Dans le noeud bleu des veines
que voile une peau tendre
il vit une carte des fleuves ;
combien il désirait
ces courants bleus ! S’y rendre
sans retour désormais !
Au souffle de la bouche
qui effleura son visage
il sut le sel des mers.
Là-bas, une tempête bouge
et, hors des livres des mages,
passe un songe fiévreux.
Les serpents, leurs danses : il sait ;
le venin vint d’une lèvre
quand chantonna la flûte.
Abattu, accablé,
dans le demi-jour lunaire
il rentrait par la suite.
Et combien de ses rêves
dans un sein se sont éteints ;
les rires lui étaient pleurs,
les larmes, elles, étaient gaies.
Le doigt tremblait, discret,
contre le tambourin.
(Jaroslav Seifert)
Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud
En haut de l’escalier les
certitudes tanguent
l’interrogation défroissée
tu cherches
un astre neuf des briques vraiment rouges
un peu de vent dessus
pour effacer la pluie et le sel des orages
un filet de sens à l’épaisseur charnelle
coûte que coûte un peu de beauté
pour limer la peur
l’emportement des hirondelles
leur retour si longtemps espéré
tu cherches
(Mireille Fargier-Caruso)
Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Quêter, quérir, fouiller, fureter,
Froidure vide, froid dur limpide,
Morne monotonie, amère mélancolie, lamentable ennui…
Douceur subite, retour du froid,
Cette saison où je souffre le plus de respirer ;
Avec trois gobelets et deux coupes de vin clair,
Comment y résister, quand le soir vient, quand le vent s’énerve ?
Voici les oies sauvages parties,
Le plus cruel à mon coeur,
Pourtant nous étions bien complices aux temps passés.
Partout au sol les chrysanthèmes s’amoncellent,
Défraîchis et déchus
à présent, qui viendrait prendre la peine de les ramasser ?
Veillant près de la fenêtre,
Solitaire, par moi-même comment parviendrai-je à rejoindre l’obscurité ?
Au sterculier vient s’adjoindre la bruine,
Qui jusqu’au crépuscule dégoutte et dégouline ;
Et toute cette composition,
Comment le seul mot de « souci » pourrait-il en donner le sens ?
***
(Li Qing Zhào) (1084 — après 1149)
Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise
Une chanson, nouvelle mélodie, d’alcool une pleine coupe,
L’an dernier passa un souffle céleste sur la terrasse de l’ancien pavillon.
Le soleil du soir descend à l’occident, quand s’en reviendra-t-il ?
Qu’y peut-on faire ? Les fleurs sont tombées, parties,
Comme les hirondelles déjà familières sont de retour au nid ;
Au petit jardin par la sente parfumée seul je chemine.
***
(Yàn Shu) (991-1055)
Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise
Au retour du printemps les prunus rajeunissent,
Je fais fondre la neige et prépare du thé.
Qui dit que dans la nuit une année se termine?
A l’aube comme avant le soleil monte à l’est.
(Shanci Tongji)
Recueil: Poèmes Chan
Traduction: du chinois par Jacques Pimpaneau
Editions: Philippe Picquier
Toutes les rivières se jettent dans la mer ;
pourtant la mer n’est pas pleine ;
vers l’endroit d’où viennent les rivières,
là-bas elles retournent encore.
Il pleut aujourd’hui
dans les montagnes.
C’est une pluie verte et chaude
avec de l’amour
dans ses poches
car le printemps est là,
et ne rêve pas
de mort.
Des oiseaux tombe la musique
comme des horloges tic-taquent la houle
dans un pays
où les enfants aiment les araignées,
et les laissent dormir
dans leurs cheveux.
Une pluie lente grésille sur la rivière
comme une poêlée de fleurs frites,
et avec chaque goutte de pluie
l’océan
recommence.
***
The Return of the Rivers
All the rivers run into the sea;
yet the sea is not full;
unto the place from whence the rivers come,
thither they return again.
It is raining today
in the mountains.
It is a warm green rain
with love
in its pockets
for spring is here,
and does not dream
of death.
Birds happen music
like clocks ticking heaves
in a land
where children love spiders,
and let them sleep
in their hair.
A slow rain sizzles
on the river
like a pan
full of frying flowers,
and with each drop
of rain
the ocean
begins again.
(Richard Brautigan)
Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral
Tout-à-coup la porte s’ouvrit comme d’elle-même à deux
battants,
et l’on vit paraître la Fée.
Les fleurs tombèrent à ses genoux en versant des larmes,
mais elle les releva avec bonté.
—Entrez, leur dit-elle, pauvres enfants,
venez reprendre auprès de moi la place que vous n’auriez jamais dû quitter.
Pas une qui ne revît avec délice, les lieux où elle était née,
pas une qui ne se rappelât avec une terreur mêlée de honte,
les heures qu’elle avait passées sur la terre.
La Pensée maudissait les hommes qui, à l’envi les uns des autres,
semblaient se faire un plaisir de la repousser.
L’Aubépine frissonnait en pensant au sécateur.
La Tulipe se demandait comment elle avait pu s’habituer aux ennuis du sérail.
L’Églantine tremblait intérieurement, qu’en punition de son escapade,
la Fée ne la forcit à lire les livres qu’elle avait composés
du temps qu’elle figurait parmi les bas-bleus.
Mes filles, [dit la Fée], je pourrais vous faire de la morale, mais je m’en dispense.
Je lis au fond de votre coeur et je vois qu’il vous adresse lui-même une semonce
que toutes les miennes ne vaudraient peut-être pas.
Vous vous contenterez désormais d’être fleurs, j’en suis certaine,
si cependant quelqu’une d’entre vous voulait devenir femme tout-à-fait,
elle n’a qu’à le dire.
Je donne ma parole de Fée que son souhait sera exaucé à l’instant.
Un silence universel accueillit cette proposition.
Maintenant, reprit la Fée, allez vous reposer.
Demain commenceront les fêtes par lesquelles je veux célébrer votre retour.
Les fleurs crièrent: Vive la Fée!
et défilèrent devant elle.
Il y eut un baise-main général.
Il gelait à coeur fendre
Aux terrasses délaissées de l’amour
Des caillots de neige
Fermaient les fleurs comme des voix
Et les Soeur-Anne dans les branches
Attendaient en vain un retour.
(René Guy Cadou)
Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers
SUR UN AIR LENT (Li Qing Zhào)
Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2023
SUR UN AIR LENT
Quêter, quérir, fouiller, fureter,
Froidure vide, froid dur limpide,
Morne monotonie, amère mélancolie, lamentable ennui…
Douceur subite, retour du froid,
Cette saison où je souffre le plus de respirer ;
Avec trois gobelets et deux coupes de vin clair,
Comment y résister, quand le soir vient, quand le vent s’énerve ?
Voici les oies sauvages parties,
Le plus cruel à mon coeur,
Pourtant nous étions bien complices aux temps passés.
Partout au sol les chrysanthèmes s’amoncellent,
Défraîchis et déchus
à présent, qui viendrait prendre la peine de les ramasser ?
Veillant près de la fenêtre,
Solitaire, par moi-même comment parviendrai-je à rejoindre l’obscurité ?
Au sterculier vient s’adjoindre la bruine,
Qui jusqu’au crépuscule dégoutte et dégouline ;
Et toute cette composition,
Comment le seul mot de « souci » pourrait-il en donner le sens ?
***
(Li Qing Zhào) (1084 — après 1149)
Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise
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