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TROP DE MORTS ET DE MAL (Pierre Morhange)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2022



TROP DE MORTS ET DE MAL

C’est un parc aux pigeons
Et vous le croyez doux
Pensez donc!

C’est la grille d’enfer
Pour votre serviteur
songez-y!

Le parc ne lui fait peur
Mais quelques souvenirs
A haïr

Ainsi sommes-nous
Des deux côtés de cette grille
De belle herbe fraîche
Et d’arbres aérés

Vous dites que c’est doux
Que n’y suis-je!
Tandis que j’y frémis
Ah ! Dieu oui !
Car moi je ne m’en tire
Que rompu et roussi

Trop de morts et de mal
Et une nuit trop longue
Pour trop de cruauté
Et nos coeurs trop longtemps serrés
Et presque sans souffler
Trop de notre vie passé dans la terreur et dans la guerre

Jusqu’à nous avoir changés de nature
Et accablés de notre péché la fatigue
Comment décharger nos mémoires
Et les laver des fours et des gibets et de l’outrage ?

Comment revivre ?
Comment des graines dans la cendre
Dans notre âme mortelle nourrie de sable
Trop longtemps bue par le désert ?
Comment revivre ?
Comment des branches vertes
Dans le charbon des arbres calcinés ?
Il faudrait un printemps plus fort
Pour nous reprendre tout à fait
I1 faudrait nous refaire
Au lieu de ces ravines de ces fentes
Dont nous sommes en nous
Tout blanchis et ouverts

Désarmée
Attardée
En tendresse
En détresse
O ma soeur profonde
Que je te reconnais
Nous portons même cendre
Dans un pauvre sachet
Nous avons même soif
Humble et très en peine
De rejaillir et de trembler
De toutes ces fleurs du soleil
Où nos yeux ont recommencé

Vent de la vie au crin puissant
Viens attaquer
Pour en tirer
Les accents et les cris d’une pleine musique
Ces deux violons penchés
Bons pêcheurs ces filets
Allez les replonger
Dans les eaux ruisselantes

(Pierre Morhange)

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NOËL DE LA FEMME QUI VA AVOIR UN PETIOT ET QUI A FAIT UNE MAUVAISE ANNEE (Gaston Couté)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2021



Illustration: Charles de Groux
    
NOËL DE LA FEMME QUI VA AVOIR UN PETIOT ET QUI A FAIT UNE MAUVAISE ANNEE

Les cloches essèment au vent
La joi’ de leur carillonnée,
Qui vient me surprendre, rêvant,
Dans le coin de ma cheminée ;
Noël ! Noël ! c’est aujourd’hui
Que Jésus vint sur sa litière,
Noël ! mon ventre a tressailli
Sous les plis de ma devantière.

O toi qui vas, dans mon sabot,
Me descendre, avec un petiot,
De la misère et de la peine,
Noël ! Noël ! si ça se peut
Attends encore ! Attends un peu ! …
Attends jusqu’à l’année prochaine !

Noël ! Noël !cette anné’-ci
Le froid tua les blés en germe,
Tous nos ceps ont été roussis ;
Le « jeteux d’sorts », sur notre ferme,
A lancé son regard mauvais
Qui fait que sont « péri’s » mes bêtes,
Que mes pigeons se sont sauvés
Et que mon homme perd la tête.

Tous mes gros sous, à ce train-là,
Ont filé de mon bas de laine,
Quand reviendront ? Je ne sais pas !
Mais, à la récolte prochaine,
J’espère voir les blés meilleurs
Et meilleure aussi la vendange,
Pour mon bonheur et le bonheur
De l’enfant dont j’ourle les langes.

(Gaston Couté)

 

 

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L’USAGE DE LA PAROLE (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2018



L’USAGE DE LA PAROLE

Ce qui reste c’est l’aubier sédimentaire
Des hontes bues
C’est entre les paillers roussis
La ronde des enfants pauvres
C’est le tâtonnement du petit jour
Sur les plèvres endormies
Ce qui reste ce qui monte
C’est la fumée noire qui partage le jour
C’est la main calcinée qui surgit encore des laves
C’est la voix qui n’a rien à dire
Et fleurit obstinément parmi les pierres
Rien à dire car l’ombre des mots est mortelle
Et descend toujours plus bas
Sous les ornières des canons
Ce qui reste c’est
Deux bras
Deux jambes
Qui s’ignorent
Une tête admirablement vide
Qui va son chemin.

