Les ronces pousseront dans le métro désert,
Les sangliers boiront sous le pont de l’Alma
Et dans le parc Monceau grignoté par la mer,
Quelques cerfs improbables brameront leur effroi.
On aura de folles herbes jusqu’aux marchés d’Auteuil,
Les vipères siffleront près du Trocadéro,
Les tigres dormiront dans les rues d’Argenteuil
Et un troupeau de buffles y cherchera de l’eau.
Ce temps sera le temps des fourmis de retour,
Des araignées géantes et des scorpions fébriles,
Des taureaux assoupis à l’ombre de la Tour,
Des vendanges en Mai, des moissons en Avril.
Trois soleils brûleront la vieille capitale,
Ce temps sera celui d’un espoir chaviré,
La forêt mangera le forum des Halles,
Et les loups se battront sur les Champs Elysées.
Une femme créait le soleil
En elle
Et ses mains étaient belles
La terre plongeait sous ses pieds
L’assaillant de l’haleine fertile
Des volcans
Ses narines palpitaient ses paupières se baissaient
Empesées par le lourd limon de l’oreiller
C’est la nuit
Et l’égratignure tranquille où meurt le vide haletant
Se bat se débat s’ouvre et doucement se ferme
Sur la verge dodelinante de Noé l’explorateur
(Joyce Mansour)
Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout
Il faudrait de ma nuit atteindre les écluses
Les ouvrir et traquer les muses dévêtues
L’injurier de feux jusqu’à ce que ces muses
Perdissent leur dégaine antique de statues.
Je vivrais enfin calme et ce serait leur tour
De trébucher d’aller s’aveugler aux lumières
Entre elles de se battre et de mettre en plein jour
Leur visage de torche où flambe une crinière.
Je vivrais calme enfin et je regarderais
Un cheval maladroit à déployer ses ailes
Les neuf soeurs de ma nuit se déchirer entre elles
Et ces dames criant leurs augustes secrets.
Avec des rires sourds et de grondants sanglots,
Les filles de la mer se battent ou s’étreignent,
Et leurs cheveux luisants que dans l’ombre elles peignent
Traînent, fourrure sombre, au pied des noirs îlots.
L’anguille voyageuse et les vifs cachalots,
L’ourson couleur de neige à leur côté se baignent;
Et les feux de leurs yeux s’allument et s’éteignent,
Fanal de naufrageur qui tremble sous les flots
Leurs corps d’ambre et de lait ont la forme des vagues;
Les regrets, les terreurs, l’espoir, les désirs vagues,
Se condensent la nuit dans le brouillard amer.
Et, bercés mollement sur la gorge où tout sombre,
Les morts, coulés à pic, vont savourer dans l’ombre
Tout l’amour contenu dans la mort et la mer.
(Marguerite Yourcenar)
Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard
Mon cher dieu, le désastre est de retour !
Tout était serein, tout était si calme ;
Nous avions commencé à briser
Nos chaînes d’esclaves.
Tout s’est arrêté ! .. Il a coulé
Le sang du peuple ! Les bandits couronnés
Comme des chiens se battant pour un os,
S’étripent à nouveau.
***
Мій Боже милий, знову лихо!..
Мій Боже милий, знову лихо!..
Було так любо, було тихо;
Ми заходились розкувать
Своїм невольникам кайдани.
Аж гульк !.. Ізнову потекла
Мужицька кров! Кати вінчані,
Мов пси голодні за маслак,
Гризуться знову.
***
O DESASTRE
Meu querido deus, o desastre está de volta!
Tudo era sereno, tudo estava tão calmo;
Nós tínhamos começado a quebrar
Nossas correntes de escravos.
Tudo parou! .. Ele afundou
O sangue do povo! Os bandidos coroados
Como cães lutando por um osso,
Eles estão lutando novamente.
(Taras Chevtchenko)
Site : http://artgitato.com/
Traduction: Français Jacky Lavauzelle / Ukrainien / Portugais Jacky Lavauzelle
Editions:
Les Jets vont vivre leur heure de gloire
Cette nuit.
Les Sharks vont avoir leur revanche
Cette nuit.
Les Portoricains ne cessent de geindre : « Combat loyal ».
