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Posts Tagged ‘ruisselant’

Le Rêve du Jaguar (Leconte de Lisle)

Posted by arbrealettres sur 18 juillet 2022



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Le Rêve du Jaguar

Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l’air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s’enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L’araignée au dos jaune et les singes farouches.
C’est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l’écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu’il bossue;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d’une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi,
Dont la fuite étincelle à travers l’herbe rousse.
En un creux du bois sombre interdit au soleil
II s’affaisse, allongé sur quelque roche plate;
D’un large coup de langue il se lustre la patte;
Il cligne ses yeux d’or hébétés de sommeil;
Et, dans l’illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
Il rave qu’au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d’un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.

(Leconte de Lisle)

 

 

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TROP DE MORTS ET DE MAL (Pierre Morhange)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2022



TROP DE MORTS ET DE MAL

C’est un parc aux pigeons
Et vous le croyez doux
Pensez donc!

C’est la grille d’enfer
Pour votre serviteur
songez-y!

Le parc ne lui fait peur
Mais quelques souvenirs
A haïr

Ainsi sommes-nous
Des deux côtés de cette grille
De belle herbe fraîche
Et d’arbres aérés

Vous dites que c’est doux
Que n’y suis-je!
Tandis que j’y frémis
Ah ! Dieu oui !
Car moi je ne m’en tire
Que rompu et roussi

Trop de morts et de mal
Et une nuit trop longue
Pour trop de cruauté
Et nos coeurs trop longtemps serrés
Et presque sans souffler
Trop de notre vie passé dans la terreur et dans la guerre

Jusqu’à nous avoir changés de nature
Et accablés de notre péché la fatigue
Comment décharger nos mémoires
Et les laver des fours et des gibets et de l’outrage ?

Comment revivre ?
Comment des graines dans la cendre
Dans notre âme mortelle nourrie de sable
Trop longtemps bue par le désert ?
Comment revivre ?
Comment des branches vertes
Dans le charbon des arbres calcinés ?
Il faudrait un printemps plus fort
Pour nous reprendre tout à fait
I1 faudrait nous refaire
Au lieu de ces ravines de ces fentes
Dont nous sommes en nous
Tout blanchis et ouverts

Désarmée
Attardée
En tendresse
En détresse
O ma soeur profonde
Que je te reconnais
Nous portons même cendre
Dans un pauvre sachet
Nous avons même soif
Humble et très en peine
De rejaillir et de trembler
De toutes ces fleurs du soleil
Où nos yeux ont recommencé

Vent de la vie au crin puissant
Viens attaquer
Pour en tirer
Les accents et les cris d’une pleine musique
Ces deux violons penchés
Bons pêcheurs ces filets
Allez les replonger
Dans les eaux ruisselantes

(Pierre Morhange)

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LES VIPÈRES PRÉCIEUSES… (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 27 août 2019



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Les vipères précieuses
Qui vont boire
Glissent sous les paupières
Du grès.

Les perdrix dans les prêles
Chanteront jusqu’à la nuit.

Les peupliers, ruisselants
De bonnes nouvelles,
Tremblent sous les pieds légers
Du soleil.

Je suis l’homme
Aux durs talons,
Aux mains d’écorce ;
Les rouges couteaux du pré
Traversent mes cheveux
Et mon souffle au tien se mêle
Bonne chair aventureuse de la terre.

(Jean Rousselot)

Illustration: Patrick Moya

 

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PLEINEMENT (René Char)

Posted by arbrealettres sur 12 juin 2019



PLEINEMENT

Quand nos os eurent touché terre,
Croulant à travers nos visages,
Mon amour, rien ne fut fini.
Un amour frais vint dans un cri
Nous ranimer et nous reprendre.
Et si la chaleur s’était tue,
La chose qui continuait,
Opposée à la vie mourante,
A l’infini s’élaborait.
Ce que nous avions vu flotter
Bord à bord avec la douleur
Était là comme dans un nid,
Et ses deux yeux nous unissaient
Dans un naissant consentement.
La mort n’avait pas grandi
Malgré des laines ruisselantes,
Et le bonheur pas commencé
A l’écoute de nos présences;
L’herbe était nue et piétinée.

(René Char)

Illustration

 

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Au vitrail (Jules Laforgue)

Posted by arbrealettres sur 3 mai 2019



Aux cierges, au vitrail,
D’un autel en corail,
Une jeune Madone
Tend, d’un air ébaudi,
Un beau coeur de rubis
Qui se meurt et rayonne!

Un gros coeur tout en sang,
Un bon coeur ruisselant,
Qui, du soir à l’aurore,
Et de l’aurore au soir,
Se meurt, de ne pouvoir
Saigner, ah! saigner plus encore!

