Concessions échues, tombes abandonnées,
défoncées, à la renverse, forcées, christs
arrachés, passés à l’estrapade, manchots,
bouquets fanés, fleurs saccagées, mousses
et lichens, herbes folles, angelots sans tête,
marbres fendus, pierres grises et ferrailles
mangées par la rouille et la vermine, terre
ultime et sans concession pour nous futurs
morts en train de promener nos dimanches
parmi la charpie de cent regrets éternels
que le soleil en passant ramasse et fourre
dans sa poche comme un voleur de peu.
(Guy Goffette)
Recueil: Petits riens pour jours absolus
Editions: Gallimard
On prend le petit-déjeuner… Humide terre
de cimetière à l’odeur de sang aimé.
Ville d’hiver… La cuisante traversée
d’une charrette qui semble traîner
une émotion de jeûne enchaînée!
On voudrait toquer à toutes les portes
et demander je ne sais qui; et puis
voir les pauvres et, en pleurant tout bas,
donner des petits bouts de pain frais à tous.
Et saccager les vignes des riches
avec les deux mains saintes
qui dans une échappée de lumière
s’envolèrent déclouées de la Croix!
Cils du matin, ne vous levez pas!
Notre pain de chaque jour, donne-le-nous,
Seigneur… !
Mes os ne sont pas à moi;
peut-être les ai-je volés!
Je suis venu m’arroger ce qui sans doute
était assigné à un autre;
et je pense que, si je n’étais pas né,
un autre pauvre aurait pris ce café!
Je suis un mauvais larron… Où irai-je!
Et en cette heure froide, où la terre
est si triste et fleure la poussière humaine,
je voudrais toquer à toutes les portes,
et supplier je ne sais qui, pardon,
et lui faire des petits bouts de pain frais
ici, dans le four de mon coeur !
On devrait attendre et saccager toute une vie, une longue vie si possible,
et ensuite, finalement, bien plus tard, peut-être saurait-on écrire les dix lignes qui seraient bonnes.
Car les vers ne sont pas, comme le croient certains, des sentiments (on les ressent toujours trop tôt),
mais des expériences.
Fenêtre orpheline aux cheveux d’habitude,
Cris du vent,
Atroce paysage entre cristal de roche,
Prostituant les miroirs vivants,
Fleurs clamant à grands cris
Leur innocence antérieure aux obésités.
Ces cavernes aux clartés vénéneuses
Saccagent les désirs, les dormeurs ;
Clartés comme langues fendues
Pénétrant les os jusqu’à trouver la chair,
Sans savoir qu’au fond il n’y a pas de fond,
Il n’y a rien, qu’un cri,
Un cri, un autre désir
Sur un piège de pavots cruels.
Dans un monde de barbelés
Où l’oubli vole en dessous du sol,
Dans un monde d’angoisse,
Alcool jaunâtre,
Plumes de fièvre,
Colère dressée vers un ciel de honte,
Un jour de nouveau ressurgira la flèche
Abandonnée par le hasard
Quand une étoile meurt comme l’automne pour oublier
son ombre.
***
Como la piel
Ventana huérfana con cabellos habituales,
Gritos del viento,
Atroz paisaje entre cristal de roca,
Prostituyendo los espejos vivos,
Flores clamando a gritos
Su inocencia anterior a obesidades.
Esas cuevas de luces venenosas
Destrozan los deseos, los durmientes;
Luces como lenguas hendidas
Penetrando en los huesos hasta hallar la carne,
Sin saber que en el fondo no hay fondo,
No hay nada, sino un grito,
Un grito, otro deseo
Sobre una trampa de adormideras crueles.
En un mundo de alambre
Donde el olvido vuela por debajo del suelo,
En un mundo de angustia,
Alcohol amarillento,
Plumas de fiebre,
Ira subiendo a un cielo de vergüenza,
Algún día nuevamente resurgirá la flecha
Que abandona el azar
Cuando una estrella muere como otoño para olvidar
su sombra.
(Luis Cernuda)
Recueil: Un fleuve, un amour
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Fata Morgana
Du fond caché de la clarté
Du fond secret des veines
Regardez se gonfler ce hunier
Ecoutez ce grand vent
Qui soulève la robe ambrée
Ce battement écoutez-le
Venu du fond ardent c’est un
Grand cri haut cri long cri
C’est comme un feu immense et doux
Un grand feu blanc qui tue
Qui fait du bien
Laissez-vous emporter saccager
Retrouvez ce frisson d’avant tout
C’est le temps de l’aveu
Le temps perdu et retrouvé
Quand tout est là
Eau feu vent sel chant nuit
Oh oui c’est beau un corps brûlé
Par l’éclat fou de sa fièvre
Laissez le feu vous dévoiler
Et le ciel jaillir dans vos veines
La nuit meurt le jour vient c’est l’heure
Poissons au vent chevaux levés
Ouvrez vos mains
Des cils du sol jusqu’au
Sang