Mais si ils cherchent la bagarre,
On va se battre sans ménagement.
On leur réserve une surprise
Cette nuit.
On va les écraser
Cette nuit.
On s’est mis d’accord :« Ok, pas de bazar,
Pas de pièges. »
Mais juste au cas où ils nous tomberaient sur le râble,
On est prêts à mettre le feu
Cette nuit.
On va tout déchirer cette nuit,
On va s’éclater, ça va swinguer !
Ils vont comprendre, cette nuit ;
Plus ils nous chaufferont, plus on leur fera mal !
Ce sont eux qui ont commencé !
Ce sont eux qui ont commencé !
Et nous allons les bouter une bonne fois pour toutes,
Cette nuit !
Anita va bien prendre son pied
Cette nuit.
Nous allons nous retrouver, seuls tous les deux
Cette nuit.
Il va rentrer tout suant et harassé,
Eh bien ?
Qu’importe la fatigue,
Du moment qu’il sent la sueur
Cette nuit !
Cette nuit, ce soir,
Ce ne sera pas n’importe quelle nuit,
Cette nuit il n’y aura pas d’étoile du matin.
Cette nuit, ce soir, je verrai mon amour ce soir.
Et pour nous les étoiles se figeront dans le ciel
Aujourd’hui
Les minutes semblent des heures,
Les heures s’écoulent lentement,
Et le soleil brille encore…
Ô lune, réveille-toi,
Et change ce jour interminable en une nuit sans fin !
J’espère que tu ne nous feras pas faux bond
Cette nuit.
Lorsque Diesel gagnera à la loyale
Cette nuit.
Ces minables de Portoricain
Vont perdre.
Et quand il braillera « Mon oncle ! »
Nous brûlerons leur quartier !
Alors, je peux compter sur toi, mon gars ?
D’accord.
On va vraiment s’en payer une tranche.
D’accord.
Du ventre à la tombe !
Du sperme aux vers !
Je te verrai là-bas vers 8h.
Cette nuit…
Cette nuit, ce soir
Ce ne sera pas n’importe quelle nuit,
Cette nuit il n’y aura pas d’étoile du matin.
On va tout déchirer cette nuit !
Ils vont comprendre, cette nuit,
Ils ont commencé,
Ils ont commencé,
Ils ont commencé.
Et nous allons les bouter une bonne fois pour toutes,
Les Sharks vont avoir leur revanche,
Les Sharks vont connaître leur heure de gloire,
On va tout déchirer cette nuit.
Cette nuit !
Cette nuit, ça va swinguer !
Cette nuit !
Ils ont commencé,
Et c’est nous qui allons les arrêter une bonne fois pour toutes !
Les Jets vont avoir leur revanche,
Les Jets vont connaître leur heure de gloire.
On va tout déchirer cette nuit.
Cette nuit !
Cette nuit, ce soir,
Tard dans la nuit,
Nous allons nous retrouver cette nuit.
Anita va se régaler,
Anita va se régaler,
Bernardo va bien profiter
Cette nuit, ce soir,
Cette nuit, c’est cette nuit,
Nous allons nous éclater cette nuit !
Cette nuit, ce soir,
Je retrouverai mon amour ce soir.
Et pour nous les étoiles se figeront dans le ciel.
Aujourd’hui les minutes semblent des heures.
Les heures s’écoulent lentement,
Et le soleil brille encore.
Ô lune, réveille-toi,
Et change ce jour interminable en une nuit sans fin,
Cette nuit !
***
Tonight.
The Sharks are gonna have their way
Tonight.
The Puerto Ricans grumble: « Fair fight. »
But if they start a rumble,
We’ll rumble ’em right.
We’re gonna hand ’em a surprise
Tonight.
We’re gonna cut ’em down to size
Tonight.
We said, « O.K., no rumpus,
No tricks. »
But just in case they jump us,
We’re ready to mix
Tonight.
We’re gonna rock it tonight,
We’re gonna jazz it up and have us a ball!
They’re gonna get it tonight;
The more they turn it on the harder they’ll fall!
Well, they began it!
Well, they began it!
And we’re the ones to stop ’em once and for all,
Tonight!
Anita’s gonna get her kicks
Tonight.
