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Poésie

Posts Tagged ‘rive’

Il est deux rives (Amina Saïd)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
il est deux rives
à nos paroles
à nos silences
toujours un désir
pour éveiller le désir

depuis toujours mon rêve
avait ce visage

blessure d’absence
comme un blanc soudain
dans le récit
nourri d’incendies

(Amina Saïd)

Recueil: La douleur des seuils
Editions: De la Différence

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J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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Amour (Michel Ange)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023



Michel Ange 
    
Amour , si tu veux que je brûle et souffre encore sous tes lois,
rends-moi ce jeune âge où, libre de tout frein,
je me livrais aveuglément à tes feux ;
rends-moi cette angélique beauté
dont la perte a privé la nature de tous ses charmes ;

Rends-moi ce besoin inquiet de porter çà et là
mes pas devenus si tardifs sous le poids des ans ;
rends enfin à mes yeux leurs larmes ,
à mon sein le feu qui l’embrasait.

Mais s’il est vrai que tu vives de pleurs,
de ces pleurs doux et amers que versent les mortels ,
qu’attends-tu désormais d’un vieillard défaillant ?

Il est temps que mon âme, prête à passer sur l’autre rive ,
soit accessible aux traits d’un autre amour,
et brûle d’un feu plus noble que le tien.

(Michel Ange)

 

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Lasse du jardin (Sappho)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023



Illustration: William Bouguereau
    
Lasse du jardin où je me souviens d’Elle,
J’écoute mon cœur oppressé de parfum.
Pourquoi m’obséder de ton vol importun,
Divine hirondelle ?

Tu rôdes, ainsi qu’un désir obstiné,
Réveillant en moi l’éternelle amoureuse,
Douloureuse amante, épouse douloureuse,
Ô pâle Procné !

Tu fuis sans espoir vers la rive qui t’aime,
Vers la mer aux pieds d’argent, vers le soleil.
Je hais le Printemps qui vient, toujours pareil
Et jamais le même !

Ah ! me rendra-t-il les langueurs de jadis,
L’ardente douleur des trahisons apprises,
L’attente et l’espoir des caresses promises,
Les lèvres d’Atthis ?

J’évoque le pli de ses paupières closes,
La fleur de ses yeux, le sanglot de sa voix,
Et je pleure Atthis que j’aimais autrefois,
Sous l’ombre des roses.

(Sappho)

 

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CHANT D’AMOUR (Alphonse de Lamartine)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2023




    
CHANT D’AMOUR
Naples, 1822.

Si tu pouvais jamais égaler, ô ma lyre,
Le doux frémissement des ailes du zéphyre
A travers les rameaux,
Ou l’onde qui murmure en caressant ces rives,
Ou le roucoulement des colombes plaintives,
Jouant aux bords des eaux ;

Si, comme ce roseau qu’un souffle heureux anime,
Tes cordes exhalaient ce langage sublime,
Divin secret des cieux,
Que, dans le pur séjour où l’esprit seul s’envole,
Les anges amoureux se parlent sans parole,
Comme les yeux aux yeux ;

Si de ta douce voix la flexible harmonie,
Caressant doucement une âme épanouie
Au souffle de l’amour,
La berçait mollement sur de vagues images,
Comme le vent du ciel fait flotter les nuages
Dans la pourpre du jour :

Tandis que sur les fleurs mon amante sommeille,
Ma voix murmurerait tout bas à son oreille
Des soupirs, des accords,
Aussi purs que l’extase où son regard me plonge,
Aussi doux que le son que nous apporte un songe
Des ineffables bords !

Ouvre les yeux, dirais-je, à ma seule lumière !
Laisse-moi, laisse-moi lire dans ta paupière
Ma vie et ton amour !
Ton regard languissant est plus cher à mon âme
Que le premier rayon de la céleste flamme
Aux yeux privés du jour.

[…]

(Alphonse de Lamartine)

 

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Dans les prisons de Nantes (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2023




    
Dans les prisons de Nantes

Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier

Personne ne vint le « vouère »
Que la fille du geôlier

Un jour il lui demande
Et que dit-on de « moué » ?

On dit de vous en ville
Que demain vous mourrez

Mais s’il faut que je meure
Déliez-moi les pieds

La fille était jeunette
Les pieds lui a délié

Le prisonnier alerte
Dans la Loire s’est jeté

Dès qu’il fût sur les rives
Il se prit à chanter

Je chante pour les belles
Surtout celle du geôlier

Si je reviens à Nantes
Oui je l’épouserai

Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier

(Anonyme)

 

Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette

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Poème long (Yusuf al-Khal)

Posted by arbrealettres sur 18 janvier 2023




    
Poème long
(extraits)

I
Je ne vois pas un maître dans la foule.
Les cygnes se déploient sur le lacet
il n’y a pas un aigle à l’horizon.

L’eau est stagnante
et les rives sont plus proches
que le bout de ton nez.

L’air est lourd.
La lumière est lourde.

L’âne parle, mais pas par miracle.
L’aveugle voit, pas par miracle.
Le mort se lève, pas par miracle.
Le miracle est un chiffre dans une machine,
et le ciel est resté dans l’inconnu.

J’étais silencieux tout en parlant.
La femme près de moi est un vêtement déserté.
Je boirai la coupe, et la coupe est vide.
Je sourirai et ma bouche est sans lèvres.
Je récolterai un champ
que j’ai planté dans les ténèbres.

Je suis la nuit,
et les voleurs m’attendent.

***

(Yusuf al-Khal)

 

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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MOURIR IV (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2023



    
MOURIR IV

J’en ai assez de mourir
Jour après jour
Et de laisser les journées
Filer entre mes mains
J’en ai assez de périr
Jour après jour
Et de perdre dans l’oubli
Tous mes lendemains

La sève des souvenirs
Ne m’habite plus
Le silence s’installe
Nos mains unies
Se sont tues
Dans l’herbe
La mémoire m’a quittée
Et le jour s’enveloppe
De ficelles
Qui m’emmaillotent
Et me laissent sur la rive
Abandonnée
Je veux me redresser
Mais pourquoi ?
Et comment ?
J’abandonne
Et laisse la mort immense
Prendre ma place
Pour toujours ?

(Andrée Chedid)

 

Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion

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RAISON PERDUE (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2022



Illustration: Edvard Munch
    
RAISON PERDUE

Parler des mers sans bord
Ecume au nom d’abeille
Neige désemparée
Qui tournes dans l’oreille
M’apportez-vous le frai
Que je désire encore

Le vent me brûle tout
Les poumons le visage
Et les couleurs jetées
Largement sur la page
Larmes que je n’ai pas
La douceur de sécher

Pas même sous la main
Les perles qui dérivent
Pas même d’horizon
Le sang change de rive
Il n’est plus de ruisseau
Le long de ma maison

Mes lèvres trop longtemps
Ont couvé sous la cendre
Jusqu’à mon coeur les mots
Ne peuvent plus descendre
Et n’ayant plus d’amour
Je n’ai plus de raison.

(René Guy Cadou)

 

Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers

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Les blanchisseuses (Varlam Chalamov)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2022




    
Les blanchisseuses

Sur la rive neuf blanchisseuses
En silence lèvent les bras,
Et je ne comprends vraiment pas
Ce qu’elles font avec leurs bras.

Neuf femmes rincent le linge.
Une épreuve de lumière et de son
Dans mon enfance, et mon être
Surgit ainsi en une haute science.

J’étais donc là, debout, un peu bête,
Doutant de ma soudaine vision,
Je séparais à jamais ce chant
De la marche connue du monde.

(Varlam Chalamov)

 

Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau

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