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Poésie

Posts Tagged ‘sangloter’

ANDALOUSIE (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023




    
ANDALOUSIE

Cette terre a l’écorce de ses vieux sycomores,
La rudesse de ses pins, la douceur des lavandes,
Le parfum tourmenté des roseaux sur la lande,
Et dans son sang chrétien le fantôme des Mores.

Les oliviers crochus s’y tordent infiniment,
Cloués à des collines qui n’en finissent pas,
Et crucifiés d’ardeur sur leur brun Golgotha,
Ils languissent la pluie en verts tressaillements.

Quand le soir décadent incendie les remparts,
A l’heure où la montagne tourne fantomatique,
On peut voir indécise, sereine et famélique,
Quelque chèvre accrochée aux rochers du hasard.

Cette terre porte ses villes comme autant de diadèmes,
Cordoba la gitane et Séville la mauresque,
Et Granada la rouge et Cadiz l’arabesque,
Cette terre bâtit ses villes comme autant de poèmes.

Partout sont les mosquées et les blanches cathédrales,
Les minarets de fièvre et les clochers d’orgueil,
Les villages andalous assoupis sur le seuil,
Et la lourde torpeur de la mer orientale.

Ce pays est un rêve, un délire céramique,
Une harmonie bleutée de soleil et de mer,
Avec dans son âme le reproche doux-amer
D’une guitare flamenco sanglotant sa musique.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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Ode à une Femme aimée (Sappho)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023



Illustration: Lawrence Alma-Tadema
    
Ode à une Femme aimée

L’homme fortuné qu’enivre ta présence
Me semble l’égal des Dieux, car il entend
Ruisseler ton rire et rêver ton silence.
Et moi, sanglotant,

Je frissonne toute, et ma langue est brisée :
Subtile, une flamme a traversé ma chair,
Et ma sueur coule ainsi que la rosée
Âpre de la mer ;

Un bourdonnement remplit de bruits d’orage
Mes oreilles, car je sombre sous l’effort,
Plus pâle que l’herbe, et je vois ton visage
A travers la mort.

***

Εὶς ᾿Ερωμἐναν.

Φαἰνεταἰ μοι κἠνος ἲσος θἐοισιν
ἒμμεν ὤνηρ, Ὄστις ὲναντἰος τοι
ἰζἀνει, καὶ πλασίον ἇδυ φωνεύ−
σας ὑπακούει

καὶ γελαισας ἰμερόεν, τό μοι μάν
καρδίαν ἐν στήθεσιν ἐπτόασεν·
ὡς γὰρ εὔιδον βροχέως σε, φώνας
οὐδὲν ἒτ᾿ εἴκει·

(Sappho)

 

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L’appel du coucou (Jean-Vincent Verdonnet)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2023




    
L’appel du coucou fore
l’aubier profond d’avril

Bourgeons feuilles naissantes
ont pour l’air

l’oeil
prudent de l’escargot

Au bras du jour
qui ne l’espérait plus
rosit la source
en voile de ciel neuf

Sanglote le cresson
qui voudrait tant les suivre

Un angélus défroisse
prières et pavots

(Jean-Vincent Verdonnet)

 

Recueil: D’ailleurs
Editions: Saint-Germain-des-Prés

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LE LAC (Emile Nelligan)

Posted by arbrealettres sur 16 juillet 2022



LE LAC

Remémore, mon coeur, devant l’onde qui fuit
De ce lac solennel, sous l’or de la vesprée,
Ce couple malheureux dont la barque éplorée
Y vint sombrer avec leur amour, une nuit.

Comme tout alentour se tourmente et sanglote !
Le vent verse les pleurs des astres aux roseaux,
Le lys s’y mire ainsi que l’azur plein d’oiseaux,
Comme pour y chercher une image qui flotte.

Mais rien n’en a surgi depuis le soir fatal
Où les amants sont morts enlaçant leurs deux vies,
Et les eaux en silence aux grêves d’or suivies
Disent qu’ils dorment bien sous leur calme cristal.

Ainsi la vie humaine est un grand lac qui dort
Plein sous le masque froid des ondes déployées,
De blonds rêves déçus, d’illusions noyées,
Où l’Espoir vainement mire ses astres d’or.

