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Posts Tagged ‘se désespérer’

Un fakir part à la recherche de la pierre philosophale (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2019




    
Un fakir part à la recherche de la pierre philosophale,
celle qui convertit le plomb en or.
Il prend les chemins de tous les exils,
passant d’un lieu à l’autre afin de trouver cette pierre,
l’une de ces présences à peine aperçues dont la poésie tire sa fulguration.

Pour se simplifier la tâche, il s’est passé à la taille une ceinture de cuivre et,
selon qu’il va, chaque fois qu’il voit une pierre qui pourrait être celle qu’il cherche,
il s’en saisit et la frotte contre son ventre : hélas, rien ne se passe.
Les journées s’écoulent, et les années.

Il fait toujours le même geste d’une manière de plus en plus mécanique :
chaque fois qu’il trouve une pierre susceptible d’être celle qu’il quête,
il la prend, la frotte contre sa ceinture, puis la jette et continue sa route.
Car à quoi bon ?
Finalement, il désespère.

Puis un jour, par hasard, il regarde sa ceinture.
Elle brille, elle étincelle, elle flambe.
À quel moment le cuivre s’est-il métamorphosé ?
Et lui-même, où donc et quand a-t-il rencontré la pierre ?
Il ne le sait pas et sans doute ne le saura-t-il jamais.
C’est ainsi.

(Rabindranath Tagore)

 

Recueil: Tantôt dièse tantôt bémol
Traduction: Prithwindra Mukherjee
Editions: La Différence

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Des soleils naufragés (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2018



   

Illustration

Des soleils naufragés
S’égarent sur la terre
Une robe de mousse s’ouvre
Sur la plaie de l’écorce
Blessure de lumière charnelle
Qui fait les silences rugueux

Le vent pousse les nuages
Mais les cailloux se désespèrent
De troubler les reflets de l’eau
Les cloches de la soif tintent
Dans une église d’arbres
Les papillons de la pluie
Accourent vers ma fenêtre

(Jean-Baptiste Besnard)

Site de Jean-Baptiste

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Ces choses du coeur (Bernard Noël)

Posted by arbrealettres sur 6 octobre 2018



    

ces choses du coeur
une extrémité
toujours trop présente

un certain frisson
le vrai corps soudain
qui dit sa nature

et la chair dedans
animal criant
coincé sous l’esprit

l’ego s’en amuse
ou s’en désespère
il se croit lucide

mais qui sommes-nous
livrés à la bête
pour inventer l’ange

(Bernard Noël)

 

Recueil: Un livre de fables
Traduction:
Editions: Fata Morgana

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LES DEUX PERROQUETS LE ROI ET SON FILS (Jean de la Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2018



 

LES DEUX PERROQUETS LE ROI ET SON FILS

Deux Perroquets, l’un père et l’autre fils,
Du rôt d’un Roi faisaient leur ordinaire.
Deux demi-dieux, l’un fils et l’autre père,
De ces oiseaux. faisaient leurs favoris.
L’âge liait une amitié sincère
Entre ces gens : les deux pères s’aimaient ;
Les deux enfants, malgré leur coeur frivole,
L’un avec l’autre aussi s’accoutumaient,
Nourris ensemble, et compagnons d’école.
C’était beaucoup d’honneur au jeune Perroquet ;
Car l’enfant était Prince, et son père Monarque.
Par le tempérament que lui donna la parque,
Il aimait les oiseaux. Un Moineau fort coquet,
Et le plus amoureux de toute la Province,
Faisait aussi sa part des délices du Prince.
Ces deux rivaux un jour ensemble se jouants,
Comme il arrive aux jeunes gens,
Le jeu devint une querelle.
Le Passereau, peu circonspect,
S’attira de tels coups de bec,
Que, demi-mort et traînant l’aile,
On crut qu’il n’en pourrait guérir
Le Prince indigné fit mourir
Son Perroquet. Le bruit en vint au père.
L’infortuné vieillard crie et se désespère,
Le tout en vain ; ses cris sont superflus ;
L’oiseau parleur est déjà dans la barque ;
Pour dire mieux, l’Oiseau ne parlant plus
Fait qu’en fureur sur le fils du Monarque
Son père s’en va fondre, et lui crève les yeux.
Il se sauve aussitôt, et choisit pour asile
Le haut d’un Pin. Là dans le sein des Dieux
Il goûte sa vengeance en lieu sûr et tranquille.
Le Roi lui-même y court, et dit pour l’attirer :
« Ami, reviens chez moi : que nous sert de pleurer ?
Haine, vengeance, et deuil, laissons tout à la porte.
Je suis contraint de déclarer,
Encor que ma douleur soit forte,
Que le tort vient de nous : mon fils fut l’agresseur.
Mon fils ! non. C’est le sort qui du coup est l’auteur.
La Parque avait écrit de tout temps en son livre
Que l’un de nos enfants devait cesser de vivre,
L’autre de voir, par ce malheur.
Consolons-nous tous deux, et reviens dans ta cage. »
Le Perroquet dit : « Sire Roi,
Crois-tu qu’après un tel outrage
Je me doive fier à toi ?
Tu m’allègues le sort : prétends-tu par ta foi
Me leurrer de l’appât d’un profane langage ?
Mais que la providence ou bien que le destin
Règle les affaires du monde
Il est écrit là-haut qu’au faîte de ce pin
Ou dans quelque Forêt profonde,
J’achèverai mes jours loin du fatal objet
Qui doit t’être un juste sujet
De haine et de fureur. Je sais que la vengeance
Est un morceau de Roi, car vous vivez en Dieux.
Tu veux oublier cette offense :
Je le crois : cependant il me faut pour le mieux
Eviter ta main et tes yeux.
Sire Roi mon ami, va-t’en, tu perds ta peine ;
Ne me parle point de retour ;
L’absence est aussi bien un remède à la haine
Qu’un appareil contre l’amour. »

