Chaque fois on l’offre
oubliant ses anciennes douleurs
croyant qu’il va être sauvé cette fois-ci
On dissimule ses blessures avec de la couleur
on les décore avec des fleurs
et on le présente comme s’il était neuf
et commençait à battre
à l’instant
On jure
y croyant nous-mêmes
que nous n’avons jamais connu
de tels sentiments
tellement heureux de trouver
ce qui va
l’accepter
ce qui va
le chérir
et
peut-être
ce qui va le blesser
à nouveau.
Le coeur s’est refermé
Les mains se sont éteintes
Sous le toit défleuri
La misère qui tinte
Mais les oiseaux sauvés
La dernière clé d’or allumée sur la porte
Et les chiens d’aube qui rapportent
Quelques lambeaux d’été
Des plumes de lumière
Les cloches réveillées au fond de la rivière
Tout le ciel de côté
Chacun reprend courage
Et la route est partie sous l’aile de l’orage
L’homme sur sa chanson
Que le plus clair de nous éclaire ton visage
La poésie, comme l’amour, charge de tout son contenu,
force à tous ses espaces le visage, le geste, le mot.
Sans elle, à l’instant d’être, ils seraient déjà morts —
ou cernés à jamais en leur étroite forme,
ce qui est mourir d’une autre façon.
Le roman prend corps pour ensuite se vêtir.
Prenant âme, la poésie demeure nue.
L’heure aride : des clefs sur la table et pas de porte à ouvrir.
La poésie suggère. En cela, elle est plus proche qu’on ne pense
de la vie, qui est toujours en deçà de l’instant qui frappe.
La poésie n’est pas la proie du poème.
Elle assiège et s’éclipse.
Nous laissant plus gravé dans l’argile, ou plus libre d’un anneau.
Lorsqu’on a pressenti, rien qu’une fois, l’immensité de l’aventure humaine,
on peut se demander quelle force nous retient dans l’étroit.
Quelle force est là, qui fait que nous poursuivons quand même la route
sans fomenter des bouleversements et sans abattre les murs ?
La poésie — si elle s’inscrit en nous — tout en admettant de nous regarder cheminer, nous délivre.
Parfois, se mirant dans l’un de nos destins,
elle nous découvre son envers terrestre qui est l’amour.
Alors, malgré les tiraillements, nous nous sentons sauvés ;
et en réalité nous le sommes, sauvés, ici et ailleurs.
Toujours un peu en amont du dernier poème vécu, la poésie ne saurait décevoir.
Je dis : un peu, car il faut apprivoiser l’impossible ;
vouloir qu’un passage existe, à portée de voix, à portée de regard.
Ce qui nous dépasse, et dont nous portons le grain aussi
certainement que nous portons notre corps, cela s’appelle : Poésie.
Le poème se nourrit de mouvements.
Son rythme est celui de la vague, son dessein est de traverser.
Hostile aux vérités à éclipses,
le poète n’est soucieux que de l’homme à la recherche de son visage enfoui.
La poésie est naturelle.
Elle est l’eau de notre seconde soif.
Il est vital pour le poète de lever des échos et de le savoir.
Nul mieux que lui ne s’accorde aux solitudes ;
mais aussi, nul n’a plus besoin que sa terre soit visitée.
Le poète séjourne hors des enceintes.
S’il ne rompait les digues,
comment joindrait-il ses terres à la terre, et la parole aux mots ?
Si l’appel du poème n’est pas contraignant, celui de la poésie est d’une haleine.
Fièvre perpétuelle qui brûle de devenir.
Pour en épeler les signes, la poésie endosse le monde dont elle est issue.
Mais à travers l’essaim des poèmes — intacte et pourtant remuée —
la poésie demeure au futur.
En sa terre labourée, le poète — pour un temps — s’apaise du cri qu’il pousse ;
poème dans sa nuit.
Le poète avance par saccades : coups d’aile et retombées.
L’expérience lui enseigne que la chute est le présage de l’essor ;
mais, au plus sombre d’une détresse, cette mémoire est de maigre secours.
Sauvegardons à ceux qui nous ont failli le mystère entier de leur visage.
Blessés et en cause, nous voici juges, les affublant du masque odieux.
Les faiblesses d’autrui, quand elles égratignent notre susceptible peau,
nous poussent à renier tout un passé d’entente.
Tourné vers la possession, nous sommes sans perspective et sans recours.
L’amour est toute la vie. Il est vain de prétendre qu’il y a d’autres équilibres.
Le dénué d’amour trace partout des cercles dont le centre n’est pas.
Le coeur se rit de l’absurde.
Sa vérité est au midi des contradictions.
L’amour comme la mort — qui naviguent hors du temps —
lissent nos fronts, affinent nos visages.
Au bord de ce qui est vaste, le regard n’erre plus.
Et le souffle, complice de l’angoisse et des jours, trouve enfin sa paix.
quelle ombre ailée de lumière
quel silence où veille l’oiseau
quel désir d’avant l’être
quel signe à la lisière de l’air
quelle saison hors du temps
pourraient l’inclure
où nous serions sauvés.
Le coeur s’est refermé
Les mains se sont éteintes
Sous le toit défleuri
La misère qui tinte
Mais les oiseaux sauvés
La dernière clé d’or allumée sur la porte
Et les chiens d’aube qui rapportent
Quelques lambeaux d’été
Des plumes de lumière
Les cloches réveillées au fond de la rivière
Tout le ciel de côté
Chacun reprend courage
Et la route est partie sous l’aile de l’orage
L’homme sur sa chanson
Que le plus clair de nous éclaire ton visage