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Nous y voilà, nous y sommes ! (Fred Vargas)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2020




    
Nous y voilà, nous y sommes !

Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.

Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal.
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.

Nous avons chanté, dansé.

Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.

Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air,
nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde,
nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche,
nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.

On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles,
comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre,
déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome,
enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

Franchement on s’est marrés.

Franchement on a bien profité.

Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses
que de biner des pommes de terre.

Certes.

Mais nous y sommes.

A la Troisième Révolution.

Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

Oui.

On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.

C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.

La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.

De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.

Son ultimatum est clair et sans pitié :

Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).

Sauvez-moi, ou crevez avec moi.

Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.

D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.

Peine perdue.

Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.

Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs,
éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin,
relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, (attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille)
récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines,
on s’est quand même bien marrés).

S’efforcer. Réfléchir, même.

Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.

Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.

Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.

Pas d’échappatoire, allons-y.

Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.

Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.

A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut être.

A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.

A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

(Fred Vargas)

Fred Vargas – 7 novembre 2008 – EuropeEcologie.fr

Lu mise en musique par Philippe Torreton et Richard Kolinka
https://twitter.com/elsaboublil/status/1253749194910838785?s=20

 

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La télévision (Michael Crichton)

Posted by arbrealettres sur 15 septembre 2019



 

20th_Television

Quelquefois, je regarde mon living,
et la chose la plus réelle qui s’y trouve est la télévision.
Elle est claire et vive
et le reste de ma vie me semble morne.
Alors, j’éteins cette foutue chose.

Et je récupère ma vie.

(Michael Crichton)

 

 

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Planquer mon coeur (Balbino)

Posted by arbrealettres sur 23 août 2018


 


 

pont

Planquer mon coeur

Planquer mon coeur
sous le carton de Basquiat
Downtown
81.
Le récupérer
griffé de couleurs
et de slogans
anarchiques.

Planquer mon coeur
sous un pont
quai de Bercy.
Graffez dessus
pissez dessus
brisez vos bouteilles
de vin
rouge.
Mais
ne me le rendez pas
rempli
de silence

(Balbino)

Illustration

 

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Il y a des fragments de paroles (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2017




    
Il y a des fragments de paroles
au fond de toutes les choses,
comme des restes d’une antique semence.

Pour les trouver
il faut récupérer le balbutiement
du commencement ou de la fin.
Et à partir de l’oubli des noms
réapprendre à épeler les paroles,
mais à partir du revers des lettres.

Peut-être découvrirons-nous alors
qu’il ne faut pas compléter ces fragments,
car chacun est une parole entière,
une parole de langage oublié.

Il est même possible que nous trouvions en chaque chose
un texte complet,
un texte réservé et protégé
qu’il ne faut pas lire pour le comprendre.

(Roberto Juarroz)

 

 

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Je suis un homme maintenant (Georges Perros)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2016



Je suis un homme maintenant
et pourrais être militaire
et quand on me dit de parler
je sais pourquoi je dois me taire
Quoique me sentant peu au monde
je dis bonjour ça va bonsoir
à mes semblables que je croise
et qui me le rendent parfois
Certes je sais que mon royaume
est bien de ce monde Voilà
ce qui m’embarrasse plutôt
je récupère mal le temps
que j’ai passé à faire l’âne
en laissant ma pauvre maman
s’occuper à torcher mon cul
à me donner le sein si tant
il est vrai qu’elle fit ce geste
de laiteuse et pâle tendresse.

(Georges Perros)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

 

 

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Récupérer des figures du rêve (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 27 avril 2016



Récupérer des figures du rêve
Comme on gagne du terrain sur la mer
et fonder sur cette plage minimale
le tremblement d’un petit poème.

Puis rendre le rêve au rêve
et fermer le circuit,
car le rêve ne peut pas rester longtemps
hors du rêve.

Ainsi, presque sans l’avoir cherché,
il restera parmi les mots du poème
un peu du parfum du fond.

*

Recuperar figuras del suenõ
como quien gana terreno al mar
y fundar en esa minima playa
el temblor de un pequeño poema.

Devolver luego el sueño al sueño
y cerrar el circuito,
porque el sueño no puede estar mucho
afuera del sueño.

Asi, casi sin haberlo buscado,
quedará entre las palabras del poema
un poco del perfume del fondo.

(Roberto Juarroz)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

 

 

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