Batelier de la Loire,
Joli batelier, batelier d’Allier,
Il a tiré au sort,
Au sort et le premier,
Batelier de l’Allier.
L’est parti pour la gloire,
Batelier de la Loire,
Dans les chasseurs à pied,
Batelier de l’Allier.
C’est un beau régiment,
Un régiment de gloire,
Batelier de la Loire,
Un régiment qui plaît,
Batelier de l’Allier.
S’il en revient gradé,
Botté z’à l’écuyère,
Batelier de la Louère,
Sa femme sera fière
De s’aller promener
Le dimanche après dîner,
Batelier de l’Allier.
Un coup de sabre au ventre,
C’est beaucoup moins cherché,
Batelier de la Loire.
Dans la gloire on y entre
Mais n’en sort plus jamais,
Batelier de l’Allier.
Batelier de la Loire,
Y fut tué le premier ;
Mourut à la nuit noire,
Batelier de la Loire.
Tout seul dans un hallier,
Batelier de l’Allier.
Buvons à sa mémoire,
Bateliers de la Loire,
Un coup de muscadet,
Bateliers de l’Allier.
Si je savais écrire je saurais dessiner
Si j’avais un verre d’eau je le ferais geler et
je le conserverais sous verre
Si on me donnait une motte de beurre je
la ferais couler en bronze
Si j’avais trois mains je ne saurais où
donner de la tête
Si les plumes s’envolaient si la neige fondait
si les regards se perdaient, je
leur mettrais du plomb dans l’aile
Si je marchais toujours tout droit devant
moi, au lieu de faire le tour du
globe j’irais jusqu’à Sirius et
au-delà
Si je mangeais trop de pommes de terre je
les ferais germer sur mon cadavre
Si je sortais par la porte je rentrerais
par la fenêtre
Si j’avalais un sabre je demanderais
un grand bol de Rouge
Si j’avais une poignée de clous je les
enfoncerais dans ma main
gauche avec ma main
droite et vice versa.
Si je partais sans me retourner, je
me perdrais bientôt de vue.
(Jean Tardieu)
Recueil: L’accent grave et l’accent aigu
Traduction:
Editions: Gallimard
J’entends mourir des enfants au fond d’un sac.
J’entends miauler ton chat, mère Michel.
J’entends le vent du sabre,
j’entends la souris grignoter ta robe, tante Valentine,
j’entends la rouille germer sur la clé des songes.
Jacques, j’entends pâlir ta signature sur tes lettres d’amour.
Et j’entends, Marie, j’entends ton plus beau cil tomber à la rigole, partir à la dérive.
Tu m’apprenais à voir,
à travers les murs
par-delà l’unique pièce
de mon royaume.
L’odeur du cigare dans ta barbe,
cette nuit
j’en ai rêvé.
Les placards de ta chambre,
regorgeaient de mystères
les plans d’une banque ?
Une arme cachée ?
Un sabre ancien ?
… seulement
l’odeur du papier.
Quelques toiles,
qui tordaient cet univers d’attente
cache tendre
vers un autre possible.
Comme une goutte d’eau demeurée
Sur une feuille de lotus
De l’étang de Tsurugi
(Évocateur d’un sabre),
Je ne sais où aller.
A l’heure que j’avais fixée
Je voulais vous rencontrer
Quoique ma mère m’eût dit :
« Ne couche pas avec cet homme
Que tu as déjà rencontré! ! »
Le coeur pur et clair
Comme le fond de l’étang
De Kiyosumii
Jusqu’à ce queje vous rencontre
je ne vous oublierai.
Avec la paix de l’étang s’endormant
Et l’infini s’installant, qu’ils me laissent
L’amour, avec celui qui me l’adresse
Et dont la main fut un apaisement.
Mes petits malheurs oubliés d’avance,
Tombe mon canif, en sabre agrandi.
Avec ta fleur criarde tu pâlis.
T’éveille alors la branche du silence.
J’ignore ta parole : ça frémit.
Ses mots me sont étrangers, mais ça tonne.
Très fort serait donc l’amour qu’il me donne,
Pour dans mon coeur te tolérer ainsi.
(Attila József)
Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus