Rien n’est plus doux aussi que de s’en revenir
Comme après de longs ans d’absence,
Que de s’en revenir
Par le chemin du souvenir
Fleuri de lys d’innocence
Au jardin de l’Enfance.
Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet
D’où s’enfuirent les gaîtés franches,
Notre jardin muet,
Et la danse du menuet
Qu’autrefois menaient sous branches
Nos soeurs en robes blanches.
Aux soirs d’Avrils anciens, jetant des cris joyeux
Entremêlés de ritournelles,
Avec des lieds joyeux,
Elles passaient, la gloire aux yeux,
Sous le frisson des tonnelles,
Comme en les villanelles.
Cependant que venaient, du fond de la villa,
Des accords de guitare ancienne,
De la vieille villa,
Et qui faisaient deviner là,
Près d’une obscure persienne,
Quelque musicienne.
Mais rien n’est plus amer que de penser aussi
A tant de choses ruinées!
Ah ! de penser aussi,
Lorsque nous revenons ainsi
Par sentes de fleurs fanées,
À nos jeunes années.
Lorsque nous nous sentons névrosés et vieillis,
Froissés, maltraités et sans armes,
Moroses et vieillis,
Et que, surnageant aux oublis,
S’éternise avec ses charmes
Notre jeunesse en larmes!
Il était un musicien juif,
un Alexandre Herzevitch
qui faisait tournoyer Schubert
comme un diamant pur.
Du matin jusqu’au soir — et couac !
Ressassant la ritournelle,
la même sonate éternelle
il bassinait les oreilles…
Quoi, Alexandre Herzevitch,
dehors… il fait si noir ?
Laisse, Alexandre Serce-vitch :
Là-bas ? qu’importe va !
Que l’Italienne mignonette
tant que crisse la neige
sur ses jolis traîneaux étroits
vole après Schubert là-bas…
aux accents d’une musique de ciel
la mort ne nous fait pas peur
ni même pendre à la patère,
triste pelisse de corneille…
Des vents erratiques
S’emparaient de l’univers
L’intempérie régna
L’indéchiffrable détonation
Fut notre prologue
Tout fut
Débâcle et dispersion
Turbulences et gaspillage
Avant que le rythme
Ne prenne possession
De l’espace
Suivirent de vastes accords
D’indéfectibles liaisons
Des notes s’arrimèrent
Au tissu du rien
Des courroies invisibles
Liaient astres et planètes
Du fond des eaux
Surgissaient
Les remous de la vie
Dans la pavane
Des univers
Se prenant pour le noyau
La Vie
Se rythma
Se nuança
De leitmotiv
En parade
De reprise
En plain-chant
La Vie devint ritournelle
Fugue Impromptu
Refrain
Se fit dissonance
Mélodie Brisure
Se fit battement
Cadence Mesure
Et se mira
Dans le destin
Impie et sacrilège
L’oiseau s’affranchissait
Des liens de la terre
Libre d’allégeance
Il s’éleva
Au-dessus des créatures
Assujetties aux sols
Et à leurs tyrannies
S’unissant
Aux jeux fondateurs
Des nuages et du vent
L’oiseau s’allia à l’espace
S’accoupla à l’étendue
S’emboîta dans la distance
Se relia à l’immensité
Se noua à l’infini
Tandis que lié au temps
Et aux choses
Enfanté sur un sol
Aux racines multiples
L’homme naquit tributaire
D’un passé indélébile
Le lieu prit possession
De sa chair
De son souffle
Les stigmates de l’histoire
Tatouèrent sa mémoire
Et sa peau
Venu on ne sait d’où
Traversant les millénaires
L’homme se trouva captif
Des vestiges d’un monde
Aux masques étranges
Et menaçants
Il s’en arrachait parfois
Grâce aux sons et aux mots
Aux gestes et à l’image
À leurs pistes éloquentes
À leur sens continu
Pour mieux tenir debout
L’homme inventa la fable
Se vêtit de légendes
Peupla le ciel d’idoles
Multiplia ses panthéons
Cumula ses utopies
Se voulant éternel
Il fixa son oreille
Sur la coquille du monde
À l’écoute
D’une voix souterraine
Qui l’escorte le guide
Et l’agrandit
Alors
De nuits en nuits
Et d’aubes en aubes
Tantôt le jour s’éclaire
Tantôt le jour moisit
Faiseur d’images
Le souffle veille
De pesanteur
Le corps fléchit
Toute vie
Amorça
Le mystère
Tout mystère
Se voila
De ténèbres
Toute ténèbre
Se chargea
D’espérance
Toute espérance
Fut soumise
À la Vie
L’esprit cheminait
Sans se tarir
Le corps s’incarnait
Pour mûrir
L’esprit se libérait
Sans périr
Le corps se décharnait
Pour mourir
Parfois l’existence ravivait
L’aiguillon du désir
Ou bien l’enfouissait
Au creux des eaux stagnantes
Parfois elle rameutait
L’essor
D’autres fois elle piétinait
L’élan
Souvent l’existence patrouillait
Sur les chemins du vide
Ou bien se rachetait
Par l’embrasement du coeur
Face au rude
Mais salutaire
Affrontement
De la mort unanime
L’homme sacra
Son séjour éphémère
Pour y planter
Le blé d’avenir.
La cerisaie qui entoure la chaumière
Est livrée au tumulte de bourdonnements sauvages,
Les paysans poussent laborieusement leurs attelages
Les filles chantonnent la ritournelle en rentrant chez elles
Les mères attendent le reste de la famille pour le souper.
La famille se restaure autour de la demeure ;
L’étoile du soir se lève à cette heure ;
La fille sert le repas …
Sa mère veut la conseiller,
Mais le taquin rossignol couvre sa voix.
Autour de la maison, la mère
Couche ses petits enfants,
Et s’endort ensuite à leurs côtés.
Tout est devenu si silencieux … Seules les filles
Et le rossignol sont en éveil.
***
ВЕЧІР
Садок вишневий коло хати,
Хрущі над вишнями гудуть,
Плугатарі з плугами йдуть,
Співають ідучи дівчата,
А матері вечерять ждуть.
Семья вечеря коло хати;
Вечірня зіронька встає;
Дочка вечерять подає…
А мати хоче научати,
Так соловейко не дає.
Поклала мати коло хати
Маленьких діточок своїх,
Сама заснула коло їх.
Затихло все… Тілько дівчата
Та соловейко не затих.
***
NOITE
O pomar de cerejas que rodeia a casa
É entregue ao tumulto dos rugidos selvagens,
Os camponeses laboriosamente empurrar suas equipes
As meninas cantarolam o refrão quando chegam em casa
As mães esperam pelo resto da família para o jantar.
A família está restaurando em volta da casa;
A estrela da noite se levanta a esta hora;
A garota serve a refeição …
Sua mãe quer aconselhá-la,
Mas a provocação rouxinol cobre sua voz.
Ao redor da casa, a mãe
Camada de seus filhinhos
E depois adormece ao lado deles.
Tudo ficou tão quieto … Só garotas
E o rouxinol estão acordados.
(Taras Chevtchenko)
Site : http://artgitato.com/
Traduction: Français Jacky Lavauzelle / Ukrainien / Portugais Jacky Lavauzelle
Editions:
Dans la plaine blonde et sous les allées,
Pour mieux faire accueil au doux messidor,
Nous irons chasser les choses ailées,
Moi, la strophe, et toi, les papillons d’or.
Et nous choisirons les routes tentantes,
Sous les saules gris et près des roseaux,
Pour mieux écouter les choses chantantes,
Moi, le rythme, et toi, le choeur des oiseaux.
Suivant tous les deux les rives charmées
Que le fleuve bat de ses flots parleurs,
Nous vous trouverons, choses parfumées,
Moi, glanant des vers, toi, cueillant des fleurs.