(Emile Nelligan)


Illustration

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Il ne revient pas (Rupi Kaur)

Posted by arbrealettres sur 9 juillet 2022




    
il ne revient pas
murmurait ma tête
il faut qu’il revienne
sanglotait mon coeur

-languir
(Rupi Kaur)

Recueil: lait et miel
Traduction: de l’anglais (USA) par Sabine Rolland
Editions: Charleston

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QUIA HORTULANUS ESSET (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 30 avril 2022



Illustration: Salvadore Dali    
    
QUIA HORTULANUS ESSET

Je suis l’ouvrier du silence,
L’au-delà des gestes humains,
L’obole qui contrebalance
L’or des Césars entre vos mains.

Je suis l’innocence de l’aube
Et l’oeuf fragile au fond du nid;
Les replis usés de ma robe
Ont la largeur de l’infini.

Je suis plus vendu qu’un esclave,
Et, plus qu’un pauvre, abandonné;
Je suis l’eau céleste qui lave
Le sang que pour vous j’ai donné.

Les lys et les agneaux, mes frères,
Sont comme moi sans défenseur;
Je revêts tous ceux qui pleurèrent
D’une cuirasse de douceur.

Peu m’importe que l’on me nie :
Je suis l’obscur et l’insulté
Semant sa sueur d’agonie
Aux sillons du futur été.

Je suis la neige qui prépare
La lente éclosion des fleurs;
Deux bras ouverts, vivante barre,
Diamètre de vos douleurs.

La rose à mes côtés relève
Son visage innocent et beau;
Le bois mort s’humecte de sève;
Et la Madeleine au tombeau,

Moite encor des larmes versées,
Reconnaît, dieu qui sanglota,
Le jardinier aux mains percées
Sous l’arbre noir du Golgotha.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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Mezza voce (Linda Bastide)

Posted by arbrealettres sur 12 juillet 2021



Mezza voce

Ils sont là.
Des millions de gens passés au fil de l’horreur,
depuis le commencement.
Et qui attendent.

Tu vois, c’est simple, ils sont là.
Je ne raconte pas une histoire ou un rêve.
Il ne s’agit pas d’un conte ou d’une folie.
Je te parle de ma vie.

Ça se passe sous mes yeux. Ils sont derrière moi
quand je marche dans la rue, ils envahissent
mon jardin au crépuscule, sans un bruit. Ils
s’allongent à perpétuité, et jonchent le sol de
leurs pauvres cadavres, si nombreux qu’ils
recouvrent l’herbe verte et s’entassent les uns
sur les autres. Les enfants au-dessus.

Souvent, ils se taisent, ruinés de fatigue. Ou bien
ils hurlent, ils sanglotent, ils geignent et se
déchirent, réclamant père ou mère en des
langues différentes et que je comprends toutes.
Ils traversent le temps, pour venir m’écorcer de
leurs caresses froides. On s’étouffe dans le sang
des promesses non tenues.

Je suis l’herboriste des expirations.
Aujourd’hui même, qui passera d’un souffle
l’autre, et de quelle façon ?
Choisis. Un homme, une femme, un enfant.
Choisis.
A toi de voir.

Pour le fardeau de mémoire, pour l’inconsolable
minute de silence, pour les veillées à venir, je
répète, je ressasse et j’insiste.

Tu vois, c’est simple. Ils sont là.
Et elles chanteront longtemps, ces voix
exténuées qui rampent et qui me hantent.
Si tu n’écoutes pas.

(Linda Bastide)

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Qu’attend-on d’une nuit sans étoiles ? (Frédérique Archimbaud)

Posted by arbrealettres sur 25 janvier 2021



Illustration: Christian Schloe 
    
Qu’attend-on
d’une nuit sans étoiles ?

Peut-être qu’y bruissent
nos firmaments
à fleur d’âme ?

