Alors, elle a repris la route
là où elle l’avait abandonnée,
elle a repris son coeur
là où elle l’avait noyé.
Alors, patiemment,
elle s’est mise à aimer.
A aimer, à donner, à se perdre
sans rien demander.
Elle a aimé les gens
avec leurs pauvres maux de tous les jours,
avec leurs refus,
avec leur haine au fond des poings.
Elle a aimé les gens de peine,
ceux qu’elle trouvait sur le chemin.
Elle a aimé les gens de douleur,
ceux qui criaient, la bouche sanglante,
tout au bout de leur peur.
Elle les a accompagnés
au long de cette solitude désespérée
qui ne permet plus de marcher.
Elle a aimé l’enfant
abandonné.
Elle a aimé les vieux
effrayés par la mort,
effrayés d’avoir égaré
tout ce dont ils pensaient
avoir rempli leur vie.
Elle a aimé,
plus que de raison,
les esseulés, les blessés
d’amours piétinées.
Elle a aimé la mort,
la souffrance
et le désespoir
pour qu’aux autres
ils soient épargnés.
(Martine Laffon)
Recueil: Le Dit d’Amour
Traduction:
Editions: Alternatives
De chaque heure
même la plus fragile
nous exigerons sa flamme
sa crête de lumière
un silence qui renoue
une parole ouverte par sa soif
le refus d’être accoutré de soi
de chaque heure sa rivière
mais il n’est de chant
que si l’oreille le veut
mais il n’est de profondeur
que si l’oeil résiste
de chaque heure nous visiterons l’envers
où l’âme peau sensible
à la lente respiration des arbres
enfin respire
longue joie rare et dense
dans l’instant
entre les mains
dont nous revenons vivants
(Jean-Pierre Siméon)
Recueil: Là où dansent les Éphémères 108 poètes d’aujourd’hui
Traduction:
Editions: Le Castor Astral
La beauté est divine
et, plus qu’humaine,
elle naît pourtant d’un simple regard,
des gestes de la servante,
du reflet de sa silhouette dans le lac de Pushkar,
du souvenir de son parfum mêlé à la sueur laiteuse,
du chant du qawwal, prière passionnée,
de l’abandon et de la possession des corps,
de la fatigue qui suit l’effort,
du sourire du gamin édenté comme du silence de l’ascète,
de ton refus digne comme de ma confiance inébranlable.
Hafez l’a si bien dit,
elle est comme la nouvelle lune qui éclaire doucement le chemin des égarés,
puis se retire sous le voile des nuages.
(Titi Robin)
Rajasthan, un voyage aux sources gitanes, 2004.
Recueil: La Beauté Éphéméride poétique pour chanter la vie
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Il faut converser avec la poésie
et dans cette conversation intérieure
vous avez tous les droits:
ceux de l’amour, de l’antipathie,
de la colère, du refus,
de l’incompréhension.
Je ne peux entendre la musique de l’être
Je n’ai reçu le pouvoir de l’imaginer
Mon amour s’alimente à un non-amour
Je n’avance qu’attisé par son refus
Il m’emporte dans ses grands bras de rien
Son silence me sépare de ma vie
[…]
tant d’altitudes inouïes aux ciels de la terre
tant de déesses et de dieux oubliés
tant de promesses sous des fougères sombres
tant de résurrections à l’arraché
mais quel royaume
quel royaume ?
tant de surplombs
tant de refus et d’insouciances
tant de caresses fauves sans fausseté
tant et tant d’appels solaires
mais quel royaume
quel royaume
quel royaume
quel royaume
quel royaume
pour mon amour ?
(André Welter)
Recueil: La vie en dansant – Au cabaret de l’éphémère – Avec un peu plus de ciel
Traduction:
Editions: Gallimard
Je ne suis pas une femme. Je suis neutre.
Je suis un enfant, un page, une résolution hardie
je suis un rai de soleil écarlate qui rit…
Je suis un filet pour poissons gloutons,
je suis un toast porté en l’honneur de toutes les femmes,
je suis un pas vers le hasard et la ruine,
je suis un bond dans la liberté et le soi…
Je suis le sang qui chuchote à l’oreille de l’homme
je suis fièvre de l’âme, désir et refus de la chair,
je suis l’enseigne à la porte de paradis interdits,
Je suis une flamme exploratrice et gaillarde,
je suis une eau profonde mais téméraire jusqu’aux genoux,
je suis eau et feu loyalement, librement unis…
(Edith Sôdergran)
Trad. : Carl Gustaf Bjurstom et Lucie Albertini
***
Jag är ingen kvinna. Jag är ett neutrum.
Jag är ett barn, en page och ett djärvt beslut,
jag är en skrattande strimma av en scharlakanssol…
Jagr ett nit för alla glupska fiskar,
jag är en skål för alla kvinnors ira,
jag är ett steg mot slumpen och fördàrvet,
jag är ett språng I friheten och sj ilvet…
Jag är blodets viskning i mannens öra,
jag är en sj lens frossa, köttets liingtan och förvägran,
jag är en ingångsskylt till nya paradis.
Jag är en flamma, sökande och käck,
jag är ett vatten, djupt men dristigt upp till knäna,
jag är eld och vatten I ärligt sammanhang på fria villkor…
Recueil: Petite anthologie Poésie européenne
Traduction:
Editions: Singulières