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RONDEAU DE LA CHAIR TROP LOURDE (André Berry)

Posted by arbrealettres sur 19 août 2020



Illustration
    
RONDEAU DE LA CHAIR TROP LOURDE

Toujours ce poids qui t’attache à la terre,
Ce pied de plomb tirant sur le genou,
Et cette tête à ton tronc peu légère,
Mal emmanchée à ton douloureux cou;
Toujours le fiel dans cette bouche amère,
Des yeux piquants l’âcre larme qui sourd,
La cire épaisse au creux du tympan sourd;
Du gros cerveau que la tempe resserre
Toujours ce poids!

Toujours ces dents dont l’ivoire s’altère,
Ce crin hirsute en guerre avec le pou,
Toujours ce ventre enflant en demi-sphère
La pommaison de son grotesque chou.
A sa grinçante et peineuse charnière
Toujours ce bras qui pend débile et gourd,
Cette main moite où toute crasse accourt;
Du sang, de l’os, du muscle et du viscère
Toujours ce poids!

Nul réconfort au fond de ta misère
Que de presser un être encor plus mou,
Encor plus creux : tel lard en souricière,
Offrant l’appât de son funeste trou.
Lors sans bonnet sur ton occiput glabre,
Sans gant le carpe et le fémur sans bas,
En toute paix par les luneux sabbats
Tu branleras le tarse au bal macabre.
Courage encor!

(André Berry)

 

Recueil: Poèmes involontaires suivi du Petit Ecclésiaste
Traduction:
Editions: René Julliard

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En marchant la nuit dans un bois (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2020



    

En marchant la nuit dans un bois

I

Il grêle, il pleut. Neige et brume ;
Fondrière à chaque pas.
Le torrent veut, crie, écume,
Et le rocher ne veut pas.

Le sabbat à notre oreille
Jette ses vagues hourras.
Un fagot sur une vieille
Passe en agitant les bras.

Passants hideux, clartés blanches ;
Il semble, en ces noirs chemins,
Que les hommes ont des branches,
Que les arbres ont des mains.

II

On entend passer un coche,
Le lourd coche de la mort.
Il vient, il roule, il approche.
L’eau hurle et la bise mord.

Le dur cocher, dans la plaine
Aux aspects noirs et changeants,
Conduit sa voiture pleine
De toutes sortes de gens.

Novembre souffle, la terre
Frémit, la bourrasque fond ;
Les flèches du sagittaire
Sifflent dans le ciel profond.

III

– Cocher, d’où viens-tu ? dit l’arbre.
– Où vas-tu ? dit l’eau qui fuit.
Le cocher est fait de marbre
Et le coche est fait de nuit.

Il emporte beauté, gloire,
Joie, amour, plaisirs bruyants ;
La voiture est toute noire,
Les chevaux sont effrayants.

L’arbre en frissonnant s’incline.
L’eau sent les joncs se dresser.
Le buisson sur la colline
Grimpe pour le voir passer.

IV

Le brin d’herbe sur la roche,
Le nuage dans le ciel,
Regarde marcher ce coche,
Et croit voir rouler Babel.

Sur sa morne silhouette,
Battant de l’aile à grands cris,
Volent l’orage, chouette,
Et l’ombre, chauve-souris.

Vent glacé, tu nous secoues !
Le char roule, et l’oeil tremblant,
A travers ses grandes roues,
Voit un crépuscule blanc.

V

La nuit, sinistre merveille,
Répand son effroi sacré ;
Toute la forêt s’éveille
Comme un dormeur effaré.

Après les oiseaux, les âmes !
Volez sous les cieux blafards.
L’étang, miroir, rit aux femmes
Qui sortent des nénuphars.

L’air sanglote, et le vent râle,
Et, sous l’obscur firmament,
La nuit sombre et la mort pâle
Se regardent fixement.

(Victor Hugo)

 

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L’Amour tombe des nues (Robert Desnos)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2018




    
L’Amour tombe des nues

1
Un Samedi du Moyen Âge
Une sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Tomba par terr’ du haut des nuages.
Ho! Ho! Ho! Madam’ la sorcière
Vous voilà tombée par terre
Ho! Ho! Ho! sur votre derrière
Les quatre fers
En l’air.

Refrain 1
Vous tombez des nues
Toute nue
Par où êtes-vous venue
Sur le trottoir de l’Avenue?
Vous tombez des nues,
Sorcière saugrenue.
Vous tombez des nues,
Vous tombez des nues,
Sur la partie la plus charnue
De votre individu.
Vous tombez des nues!

2
On voulait la livrer aux flammes
Cette sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Pour l’Ascension quel beau programme.
Ho! Ho! Ho! Voilà qu’ la sorcière
A fait un grand rond par terre
Ho! Ho! Ho! quel coup de tonnerre
Il tomba d’ l’eau
À flots!

Refrain 2
L’eau tombe des nues
Toute nue
Éteint les flammes ténues
Et rafraîchit la détenue.
L’eau tombe des nues
Averse bienvenue
L’eau tombe des nues
L’eau tombe des nues
Et la sorcièr’ se lave nue
Mais oui dans l’Avenue.
L’eau tombe des nues.

3
Qu’elle était belle la sorcière
Les Présidents du Châtelet
Les gendarmes et leurs valets
La regardaient dans la lumière.
Ho! Ho! Ho! un éclair qui brille
Et ses beaux yeux qui scintillent
Ho! Ho! Ho! notre coeur pétille
Nous sommes sourds
D’amour.