(Jean Rousselot)

Illustration: Hans Thoma

 

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Ce sera un jour… (Anna Gréki)

Posted by arbrealettres sur 12 juin 2017



Ce sera un jour…

Ce sera un jour pareil aux autres jours
Un matin familier avec des joies connues
Eprouvées parce qu’elles sont quotidiennes.

Avec des mots brûleurs du ciel
Avec des mots traceurs de route
Qui font du bonheur une question de patience
Qui font du bonheur une question de confiance.

Et ces femmes fières d’avoir le ventre rouge
A force de remettre au monde leurs enfants
A chaque aube, ces femmes bleuies de patience
Qui ont trop de leur voix pour apprendre à se taire.

Forte comme une femme aux mains roussies d’acier
Tu caresses tes enfants avec précaution
Et quand leur fatigue se blesse à ta patience
Tu marches dans leurs yeux afin qu’ils se reposent.

(Anna Gréki)

Découvert ici: http://www.bulledemanou.com/

Illustration

 

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Au secret (Luc Bérimont)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2017



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Au secret

Si je disais la vie, la fraise aux lèvres vous auriez
La langue du loriot, la fièvre du laurier
L’églantier de la pluie et les cuisses de l’eau

Si je disais les mots
Qui convoquent les morts et les hauts pâturages
Les citrons de la nuit, la paille des orages
La servante alanguie, les armoires de suie
Le cheval aveuglé et l’automne qui grince
Les hôpitaux tapis, les amants dans leur lit
Le boulanger, le geai, les journaux tiédis d’encre
Si je livrais les mots que je retiens à l’ancre

En cette chambre basse où jamais vous n’entrez
Hommes ! Vous laisseriez les vins lourds de septembre
Vous partiriez roussis de feuilles, de saisons
Titubants de soleils, charnus de vos moissons
Et je vous aimerais comme un lièvre ou un faon.

(Luc Bérimont)

 

 

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LES SORCIÈRES (Jean Richepin)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2017



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LES SORCIÈRES

Colère, ô jalousie,
Sorcières aux doigts crochus,
A la figure roussie,
Anges des amours déchus,

J’ai pénétré dans votre antre
Pour savoir la vérité.
Le cœur malade on y entre,
On en sort le cœur gâté.

Vous m’avez dans votre filtre
Et votre noir alambic
Distillé l’horrible philtre
Qui me mord comme un aspic.

Dans votre infernale forge
Dont la haine est le marteau,
Votre patte a pour ma gorge
Forgé le fil d’un couteau.

Et c’est avec votre lame,
C’est avec votre liqueur,
Que j’ai meurtri ma pauvre âme
Et soûlé mon pauvre cœur.

Sorcières de la caverne,
Gueuses je vous maudis.
Vous avez fait un Averne
De mon divin paradis.

(Jean Richepin)

Illustration: Edvard Munch

 

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Chaque fois comme la dernière (Béatrice Bastiani-Helbig)

Posted by arbrealettres sur 21 juin 2016



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Chaque fois comme la dernière…
Dentelle des fougères
enlaçant le buis
dont chaque feuille s’emplit
de la lumière
de ce nouveau jour.
Trilles des oiseaux
célébrant le beau.
Fourmi de passage
et son ombre longue
sur la table où j’écris.
Trois pigeons sur un fil
comme une balançoire.
Bruissement dans les feuilles roussies
d’un compagnon minuscule.
Rouge ardent du géranium
aux feuilles de velours
maintenant devenu arbre.
Branche d’olivier frôlée,
coquelicots dans l’herbe séchée,
oranges amères tombées,
haie d’honneur des mimosas…
Tout ici
me dit
« Ne pars pas ! ».

(Béatrice Bastiani-Helbig)

 

 

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L’été (Marie Nizet)

Posted by arbrealettres sur 14 juin 2016



L’été

Nous rôdons par les blés roussis que midi brûle.
Une fièvre amoureuse en nos veines circule.
Nous nous sommes couchés aux pentes des talus,
Sous le ciel bleu, moins bleu que le bleu de nos âmes,
Sous un soleil moins fort, moins ardent que la flamme
Qui consume nos sens… Et nous n’en pouvons plus.

Puis nous avons cherché les étangs et les saules.
J’ai posé mes deux mains, ainsi, sur vos épaules,
Afin de m’absorber mieux en votre beauté…
Et d’elle j’ai joui plus que je ne puis le dire,
Et de vous je me suis grisée, et j’ai vu rire,
Dans vos yeux clairs, le rire immense de l’Eté.

(Marie Nizet)

Illustration: William Bouguereau

 

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