Que se jouent de nous
nos farandoles
effrayées
nectar du songe

qu’à petits pas
à frôlements feutrés
sanglotent
nos joies
nos chagrins

et qu’à petit matin
nous délivre
un essaim
de lumière

(Frédérique Archimbaud)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Friches 131
Traduction:
Editions: Revue de poésie Friches

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RELÈVE (Charles Vildrac)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2020




    
RELÈVE

À notre place
On a posé
Des soldats frais
Pour amorcer
La mort d’en face.
Il a fallu toute la nuit pour s’évader.
Toute la nuit et ses ténèbres
Pour traverser, suant, glacé,
Le bois martyr et son bourbier
Cinglé d’obus.
Toute la nuit à se tapir,
À s’élancer éperdument,
Chacun choisissant le moment,
Selon ses nerfs et son instinct
Et son étoile.
Mais passé le dernier barrage,
Mais hors du jeu, sur la route solide,
Mais aussitôt le ralliement
Aux lueurs des pipes premières,
Dites, les copains, les heureux gagnants,
Quelle joie titubante et volubile !
Ce fut la joie des naufragés
Paumes et genoux sur la berge
Riant d’un douloureux bonheur
En recouvrant tout le trésor ;
Tout le trésor fait du vaste monde
Et de la mémoire insondable
Et de la soif qu’on peut éteindre
Et même du mal aux épaules
Qu’on sent depuis qu’on est sauvé.
Et l’avenir ! Ah ! l’avenir,
Il sourit maintenant dans l’aube :
Un avenir de deux longues semaines
À Neuvilly dans une étable…

*

Ah ! les pommiers qui sont en fleurs !
Je mettrai des fleurs dans mes lettres.
J’irai lire au milieu d’un pré.
J’irai laver à la rivière.
Celui qui marche devant moi
Siffle un air que son voisin chante ;
Un air qui est loin de la guerre :
Je le murmure et le savoure.
Et pourtant ! les tués d’hier !
Mais l’homme qui a trébuché
Entre les jambes de la Mort
Puis qui se relève et respire
Ne peut que rire ou sangloter :
Il n’a pas d’âme pour le deuil.
La lumière est trop enivrante
Pour le vivant de ce matin ;
Il est faible et tout au miracle
D’aller sans hâte sur la route.
Et s’il rêve, c’est au délice
D’ôter ses souliers pour dormir,
À Neuvilly, dans une étable.

(Charles Vildrac)

 

Recueil: Chants du désespéré (1914-1920) –
Traduction:
Editions: Gallimard

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En marchant la nuit dans un bois (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2020



    

En marchant la nuit dans un bois

I

Il grêle, il pleut. Neige et brume ;
Fondrière à chaque pas.
Le torrent veut, crie, écume,
Et le rocher ne veut pas.

Le sabbat à notre oreille
Jette ses vagues hourras.
Un fagot sur une vieille
Passe en agitant les bras.

Passants hideux, clartés blanches ;
Il semble, en ces noirs chemins,
Que les hommes ont des branches,
Que les arbres ont des mains.

II

On entend passer un coche,
Le lourd coche de la mort.
Il vient, il roule, il approche.
L’eau hurle et la bise mord.

Le dur cocher, dans la plaine
Aux aspects noirs et changeants,
Conduit sa voiture pleine
De toutes sortes de gens.

Novembre souffle, la terre
Frémit, la bourrasque fond ;
Les flèches du sagittaire
Sifflent dans le ciel profond.

III

– Cocher, d’où viens-tu ? dit l’arbre.
– Où vas-tu ? dit l’eau qui fuit.
Le cocher est fait de marbre
Et le coche est fait de nuit.

Il emporte beauté, gloire,
Joie, amour, plaisirs bruyants ;
La voiture est toute noire,
Les chevaux sont effrayants.

L’arbre en frissonnant s’incline.
L’eau sent les joncs se dresser.
Le buisson sur la colline
Grimpe pour le voir passer.

IV

Le brin d’herbe sur la roche,
Le nuage dans le ciel,
Regarde marcher ce coche,
Et croit voir rouler Babel.

Sur sa morne silhouette,
Battant de l’aile à grands cris,
Volent l’orage, chouette,
Et l’ombre, chauve-souris.

Vent glacé, tu nous secoues !
Le char roule, et l’oeil tremblant,
A travers ses grandes roues,
Voit un crépuscule blanc.

V

La nuit, sinistre merveille,
Répand son effroi sacré ;
Toute la forêt s’éveille
Comme un dormeur effaré.

Après les oiseaux, les âmes !
Volez sous les cieux blafards.
L’étang, miroir, rit aux femmes
Qui sortent des nénuphars.

L’air sanglote, et le vent râle,
Et, sous l’obscur firmament,
La nuit sombre et la mort pâle
Se regardent fixement.

(Victor Hugo)

 

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