Aïcha en a fait un collier qu’elle enroule à son cou, mais son doigt impatient a rompu le fil de soie.
Les jasmins se répandent en pluie odorante ; l’un reste pris dans ses cheveux dénoués, l’autre a glissé à terre, un autre est demeuré entre deux seins plus fermes que les chelils du mois d’amardâd.
Que ne donnerait Mansour pour être la fleur qui repose dans cette vallée d’amour !
Mais le cœur de la jeune fille est une source non encore épandue, et l’heure n’est point sonnée où des lèvres amoureuses mettront un collier de baisers au cou flexible d’Aïcha.
Il ne faut pas que tu te coiffes, de peur que le fer trop chaud ne brûle ta nuque ou tes cheveux.
Tu les laisseras sur tes épaules et répandus le long de tes bras.
Il ne faut pas que tu t’habilles, de peur qu’une ceinture ne rougisse les plis effilés de ta hanche.
Tu resteras nue comme une petite fille.
Même il ne faut pas que tu te lèves, de peur que tes pieds fragiles ne s’endolorissent en marchant.
Tu reposeras au lit, ô victime d’Érôs, et je panserai ta pauvre plaie.
Car je ne veux voir sur ton corps d’autres marques, Mnasidika,
que la tache d’un baiser trop long,
l’égratignure d’un ongle aigu, ou la barre pourprée de mon étreinte.
(Pierre Louÿs)
Recueil: Les chansons de Bilitis
Traduction:
Editions: Gallimard
Tu ne peux face à face contempler le soleil,
mais tu contemples son reflet qui fait la beauté de la lune.
Ainsi tu ne peux face à face contempler le Soleil des âmes;
mais tu contemples sa lueur répandue sur un beau visage,
et attendri tu pleures,
et devant lui ton âme étouffe de désirs.
(Henri Cazalis)
Recueil: Le livre du Néant
Editions: Alphonse Lemerre
Il n’y a pas d’autre manière d’approcher
de ta bouche : tant de soleils et de mers
brûlent pour que tu ne sois pas de neige :
corps
ancré dans l’été : les oiseaux de mer
couronnent ton visage
de leur vol : musique inachevée
que les doigts délivrent :
lumière répandue sur le dos et les hanches,
encore plus douce au creux des reins :
pour te porter à ma bouche, tant de mers
ont brûlé, tant de navires.
(Eugénio de Andrade)
Recueil: Matière Solaire / Poids de l’Ombre / Blanc sur Blanc
Traduction:Michel Chandeigne, Patrick Quillier, Maria Antonia Câmara Manuel
Editions: Gallimard
Il n’y a pas d’autre manière d’approcher
de ta bouche : tant de soleils et de mers
brûlent pour que tu ne sois pas de neige :
corps
ancré dans l’été : les oiseaux de mer
couronnent ton visage
de leur vol : musique inachevée
que les doigts délivrent :
lumière répandue sur le dos et les hanches,
encore plus douce au creux des reins :
pour te porter à ma bouche, tant de mers
ont brûlé, tant de navires.
Un vol en Dieu,
mais en un Dieu déchiré
et répandu à travers le monde qui, ainsi épars,
continue à chanter par les lions et les rochers,
par les arbres et les oiseaux
dont l’harmonie transcendantale
couvre dans cet état même de déchirement,
la haine destructrice.
Un vol en Dieu,
mais en un Dieu déchiré
et répandu à travers le monde qui, ainsi épars,
continue à chanter par les lions et les rochers,
par les arbres et les oiseaux
dont l’harmonie transcendantale
couvre dans cet état même de déchirement,
la haine destructrice.
La négraille aux senteurs d’oignon frit retrouve dans son sang répandu le goût amer de la liberté
Et elle est debout la négraille
la négraille assise
inattendument debout
debout dans la cale
debout dans les cabines
debout sur le pont
debout dans le vent
debout sous le soleil
debout dans le sang