Et l’amour, servant notre fantaisie,
Fera, ce jour-là, l’été plus charmant :
Je serai poète, et toi poésie ;
Tu seras plus belle, et moi plus aimant.
Je contemple mon feu. J’étouffe un bâillement
Le vent pleure. La pluie à mi vitre ruisselle.
Un piano voisin joue une ritournelle.
Comme la vie est triste et coule lentement.
Je songe à notre Terre, atome d’un moment,
Dans l’Infini criblé d’étoiles éternelles,
Au peu qu’ont déchiffré nos débiles prunelles,
Au Tout qui nous est clos inexorablement.
Et notre sort! toujours la même comédie,
Des vices; des chagrins, le spleen, la maladie,
Puis nous allons fleurir les beaux pissenlits d’or.
L’Univers nous reprend, rien de nous ne subsiste,
Cependant qu’ici-bas tout continue encor.
Comme nous sommes seuls! Comme la vie est triste!
Les oiseaux et le clair soleil;
Les fleurs aux charrettes, en jonchées;
La feuille pointe au bourgeon vermeil;
Toutes les âmes endimanchées;
La brise souffle du vieux Corcyre
Et d’Amathonte en bruits de rames,
Et le monde est jeune encore à ravir
De chansons claires et de clairs rires
Et de blondes femmes:
Voici le marchand de plaisirs,
Mesdames!
N’en goûtez pas, Mesdames,
Ça fait souffrir…
Les roses, les joues; les rayons et les tresses;
Ta marotte, Amour, est un pavot qu’égraine
Aux champs de la joie tout geste d’ivresse:
Et c’est le sommeil et l’oubli que tu sèmes;
N’as-tu pas pour ta lèvre de chanson pire?
N’as-tu pas de meilleure chanson à nous dire,
Grave Amour, au futile épithalame?
Quel petit chant pour ta grande lyre,
Le vieil intermède et le pauvre drame!
Voici le marchand de plaisirs,
Mesdames!
N’en goûtes pas, Mesdames,
Ça fait dormir….
Il tournoie un air de danse aux feuillées,
Un bruit de baisers en des ritournelles;
L’Idée, recluse des longues veillées,
S’étire aux rayons qui convergent en elle;
Sous les charmes en hâte de reverdir,
L’Endormeuse de tous sourires
S’est assise aux carrefours des âmes;
Et l’Amour, devant elle, s’agenouille et se mire
En ses grands yeux fous où le désir est flamme!
Voici la marchande de plaisirs,
Mesdames!
Ah! goûtez-y, Mesdames,
Ça fait mourir…
Les vieux oiseaux
Qui vont battant de l’aile,
Quand les journées sont belles
Se posent sur les bancs,
Et se rappellent
Le joli temps,
Le joli temps
Qui passe à tire-d’aile,
Comme les hirondelles
Dans le bleu du printemps.
Les vieux oiseaux
Qui frissonnent de l’aile,
Frileuses sentinelles,
Chantonnent dans le vent
Les ritournelles
Du bon vieux temps,
Le bon vieux temps
Qui déploya les ailes
Des tendres tourterelles
Qu’on pleure sur un banc.
Parmi les marronniers, parmi les
Lilas blancs, les lilas violets,
La villa de houblon s’enguirlande,
De houblon et de lierre rampant.
La glycine, des vases bleus pend ;
Des glaïeuls, des tilleuls de Hollande.
Chère main aux longs doigts délicats,
Nous versant l’or du sang des muscats,
Dans la bonne fraîcheur des tonnelles,
Dans la bonne senteur des moissons,
Dans le soir, où languissent les sons
Des violons et des ritournelles.
Aux plaintifs tintements des bassins
Sur les nattes et sur les coussins,
Les paresses en les flots des tresses.
Dans la bonne senteur des lilas
Les soucis adoucis, les coeurs las
Dans la lente langueur des caresses.