Une rose a percé la pierre de la neige
Une rose a percé la pierre de l’hiver
Galopez dans le ciel, chevaux blancs des cortèges
Une rose a percé la pierre de la neige
Une rose a tremblé sur la paille, à l’auberge
L’ange au gantelet noir roule sous les sapins
Une rose a tremblé, plus frileuse qu’un cierge
La neige lacérait le ciel ultramontain.
Édifice du temps un enfant vous renverse
Une rose, une lampe une larme au matin.
Il suffit d’un baiser qui réchauffe la neige
Et notre rose à nous brûle déjà ta main.
Tu portes ma chemise
Et je mets tes colliers.
Je fume tes gitanes,
Tu bois mon café noir.
Tu as mal à mes reins
Et j´ai froid à tes pieds.
Tu passes mes nuits blanches
Et j´ai tes insomnies.
Je ne sais pas où tu commences,
Tu ne sais pas où je finis.
Tu as des cicatrices
Là où je suis blessé.
Tu te perds dans ma barbe,
J´ai tes poignets d´enfant.
Tu viens boire à ma bouche
Et je mange à ta faim.
Tu as mes inquiétudes
Et j´ai tes rêveries.
Je ne sais pas où tu commences,
Tu ne sais pas où je finis.
Tes jambes m´emprisonnent,
Mon ventre te retient.
J´ai ta poitrine ronde,
Tu as mes yeux cernés.
Ton souffle me réchauffe
Et j´étouffe tes cris.
Je me tais quand tu m´aimes,
Tu dors quand je le dis.
Le vent se lève avec le jour
Et fait le tour de la maison
Où la douleur sommeille encore
Entre les bras qui l’on bercée
A l’ombre des futaies du sang.
Le vent se lève avec le jour
Et crache noir dans la rosée
Sur les chalands aux longes molles
Sur les ferrailles oubliées
Qui recommencent d’exister.
Le vent se lève avec le jour
Et sous l’aisselle un vieux soleil
Qui roule à travers la mémoire
Comme un morceau de pain rouillé
Sur les dalles de la prison.
L’homme ne tardera plus guère
On l’entend geindre et se débattre
Dans le cilice de sa chair
Et réchauffer de son haleine
L’oeuf purulent de son amour.
Ta main, plus chaude que la mienne,
Etait dans ces nuits blanches
Le fantôme de mes peines.
En face, le mur aveuglé
Ecoutait l’averse, écoutait
Le sang noir
Ruisseler de coeurs lointains.
Les mots depuis longtemps
Ne suffisent plus.
Dans les couloirs moisis
Tu retrouveras nos pas.
Sur les fleurs gauches des cloisons
Nos regards.
Il ne reste plus rien.
Mais la mémoire continue.
Ton chapeau est sur le lit,
La douleur est repartie,
Mais le soleil réchauffe encore
Des épaules rondes dans l’escalier.
La tête sur le poing, aveuglé de silence
Je n’oublierai jamais le sang qui m’appelait.
Je me retournerai quand tu seras parti
Je t’attendrai jusqu’au matin.
J’ai réchauffé la pierre longuement dans mes mains
Comme on prie non pour demander mais pour
Que s’évapore la buée sanguine d’un sourire
Et la pierre s’est mise à battre coeur d’oiseau
Qui me fit battre des mains et m’envoler.
Ô neige,
Qui réchauffes et qui protèges
Le blé qui lève à peine
Avec la mousse, avec la laine
Que tu répands de plaine en plaine !
Neige silencieuse et doucement amie
Des maisons, au matin dans le calme endormies,
Recouvre notre toit et frôle nos fenêtres
Et soudain par le seuil et la porte pénètre
Avec tes flocons purs et tes dansantes flammes,
Ô neige lumineuse au travers de notre âme,
Neige, qui réchauffes encor nos derniers rêves
Comme du blé qui lève !
Tu trouves en chaque chose
de quoi réchauffer l’univers
ainsi la carafe qui arrête net
le ciel
la conscience d’être plus un souffle
qu’une pierre
rituel lent d’un arbre
qui veut prendre le jour
Réveillant en creusant le printemps endormi sur la plage
Tu le mets dans tes cheveux et tu ries
Ton rire fait des ronds dans le ciel, éclate comme l’écume
Et la mer doucement réchauffe un soleil vert
Ah! Ta main dans la mienne!
Ton caillou jeté dans mon ciel!
Aujourd’hui, pétales filant au fond du ciel
Entre nos bras poussent des bourgeons
Au centre de nos regards
Un soleil d’or tourne et laisse ses embruns
Oui, nous sommes un lac les arbres
La lumière filtrant sur l’herbe
Les collines de tes cheveux où danse la lumière
Nous, nous!
Dans le vent nouveau une porte s’ouvre
D’innombrables mains nous appellent avec les ombres de la verdure
Un chemin vient de s’ouvrir sur la peau douce de la terre
Au milieu de la source resplendissent tes bras
Et sous nos cils, baignant dans le soleil
Commencent silencieusement à mûrir
La mer, les fruits
Si je lis un livre et qu’il rend mon corps entier si froid
qu’aucun feu ne pourra jamais me réchauffer,
je sais que c’est de la poésie.
Si je ressens physiquement
comme si le sommet de ma tête m’était arraché,
je sais que c’est de la poésie.
Ce sont les deux seules façons
que j’ai de le savoir.
Y en a-t-il d’autres ?
***
If I read a book and it makes my whole body so cold
no fire can warm me
I know that is poetry.
If I feel physically
as if the top of my head were taken off,
I know that is poetry.
These are the only way
I know it.
Is there any other way?
(Emily Dickinson)