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Poésie

Posts Tagged ‘ronces’

Ondine (Seamus Heaney)

Posted by arbrealettres sur 7 août 2020


ondine

 

Il taillada les ronces, ramassa la vase grise
Afin de me donner droit de passage dans mes propres drains
Et je me mis à courir pour lui, vive, lavée de ma rouille.
Il fit halte, me vit enfin dévêtue,
Eau claire, insoucieuse en apparence.
Puis il marcha à mes côtés. Là où les fossés se croisent
Près de la rivière, je clapotai et bouillonnai
Jusqu’à ce qu’il enfonce une pelle loin dans mon flanc
Et m’étreigne. J’avalais sa tranchée
Avec gratitude, me répandant par amour
Dans ses racines, remontant dans ses graines cuivrées –
Mais dès qu’il vit la force de mon accueil, moi seule
Pouvais le grandir et lui être miroir subtil.
Il m’explosa si complètement que mon corps perdit
Sa liberté froide. Humaine, touchée par lui.

(Seamus Heaney)

 

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Un jour comme ça (Claude de Burine)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2020



 

Un jour comme ça
Quand il y aura la grâce
On montera les dents du bonheur
La rivière saoulera d’histoires les poissons
Le canal gardera sa vieille péniche
Femme des combats

Te dire ce qu’ils se raconteront
Je ne sais pas
Mais la vie sera là, toujours
A prendre, à serrer, à mordre.

Il y a dans le caillou, les ronces
Un coeur, un chemin, vers la mer
Qu’il faut trouver.

(Claude de Burine)

 

 

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Cette plainte merveilleuse de l’âme (Jean Malrieu)

Posted by arbrealettres sur 29 septembre 2017



Cette plainte merveilleuse de l’âme, c’est l’amour.
Écoute-la. Je n’ai point d’âge, mais, nourri d’épices, chargé de sel, couvert d’humus, empli de choses à naître,
Je suis maître de moi comme d’un navire, et mon corps est un voilier d’avril, de vice, d’impudeur.
J’ose aimer et je délire.
Notre amour sent le lys et le soufre.
Désir rauque, fouette-moi de tes ronces.
Je lutte avec toi dans la broussaille.
Cherche-moi. Trouve-moi.
Les herbes giclent vert.
Nous sommes un printemps au monde,
Acharnés comme des lutteurs au-dessus de la mort.

(Jean Malrieu)

Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha

Illustration

 

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Les feux de ronces (Jean Joubert)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2017



Les feux de ronces qui tremblaient dans la poussière,
tirant de l’ombre une forêt de chevelures
où des bouches voilées s’entrouvrent et murmurent,
dès que le vent faiblit se fondent dans la terre.

Et vous, filles de ronce et cendres du matin
dont s’offrirent un jour les lèvres, le visage
et le corps étonné aux flammes du carnage,
la nuit de mort déjà s’est couchée sur vos seins.

A peine si je sens votre passage, à peine
si je retrouve en songe votre voix et si
mes mains savent encor le contour attiédi,
après ce grave amour, de votre hanche vaine.

La pluie vous mêle et vous éteint. Il ne demeure
sur la plaine déserte où vous fûtes brasier
– chacune se rêvant flamme d’éternité –
qu’une confuse nuit pleine de vos rumeurs.

(Jean Joubert)

Illustration: Sabin Balasa

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Aucun cri aucun pas (Alain Boudet)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2017



Dans ce chemin d’enfance
aucun cri
aucun pas

Seules courent
les ronces.

(Alain Boudet)

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J’ai dit : — « Tu viendras avec moi. » (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 8 mars 2017



J’ai dit : — « Tu viendras avec moi. » — Où : et comment
palpitait mon être dolent nul ne l’a su,
pour moi il n’était point d’oeillet, de barcarolle,
mais rien qu’une blessure ouverte par l’amour.

J’ai répété comme à la mort : viens avec moi,
et nul n’a vu saigner la lune dans ma bouche,
et nul n’a vu ce sang monter vers le silence.
Amour ne pensons plus aux ronces de l’étoile

Aussi quand j’entendis ta voix qui répétait
Tu viendras avec moi » — je crus qu’elle lâchait
la douleur, l’amour, la fureur du vin captif

qui monterait du fond de sa cave inondée.
A nouveau ma bouche a senti, pierre et brûlure,
une saveur de flamme et d’oeillets et de sang.

***

 » Vendrás conmigo « , dije, sin que nadie supiera
dónde y cómo latía mi estado doloroso,
y para mí no había clavel ni barcarola,
nada sino una herida por el amor abierta.

Repetí : ven conmigo, como si me muriera,
y nadie vio en mi boca la luna que sangraba,
nadie vio aquella sangre que subía al silencio.
Oh amor, ahora olvidemos la estrella con espinas !

Pm- eso cuando oí que tu voz repetía
 » Vendrás conmigo « , fue como si desataras
dolor, amor, la furia del vino encarcelado

que desde su bodega sumergida subiera
y otra vez en mi boca sentí un sabor de llama,
de sangre y de claveles, de piedra y quemadura.

(Pablo Neruda)

Illustration: Gaëlle Boissonnard

 

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Le corps d’Eurydice (1/4) (Claude Adelen)

Posted by arbrealettres sur 27 septembre 2016



Ce mouvement vif de la main, était-ce
Pour dessiner son propre corps avec le vent
En parcourir les courbes? Ou un geste d’adieu,
Pour en célébrer, peut-être, l’absence?
Plus tard elle s’est mise à écrire, sa parole
S’est émue. Des phrases, elle ne savait où
Ayant pris naissance au milieu du désordre
Des sentiments, – des lignes ayant à parcourir
Avec elle du temps dans une chambre vide.
Une vie étrangère désormais: des mots
Sur une surface lisse, sans
Commencement ni fin:

«Ayant à croître, à traverser
Mon souffle, s’il est possible, m’approcher
De l’origine sans m’éloigner de vous,
Ne soyez pas si triste, ne m’attendez pas trop
Sur le seuil obscur.»

Elle ne se souvenait pas encore. Elle commençait
A écrire. Elle écrivait, déjà elle commençait
A mourir. L’encre blanchirait sa mémoire.
Couchée contre sa vie, blanche, étrangère,
Elle écrivait: un tournoiement de neige
Noircissait la feuille. Son visage
Maintenant lui apparaissait comme à travers
Une vitre qui semblait contenir le ciel,
Avec beaucoup d’oiseaux que sa main
Cherchait à saisir, maladroitement, comme les seuls
Signes visibles de sa vie:

« Mère Perséphone, salut! Tout mon corps
Se dégage de sa blancheur. Lentement je le vois
Qui s’avance, non dans la lumière,
Pas encore, mais dans une substance épaisse
Comme du sang, ou du souvenir »

Où qu’elle fût maintenant,
Diffuse dans l’ombre du tilleul,
Dans toute cette harmonie fameuse:
Les feuillages fébriles effaçant
Son image et son cri d’angoisse, ou prise
Dans l’iris d’encre, dans l’odeur des géraniums
Ou peut-être encore dans la prunelle
Infime d’un rouge-gorge. Où qu’elle fût:
Devenue le bruit des abeilles.
L’amour emprisonne ceux qui aiment
Derrière l’air bruissant, l’eau plus claire,
Dans la rumeur nombreuse des arbres,
Les excellentes peintures de la terre,
Dans les yeux brillants nous regardent:

« Contre vous mon corps, peu à peu plus obscur,
Je ne demande ni vos soupirs, ni vos regrets,
Mais sur ma bouche absente cette rumeur
Comme le vent du soir en été,
Dans le jardin. Il passe ».

Sur le coeur noir des fleurs, au moment
Où l’ombre a ce goût de menthe, à ce moment
Un souffle agitait d’autres parfums et
Lui faisait battre des paupières. Ou bien le silence
Permettait d’entendre une eau qui coulait
De nouveau sur les pierres, un moment de vie
Rajeunie, un bruit d’aile au loin, comme le velours
De lèvres jamais embrassées. Le geste alors,
Minime, de tourner les pages d’un livre,
Une rêverie à peine supportable:

« Mais où donc se tenait mon coeur,
Est-il là, devant moi, maintenant? Oui. Sans doute.
Roses? Ronces? Dans le fouillis des métaphores
A l’abandon. Mais qui donc était ce passant,
Et pourquoi stupéfait, silencieux? »

(Claude Adelen)

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Enfance ! (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 10 juillet 2016



Enfance ! éloignement d’où lui vient sa douceur
Nuance où la couleur s’éternise en sourdine,
Religieux triptyque ombré d’une patine
Qui met sur les fonds d’or son vernis brunisseur.

Jeunesse ! Enfance ! attrait des choses disparues;
Astres du ciel plus clairs dans l’étang bleu du coeur
Chanson d’orgue criard dont toute la langueur
Expire en sons blessés dans le lointain des rues.

Je veux vous évoquer la ville aux pignons noirs,
Vieille ville flamande où les paroisses proches,
Lorsque j’étais enfant, faisaient pleurer leurs cloches
Comme un adieu de ceux qui mouraient dans les soirs !

Je veux recomposer la maison paternelle
Avant l’absence, avant la mort, avant les deuils;
Les soeurs, jeunes encor, dormant dans les fauteuils
Et le jardin en fleur et la vigne en tonnelle.

Je veux revivre une heure à l’ombre des grands murs,
Dans le collège ancien où nos âmes placides
S’ouvraient comme une église aux profondes absides
Avec des vitraux d’or pleins de visages purs.

Je veux vous reporter à ces calmes années :
Je suis resté le même après bien des douleurs;
Le manteau de mon Ame a toutes ses couleurs
Mais mes yeux sont plus las que des roses fanées.
{…]

Qu’importe ! ma souffrance est bonne ! Je les plains
Ceux qui n’ont plus l’orgueil d’être mélancoliques,
En gardant comme moi les dévotes reliques,
Les reliques d’enfant dont mes tiroirs sont pleins.

Surtout qu’en toi, ma chère ancienne, je m’épanche
Dans un chuchotement de mon esprit au tien
Viens donc; allons-nous-en poursuivre l’entretien
Dans le jardin flétri de ma Jeunesse Blanche,

Dans ce jardin désert, dans ce jardin fermé,
Dans ce jardin fleuri de lis, piqué de cierges,
Où jadis s’avançaient d’incomparables vierges
Dont les lèvres soufflaient l’odeur du mois de mai.

Mais ce parc est en proie à l’insulte des ronces,
Et mes rêves anciens, dans les lointains glacés,
Tels que des marbres blancs, tendent leurs bras cassés
Et de leurs yeux éteints pleurent dans les quinconces.

Pauvre parc envahi par l’automne et le soir,
Qui souffre en évoquant son aurore abolie;
Il est morne, il est vide, et ma mélancolie
L’enferme tout entier comme un grillage noir !

(Georges Rodenbach)

Illustration

 

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