(Jules Laforgue)

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Tu ressemblais (Juan Ramón Jiménez)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2019



 

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Tu ressemblais,
passionnée déjà, et même courroucée,
à un coucher de soleil après l’orage.

La lueur rouge de tes yeux ruisselants
illuminait, ici et là, ton ombre tragique,
en un ultime couronnement ;
— oh, quelle nostalgie immense d’un crépuscule
(celui-ci!)
qui devait arriver ! —

Où ai-je donc vu un paysage de ville
— quartiers ouverts au couchant
de la mer, façades aux vitres parcourues
d’une lumière rouge sang —,
si terriblement, glorieusement unique,
qu’on eût dit une femme ?

… Qui ressemblait à une femme inconnue ;
— oh, quelle nostalgie immense d’une femme
(toi !)
qui devait arriver ! —

***

Parecías,
apasionada ya, y aún iracunda,
una puesta de sol tras la tormenta.

El fulgor rojo de tus ojos chorreantes
iluminaba, aquí y allá, tu sombra trájica,
en coronación última;
—¡ oh,qué nostaljia inmensa de un crepúsculo
(¡éste!)
que había de venir!—

¿Dónde vi yo un paisaje de ciudad
— barrios abiertos al ocaso
del mar, con las fachadas de cristales recorridas
de roja luz sangrante—,
así terriblemente, gloriosamente único,
que parecía una mujer?

… Que parecía une mujer desconocida;
— ¡oh, qué nostaljia ïa inmensa de una mujer
(¡tú!)
que había de venir!—

(Juan Ramón Jiménez)

Illustration: Dorina Costras

 

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L’enfant d’autrefois (Claude Pujade-Renaud)

Posted by arbrealettres sur 15 décembre 2018




    
L’enfant d’autrefois
face offerte
accueille la pluie
cinglante
et pourtant douce
menus oiseaux
picorant la peau

L’eau s’amuse
à devenir métallique
fines aiguilles
qui piquent
sans blesser
ni transpercer

Étincelles ludiques
sur le front
le pavé

Visage au vent
l’enfant rit
ruisselante

(Claude Pujade-Renaud)

 

Recueil: Instants incertitudes
Traduction:
Editions: Le Cherche Midi

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La fente (Jacques Chessex)

Posted by arbrealettres sur 10 novembre 2018



Illustration:  Gustave Courbet
    
La fente

Si je regarde en toi fente

dans tes pentes dans tes plis sondant
Descendant par l’ombre et la moire à ton noir
Si je rôde et respire à tes alentours
Glissant du relief par la zone rose
Au secret gorgé de ce noir À la faille à la gorge, fente dans sa plissure avisant

Maintenant scrutant la buée belle à voir
Ce glissement à ta chaleur déjà liquide
Madame la fente où règne l’Odeur

O regardant par l’entaille le délice

de sueur, de fétide miel
Dans le val ce silence noir
De sombre suc musicien
Si descendant rôdant encore à cette orée
Je me tue à percer un chemin autre À la caverne visiteur épuisé de zèle
Quand la tonne parfumée exhale
Et coule en pluie à ta paroi

ruisselante robe définitive À ma bouche bien avant le drap des morts

O fente si je viens en toi

Par la langue et l’œil ouvrant ta nuit sacrée

Descendant par les haltes un songe noir comme un fleuve

Enfoui l’oubli muet dans tes pentes
Si j’allume au fond de la chambre
Cette lampe, fente, tes alentours sur la strie
Noire à l’ombre offrant la glu à me tuer
Visiteur encore rêvant mangeant la lumineuse suie

(Jacques Chessex)

 

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Grillage de la pluie (Gabriel Cousin)

Posted by arbrealettres sur 16 septembre 2018



Grillage de la pluie

Les flèches de la pluie
brûlent et la route fume
Et dix mille petites
blessures étincellent

La grille de la pluie
tisse le paysage
enserre les jardins
et griffe la fenêtre

Le grillage de la pluie
étend ses doigts lisses
sur les frais visages
ruisselants des enfants

(Gabriel Cousin)

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Ne descend ni ne monte le temps (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 28 août 2018



Illustration: Andrey Kartashov
    
Ne descend ni ne monte le temps
faîte du toit aux deux versants
vertigineusement ruisselants
de futur et passé dévorant
le présent qui les fait par l’instant
et qu’ils font et défont dès l’instant
éternellement inexistant
n’étant que le passage du temps

Ô ce temps impossible à saisir
malgré les battements si forts, si présents
de la chair qui respire et soupire
malgré le pouls pointillé qui défend
la ligne sûre des désirs
malgré les voluptés et cruautés
de l’attente et du souvenir
malgré le halètement cadencé
des instants existants

Ô ce temps sans devenir
où survient notre temps!

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Traduction:
Editions: Gallimard

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