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Poésie

Posts Tagged ‘représentation’

La vie a noué sa cravate (Moshe Nadir)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2019




    
La vie a noué sa cravate,
s’est aspergée d’eau de Cologne
et s’en est allée au théâtre.

Elle a chaussé ses lunettes
– la vie est un peu myope –
et s’est mise à observer la scène.

Au premier acte, sur le plateau,
c’était une fête exceptionnelle,
une fête comme elle n’en avait jamais vu.

Des amoureux apparaissaient
qui parlaient un langage tel que la vie, depuis qu’elle vit,
n’en avait jamais entendu.

Dieu, la vie ouït-elle jamais de pareils propos !
Au deuxième et au troisième acte survinrent des malheurs
si originaux que la vie dut ôter ses lunettes pour les essuyer.

Jamais, en nul lieu, en nul temps,
la vie n’avait vu des gens se comporter de cette façon.
Le rideau est tombé sur le dernier acte
et la vie a applaudi, crié bravo.

Quand la vie a quitté la représentation, il était déjà tard.
Elle a comparé ce qu’elle avait vu au théâtre
et en a conclu que la vie ne sait pas du tout vivre.
Qu’il lui faudrait, de temps à autre, faire un saut au théâtre
pour apprendre comment les gens se comportent,
afin de savoir quoi faire en des circonstances analogues.

Et, depuis lors, la vie va régulièrement au théâtre,
et la vie devient chaque jour plus intéressante,
meilleure, plus raffinée, plus dramatique.

(Moshe Nadir)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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L’homme de verre (Paul Valéry)

Posted by arbrealettres sur 26 juillet 2019



Illustration: Taisuke Mohri

    
L’homme de verre

Si droite est ma vision, si pure ma sensation,
si maladivement complète ma connaissance, et si déliée,
si nette ma représentation, et ma science si achevée
que je me pénètre depuis l’extrémité du monde jusqu’à ma parole silencieuse ;
et de l’informe chose jusqu’au désir se levant, le long de fibres connues et de centres ordonnés,
je me suis, je me réponds, je me reflète et me répercute.
Je frémis à l’infini des miroirs
— je suis de verre.

(Paul Valéry)

 

Recueil: Poésie perdue
Traduction:
Editions: Gallimard

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La souffrance (Baruch Spinoza)

Posted by arbrealettres sur 6 août 2018



Illustration: Pascal Renoux
    
La souffrance cesse d’être souffrance
sitôt que l’on s’en forme
une représentation nette et précise.

(Baruch Spinoza)

 

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Une part de nous-mêmes (Friedrich Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 11 mai 2018



Ce paysage dissimule son sens,
mais il en a un que l’on aimerait deviner:
où que je regarde,
je lis des mots et des suggestions de mots,
mais je ne sais où commence la phrase
qui résout l’énigme de toutes ces suggestions,
et j’attrape le torticolis
à essayer de voir s’il faut lire à partir d’ici
ou à partir de là.

C’était le soir, une odeur de sapins déferlait,
on voyait des montagnes grises à travers,
en haut brillait la neige.
Un ciel bleu, rasséréné, s’étendait au-dessus.
– Ces choses-là, nous ne les voyons jamais telles qu’elles sont,
nous les recouvrons toujours d’une fine membrane psychologique –
c’est alors celle-ci que nous voyons.
Des sentiments hérités, des états
de ces objets de la nature.
Nous voyons quelque chose de nous-mêmes
– dans ce sens, ce monde aussi est notre représentation.
Forêts, montagnes, ne sont pas seulement des concepts,
ils sont notre expérience et notre histoire,
une part de nous-mêmes.

(Friedrich Nietzsche)

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Le grand obstacle, c’est toujours la représentation et non la réalité (Etty Hillesum)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2018




    
Je sais comment libérer peu à peu mes forces créatrices des contingences matérielles,
de la représentation de la faim, du froid et des périls.

Car le grand obstacle, c’est toujours la représentation et non la réalité.
La réalité, on la prend en charge avec toute la souffrance,
toutes les difficultés qui s’y attachent – on la prend en charge,
on la hisse sur ses épaules et c’est en la portant que l’on accroît son endurance.

Mais la représentation de la souffrance – qui n’est pas la souffrance,
car celle-ci est féconde et peut vous rendre la vie précieuse – il faut la briser.

Et en brisant ces représentations qui emprisonnent la vie derrière leurs grilles,
on libère en soi-même la vie réelle avec toutes ses forces,
et l’on devient capable de supporter la souffrance réelle,
dans sa propre vie et dans celle de l’humanité.

(Etty Hillesum)

 

 

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Les pires souffrances de l’homme (Etty Hillesum)

Posted by arbrealettres sur 25 août 2016



Les pires souffrances de l’homme sont celles qu’il redoute,
car le grand obstacle c’est toujours la représentation et non la réalité.
La réalité on la prend en charge avec toute la souffrance,
toutes les difficultés qui s’y attachent –
on la prend en charge, on la hisse sur ses épaules
et c’est en la portant que l’on accroît son endurance

(Etty Hillesum)

 Illustration: Jerome Bosch 

 

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