
Encor non éteintes.
En longue file, viennent et vont,
Et leurs amours aux fleurs sont pareilles;
Comme muguets aiment les garçons –
Vont aux garçons comme grives vont
Aux raisins des treilles.
En longue file, viennent et vont,
Même pleurantes, ne font que rire;
Lointaines sont, et lointaines vont –
Ainsi l’on voit, par les soirs trop bons,
Les étoiles luire.
Je n’aurai point regret des roses
qu’avril léger vit se flétrir.
J’aime voir le raisin sur la treille
mûrissant à l’abri du vent,
parure du val verdoyant,
délice de l’automne d’or,
avec ses grains lumineux, effilés
comme des doigts de jeune fille.
Je l’ai rencontrée un jour de vendange,
La jupe troussée et le pied mignon ;
Point de guimpe jaune et point de chignon :
L’air d’une bacchante et les yeux d’un ange.
Suspendue au bras d’un doux compagnon,
Je l’ai rencontrée aux champs d’Avignon,
Un jour de vendange.
* * *
Je l’ai rencontrée un jour de vendange.
La plaine était morne et le ciel brûlant ;
Elle marchait seule et d’un pas tremblant,
Son regard brillait d’une flamme étrange.
Je frisonne encore en me rappelant
Comme je te vis, cher fantôme blanc,
Un jour de vendange.
* * *
Je l’ai rencontrée un jour de vendange,
Et j’en rêve encore presque tous les jours.
………
Le cercueil était couvert en velours,
Le drap noir avait une double frange.
Les sœurs d’Avignon pleuraient tout autour…
La vigne avait trop de raisins ; l’amour
A fait la vendange.
Peu avant les rougeurs de l’aurore on le voit
Avec la serpe nue marcher dans les sillons
De ses épis profus il soupèse le poids
Les grains déjà jaunis éprouvant de ses dents.
Puis on le voit parmi les vignes attachant
Des pampres égarés aux solides bâtons
Et palper les raisins fermes et verts encore
Et briser un sarment devenu trop puissant.
Puis il va secouant pour qu’il résiste aux vents
Le jeune arbre estimant la menace des nues
Il donne à son ami un pieu pour protection
Et lui sourit : déjà lui poussent des bourgeons.
Il puise et il arrose avec une citrouille
Et se penchant souvent arrache l’herbe folle.
Et sous son pas pesant de toutes parts mûrit
S’enflant profusément un paysage fleuri.
On entend marcher sur les chemins.
A chaque grappe
les ciseleuses de raisins
enlèvent les grains abîmés
tressaillantes aux appels
corps inquiet
un jour elles mettent au monde.