Âme dans l’Ignorance, éveille-toi de sa stupeur.
Flammèche du feu-du-monde, étincelle de Divinité,
exalte ton mental et ton coeur dans la splendeur.
Soleil dans l’obscurité, recouvre ton éclat.
Une, universelle, embrassant la création,
cesse de tourner sur la roue avec l’inconsciente Nature,
sens-toi née de Dieu, connais-toi immortelle.
Hors du temps, recouvre ton existence éternelle.
(Sri Aurobindo)
Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust
(sur une chorégraphie de Brigitte Chataignier)
je ne sais pas
j’ouvre
les yeux
sur le monde
je ne sais pas
ne sais pas
dans la nuit
dans le noir
les mots
apparaissent
les mots
résonnent
le mot danse
apparaît
j’aimerais tant
oh oui
avec
tout mon corps
avec
toute ma voix
m’incarner
complètement
absolument
j’aimerais
j’aimerais
oui
j’aimerais tant
je ne sais pas
j’ouvre les yeux
sur chaque moment
le regard
l’infini
le regard
l’infini
j’écoute
j’écoute de toutes mes forces
et le mot terre apparaît
je respecte la terre
le son de la terre
je sonde la terre
le corps de la terre
les éléments se tiennent
par la main
tous les éléments
je descends dans la terre
les manteaux
qui me recouvrent
tombent les uns après les autres
je passe
de l’autre côté de la tombe
de l’autre côté des cendres
j’expire
je vais au bout du corps
au bout de la terre
au bout de la femme
j’inspire
Et par l’inapparente
effraction du jour recouvrer
le vertige intérieur
cette impression jubilante d’espace
quand les choses ne sont plus
que leur scintillement
Je t’aime pour ta voix pour tes yeux sur la nuit
Pour ces cris que tu cries du fond des oreillers
Et pour ce mouvement de la mer pour ta vie
Qui ressemble à la mer qui monte me noyer
Je t’aime pour ton ventre où je vais te chercher
Quand tu cherches des yeux la nuit qui se balance
À mon creux qui te creuse et d’où ma vie blessée
Coule comme un torrent dans le lit du silence
Je t’aime pour ta vigne où vendangent des fées
Et pour cette clairière où j’éclaire ma route
Que balisent tes cris durs comme deux galets
Que le flot de la nuit roule sur ma déroute
Je t’aime pour le sel qui tache ta vertu
Et qui fait un champ d’ombre où ma bouche repose
Pour ce je ne sais quoi dont ma lèvre têtue
S’entête à recouvrer le sens et puis la cause
Je t’aime pour ta gueule ouverte sur la nuit
Quand la sève montant comme du fond des ères
Bouillonne dans ton ventre et que je te maudis
D’être à la fois ma soeur mon ange et ma Lumière
A la même heure dans toutes les villes
les femmes s’abreuvent longuement aux vitrines.
Elles ont du soleil jusqu’au fond de la gorge
avec des dents toujours plantées comme en plein fruit.
Elles sont pour les sens le seul objet
sur lequel ils s’exercent complètement.
C’est contre elles que la caresse perd son ombre,
que le corps de l’homme recouvre ses vraies dimensions.
Les passants entrent dans leur regard
sans y rester plus longtemps
qu’une forêt dans l’averse.
On les devine blanches sous leurs robes
comme les plantes vivant loin du jour
et elles peuvent ensoleiller toute une chambre
avec la seule clarté qui monte de leurs jambes.
(Lucien Becker)
Recueil: Rien que l’amour
Editions: La Table Ronde
Qu’est ce mien coeur devenu, qu’est ce mien coeur devenu ?
De ta peine et de ton chagrin s’est rempli mon coeur
Mon coeur a brûlé, mon coeur a brûlé
En brûlant, ce mien coeur a recouvré ses forces
C’est vrai qu’il a brûlé; il a brûlé pour le vrai
Il a pris tout entier la couleur de l’amour
Il s’est trouvé lui-même, il s’est trouvé lui-même
Tes désirs ont agréé à ce mien coeur
«Ma pauvreté est ma gloire, ma pauvreté est ma gloire»
Ne l’a-t-il pas dit, lui, la Gloire de ce monde ?
Invoque la Gloire, invoque la Gloire !
Dans ce néant, ce mien coeur a trouvé la Gloire !
Ville de majesté, Ville de majesté
Peut-être est-ce le Trône divin
Demeure du bien-aimé, demeure du bien-aimé
Et si maintenant l’était ce mien coeur ?
Je suis Bayram maintenant, je suis Bayram
Ils font la fête avec l’amant maintenant
Louange et grâces, louange et grâces
Avec l’amant il a fait la fête ce mien coeur.
(Hadji Bayram Veli)
Recueil: La montagne d’en face (Poèmes de derviches anatoliens)
Traduction: Guizine Dino, Michèle Aquien, Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana
Chaque jour à la même heure
tu t’abreuves longuement aux vitrines.
Tu peux garder tout le soleil sur tes seins
et il peut toucher tes dents comme un fruit.
Tu es pour mes sens le seul objet
sur lequel ils s’exercent complètement.
C’est contre toi que ma caresse devient tranchante
et que mon corps recouvre ses vraies dimensions.
Tu peux ensoleiller toute une chambre
avec la seule clarté qui bat sur ton ventre
au moment où plus rien ne te relie à la terre
qu’un baiser, qu’une étreinte, qu’un regard.
Pour te dépouiller de ta nudité,
pour que le plaisir te traverse dans toute ta longueur,
il faut mettre à jour les diamants que tu as sous la peau
et les tailler jusqu’à ce que le matin en jaillisse.
(Lucien Becker)
Recueil: Rien que l’amour
Editions: La Table Ronde