We’ll have our private little mix
Tonight.
He’ll walk in hot and tired,
So what?
Don’t matter if he’s tired,
As long as he’s hot
Tonight!
Tonight, tonight,
Won’t be just any night,
Tonight there will be no morning star.
Tonight, tonight, I’ll see my love tonight.
And for us, stars will stop where they are.
Today
The minutes seem like hours,
The hours go so slowly,
And still the sky is light . . .
Oh moon, grow bright,
And make this endless day endless night!
I’m counting on you to be there
Tonight.
When Diesel wins it fair and square
Tonight.
That Puerto Rican punk’ll
Go down.
And when he’s hollered « Uncle »
We’ll tear up the town!
So I can count on you, boy?
All right.
We’re gonna have us a ball.
All right.
Womb to tomb!
Sperm to worm!
I’ll see you there about eight.
Tonight . . .
Tonight, tonight
Won’t be just any night,
Tonight there will be no morning star,
We’re gonna rock it tonight!
They’re gonna get it tonight,
They began it,
They began it,
The began it.
We’ll stop ’em once and for all.
The Sharks are gonna have their way,
The Sharks are gonna have their day,
We’re gonna rock it tonight.
Tonight!
We’re gonna jazz it tonight!
Tonight!
They began it,
And we’re the ones to stop ’em once and for all!
The Jets are gonna have their way,
The Jets are gonna have their day.
We’re gonna rock it tonight.
Tonight!
Tonight, tonight,
Late tonight,
We’re gonna mix it tonight.
Anita’s gonna have her day,
Anita’s gonna have her day,
Bernardo’s gonna have his way
Tonight, tonight,
Tonight, this very night,
We’re gonna rock it tonight!
Tonight, tonight,
I’ll see my love tonight.
And for us, stars will stop where they are.
Today the minutes seem like hours.
The hours go so slowly,
And still the skiy is light.
Oh moon, grow bright,
And make this endless day endless night,
Ecureuil du printemps, écureuil de l’été, qui domines
la terre avec vivacité, que penses-tu là-haut de notre
humanité ?
— Les hommes sont des fous qui manquent de gaîté.
Ecureuil, queue touffue, doré trésor des bois, ornement
de la vie et fleur de la nature, juché sur ton pin vert, dis-
nous ce que tu vois ?
— La terre qui poudroie sous des pas qui murmurent.
Ecureuil voltigeant, fier du pic bavard, cousin du
rossignol, ami de la corneille, dis-nous ce que tu vois par
delà nos brouillards ?
— Des lances, des fusils menacer le soleil.
Ecureuil, cul à l’air, cursif et curieux, ébouriffant ton
col et gloussant un fin rire, dis-nous ce que tu vois sous
la rougeur des cieux ?
— Des soldats, des drapeaux qui traversent l’empire.
Ecureuil aux yeux vifs, pétillants, noirs et beaux, hu-
mant la sève d’or, la pomme entre tes pattes, que vois-tu
sur la plaine autour de nos hameaux ?
— Monter le lac de sang des hommes qui se battent.
Ecureuil de l’automne, écureuil de l’hiver, qui lances
vers l’azur, avec tant de gaîté, ces pommes… que vois-tu ?
— Demain tout comme Hier.
Recueil: Moi, ailleurs, l’écharde
Traduction: Traduit du polonais par Isabelle Macor-Filarska et Irena Gudaniec-Barbier – The New Century (Northwestern University Press, 2009) – Translated by Robin Davidson & Ewa Elzbieta Nowakowska.
Editions: Grèges
Un mal la ronge
qui est mal fatal
un mal la ronge
peu à peu
la prive
de tout plaisir
de tout désir
malgré quoi
elle lutte
résiste
jour après jour
pied à pied
malgré quoi
obstiné
le mal
lui aussi
poursuit son oeuvre
pas à pas
lui aussi
la détruit
la réduit
à peu de chose
à presque rien
Elle se bat pourtant
et luttera encore jusqu’au jour
où
« courage »
à son tour
ne sera plus
que lettre morte.
(François Deblué)
Recueil: Courage Dix variations sur le courage et un chant de résistance
Traduction:
Editions: Bruno Doucey