Surtout ne pas revenir en arrière
les regrets sont des anémones
qui n’attendent que le remords
Je préfère les étoiles fidèles
et silencieuses et souveraines
qui sont les regards de la nuit
et les fleurs de mes meilleurs rêves
Doucement comme les loups
j’explore le domaine de chaque jour
et je découvre l’inconnu
je suis sans pitié
pour ce qui est identique
le pas à pas et le pas dans les pas
mais quelqu’un chante une rengaine
toujours plus loin de moi-même
toujours le même
De la jeunesse à l’âge mûr, il n’est pas de chemin tracé,
Cependant hier un enfant, maintenant un homme tassé,
Inutile de s’exciter, chaque pas fera du passé.
De l’âge mûr à la vieillesse, il n’est pas de route certaine,
Cependant hier voix qui tranche, aujourd’hui tremblante rengaine,
Pas besoin de beaucoup d’effort, c’est la pente qui vous emmène.
Et des derniers jours à la mort, le chemin, peut-on le décrire?
Hier soir quarante de fièvre, aujourd’hui visage de cire,
Impossible d’en rien savoir, les uns dorment, d’autres délirent.
Marions-nous
et ensemble
perpétuons la solitude
d’où je viens.
Les journées
attendent
les métastases.
C’est ta main
suivant
mes balafres
qui arrive au bout
de la route.
Rengaine tendre…
des kilomètres
de mauvais sang.
Dis ! Quand Reviendras-tu ?
Voilà combien de jours, voilà combien de nuits…
Voilà combien de temps que tu es reparti !
Tu m’as dit ;
Cette fois, c’est le dernier voyage,
Pour nos coeurs déchirés, c’est le dernier naufrage.
Au printemps, tu verras, je serai de retour.
Le printemps, c’est joli, pour se parler d’amour :
(Version Femme : Je ne suis pas de cell’s qui meurent de chagrin,)
Nous irons voir ensemble les jardins refleuris,
(Je n’ai pas la vertu des femmes de marins.)
Et déambulerons dans les rues de Paris !
Dis !
Quand reviendras-tu ?
Dis ! au moins le sais-tu ?
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère…
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus !
Le printemps s’est enfui depuis longtemps déjà,
Craquent les feuilles mortes, brûl’nt les feux de bois…
A voir Paris si beau en cette fin d’automne,
Soudain je m’alanguis, je rêve, je frissonne…
Je tangue, je chavire, et comme la rengaine ;
Je vais, je viens, je vire, je tourne, je me traîne…
(Version Femme: Je ne suis pas de cell’s qui meurent de chagrin,)
Ton image me hante, je te parle tout bas…
(Je n’ai pas la vertu des femmes de marins.)
Et j’ai le mal d’amour et j’ai le mal de Toi !
Dis !
Quand reviendras-tu ?
Dis ! au moins le sais-tu ?
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère…
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus !
J’ai beau t’aimer encor, j’ai beau t’aimer toujours.
J’ai beau n’aimer que toi, j’ai beau t’aimer d’amour…
Si tu ne comprends pas qu’il te faut revenir,
Je ferai de nous deux, mes plus beaux souvenirs…
Je reprendrai la rout’, le Monde m’émerveill’.
J’irai me réchauffer à un autre Soleil…
(Version Femme: Je ne suis pas de cell’s qui meurent de chagrin,)
Je ne suis pas de ceux qui meurent de chagrin…
(Je n’ai pas la ver-tu des femmes de marins.)
Je n’ai pas la vertu des Chevaliers anciens.
Dis !
Quand reviendras-tu ?
Dis ! au moins le sais-tu ?
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère…
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus !
L’immersion en ta beauté,
les noces des fleurs, les rengaines des passereaux,
les rires des enfants, les sonnailles des chevaux,
les geignements des chars, la senteur du foin…
Et dans l’entrebâillement des frondaisons,
un échantillon d’azur traversé par la course des nuages
dont l’incandescence s’éparpille
au fond de mon coeur comme des pétales.
(Jean Grosjean)
Recueil: Les parvis
Traduction:
Editions: Gallimard
J’ai beaucoup appris
et tout entendu
je n’ai rien compris
et rien retenu.
J’avais entrepris
j’avais entendu
je m’étais perdu
je m’étais repris
puis j’ai tout perdu.
Quand ils ont compris
que j’étais perdu
ils m’ont attendu
ils m’ont entendu
ils m’ont confondu
puis ils m’ont tout pris
puis ils m’ont pendu.
Puis m’ayant pendu
m’ont donné un prix
un prix de vertu.
Je t’écris pour te dire que je t’aime
que mon coeur qui voyage tous les jours
— le coeur parti dans la dernière neige
le coeur parti dans les yeux qui passent
le coeur parti dans les ciels d’hypnose —
revient le soir comme une bête atteinte
Qu’es-tu devenue toi comme hier ?
Moi j’ai noir éclaté dans la tête
j’ai froid dans la main
j’ai l’ennui comme un disque rengaine
j’ai peur d’aller seul de disparaître demain
sans ta vague à mon corps
sans ta voix de mousse humide
c’est ma vie que j’ai mal et ton absence
Le temps saigne.
Quand donc aurai-je de tes nouvelles ?
Je t’écris pour te dire que je t’aime
que tout finira dans tes bras amarré
que je t’attends dans la saison de nous-deux
qu’un jour mon coeur s’est perdu dans sa peine
que sans toi il ne reviendra plus
Mon amour quand nous serons couchés côte à côte
dans la crevasse du temps limoneux
nous reviendrons de nuit parler dans les herbes
au moment que grandit le point d’aube
dans les yeux des bêtes découpées dans la brume
tandis que le printemps liseronne aux fenêtres
Pour ce rendez-vous de notre fin du monde
c’est avec toi que je veux chanter
sur le seuil des mémoires les morts d’aujourd’hui
eux qui respirent pour nous
les espaces oubliés