Refrain 3
Nous tombons des nues
Elle est nue
Oui mais notre âme est chenue
Nous avons de la… retenue
Nous tombons des nues
O Sorcière ingénue
Nous tombons des nues
Nous tombons des nues
Qu’on relaxe la prévenue
Elle nous exténue
Nous tombons des nues.

Coda
Je tombe des nues
Tu tombes des nues
Le monde entier tombe des nues
L’amour tombe des nues
Viv’ les Femmes nues.

(Robert Desnos)

 

Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier

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SON DU COR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 13 septembre 2017



SON DU COR

Ah, douleur
Et que leur
Mémoire
Tord dans ses bras :

Les rumeurs
Où se meurt
L’histoire
Qui nous trompa,

Sont, ma soeur,
De hauteur
Trop noire
Pour nos sabbats ;

La liqueur
Que ton coeur
Veut boire
N’existe pas.

(Paul Eluard)

Illustration

 

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Peintures noires de Goya (Rose Ausländer)

Posted by arbrealettres sur 2 août 2017



Illustration: Francisco Goya
    

Peintures noires de Goya

Noir
plus noir que noir
pupille de la peur

Génie
dans le feu sombre
danse
son ombre

Aimé par les démons
sans pitié

Chant sauvage
du cygne noir
sur le lac du sabbat des sorcières

(Rose Ausländer)

 

Recueil: Sans visa
Traduction: Eva Antonnikov
Editions: Héros-Limite

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Le café (Zbigniew Herbert)

Posted by arbrealettres sur 1 juin 2017



Le café

L’on s’aperçoit soudain qu’il n’y a rien dans le verre,
que l’on porte l’abîme à ses lèvres.
Les guéridons de marbre s’évaporent comme neige au soleil.
Seuls les miroirs se mettent en frais face aux miroirs, ils sont les seuls à croire à l’infini.
Voici l’heure où il convient, sans attendre le saut meurtrier de l’araignée, de partir.
La nuit on peut revenir pour observer à travers la grille le terrible sabbat des objets.
Les tables et les chaises tuées avec bestialité sont sur le dos les pieds dressés vers un ciel de chaux.

(Zbigniew Herbert)

Illustration

 

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Wagon de chaussures (Avrom Sutzkever)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2017



Wagon de chaussures

les roues coursent, coursent,
et que transportent-elles ?
un wagon elles m’apportent
de chaussures tressaillantes.

wagon à dais nuptial
dans la splendeur du soir ;
chaussures – un plein compartiment
comme des humains qui dansent.

est-ce un mariage, une fête
aveuglant mon esprit ?
chaussures – si familières
j’ai reconnu chacune.

claquètent les semelles :
vers où, vers où, vers où ?
des vieilles rues de Vilnius
on nous mène à Berlin.

„à qui sont-elles ?“ si je demande,
risque que mon cœur se fende ;
dites-moi, chaussures, la vérité :
où sont vos pieds ?

les pieds de ces pantoufles
aux boutonnets de rosée ;
où est le frêle corps ?
où est donc cette femme ?

dans ces chaussures d’enfants, toutes,
pourquoi ne vois-je d’enfant ?
pourquoi la mariée ne chausse
bientôt les souliers de la noce ?

parmi bottines et godillots
je trouve les escarpins de ma mère.
ceux qu’elle réservait au sabbat
pour certes y mettre ses plus beaux habits.

et claquètent les semelles :
vers où, vers où, vers où ?
des vieilles rues de Vilnius
on nous mène à Berlin.

***

A vogn shikh

Di reder yogn, yogn,
Vos brengen zey mit zikh?
Zey brengen mir a vogn
Mit tsaplendike shikh.

Der vogn vi a khupe
In ovntikn glants;
Di shikh- a fule kupe
Vi mentshn in a tants.

A khasene, a yontev?
Tsi hot mikh ver farblendt?
Di shikh- azoyne nonte
Oyf s’nay ikh hob derkent.

Es klapn di optsasn:
Vuhin, vuhin, vuhin?
Fun alte vilner gasn
Me traybt undz keyn Berlin.

Ikh darf nit fragn “vemes”,
Nor s’tut in hartz a ris:
oh, zagt mir, shikh, den emes,
Vu zenen zey di fis?

Dis fis fun yene tufle
Mit knephele vi toy
Und do –vu iz dos gufl?
Und dort vu iz di froy?

In kindershikh in alle
Vos zeh ikh nit kayn kind?
Vos tut nit on di kale
Di shikhelekh atsind?

Durkh kindershikh un shkrabes
Kh’derken mayn mames shikh!
Zi flegt zey bloyz oyf shabes
Aroyftsien oyf zikh.

Un s’klapn di optsasn:
Vuhin, vuhin, vuhin?
Fun alte vilner gasn
Me traybt undz keyn Berlin.

(Avrom Sutzkever)

Illustration

 

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Depuis l’heure où le sable efface le jour (Jean-Dominique Rey)

Posted by arbrealettres sur 7 mars 2016




Depuis l’heure
où le sable efface le jour
tu marches en moi
comme un coeur trop rapide

es-tu la nonne du désert
qui sous le velours et le silence
masque son visage

ou l’amoureuse
qui ventre à ventre
danse le sabbat de l’exil

la nuit j’entends
ton cri de miel lourd
monter
comme un Nil entre deux temples

(Jean-Dominique Rey)

Illustration: Herbert James Draper

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