(Jean de la Fontaine)

Illustration: Marc Chagall

 

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Tu ne désespéreras pas (Dylan Thomas)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2018



Tu ne désespéreras pas
Si je t’ai blessée
Ou si j’ai rejeté ton amour;
Il y a un amour plus grand que le mien
Qui te réconfortera
Qui posera sur toi des mains plus douces.
Je ne suis plus pour toi Amitié et Beauté;
Ton corps ne me réjouit plus,
Ni la splendeur de ta noire chevelure,
Mais je ne t’humilie pas;
Tu seras prise à nouveau avec douceur
Et réconfortée de tendre larmes;
Tu seras aimée suffisamment.

***

You shall not despair

You shall not despair
Because I have forsaken you
Or cast your love aside;
There is a greater love than mine
Which can comfort you
And touch you with softer hands.
I am no longer
Friendly and beautiful to you;
Your body cannot gladden me,
Nor the splendor of your dark hair,
But I do not humiliate you;
You shall be taken sweetly again
And soothed with slow tears;
You shall be loved enough.

(Dylan Thomas)

 

 

 

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Levée de nous (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 8 mars 2018



Levée de nous tu quittes la chaleur
où nous étions couchés à nous tenir
d’une enjambée tu donnes à voir et tu reprends
offrant le clair de toi offrant le sombre
emportés par ton allure mais suspendus
avec l’odeur qui m’abandonne pour te suivre
nue à trois pas de l’instant qui tremble
tu poses en équilibre entre le monde et moi
souriante à caresser du geste le regret
dans l’air ténu penche-toi que je désespère
un peu plus de te voir là qui recommences
en essayant sur moi le pouvoir d’apparaître

(Ludovic Janvier)

Illustration Pierre Pelot

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Impressions (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 10 juillet 2017



Impressions

Des soleils naufragés
S’égarent sur la terre
Une robe de mousse s’ouvre
Sur la plaie de l’écorce
Blessure de lumière charnelle
Qui fait les silences rugueux.

Le vent pousse les nuages
Mais les cailloux se désespèrent
De troubler les reflets de l’eau
Les cloches de la soif tintent
Dans une église d’arbres
Les papillons de la pluie
Accourent vers ma fenêtre

(Jean-Baptiste Besnard)

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SOLEIL NOIR (Christiane Burucoa)

Posted by arbrealettres sur 10 avril 2017



SOLEIL NOIR

Le soleil noir de mes enfances
Celui du refuge à rebours
D’avant le jour
Miroite à travers ma naissance
Au profond des atomes sourds.

Depuis les bornages du monde
Et l’aube des commencements
Il est présent
Au coeur des formes vagabondes
Lorsqu’elles se vêtent de temps.

Plus infime que la poussière,
Plus léger qu’écume de mer,
Toujours offert
A l’avidité de la terre,
A la matrice de la chair.

Au désir des oiseaux vaincus
Par le vent de mer solitaire,
Sera-t-il le nuage nu
Dont se lamente et désespère
Leur vol perdu ?

Ou sera-t-il si creux d’espace
Que ni l’étoile, ni l’oiseau,
Ni l’encens de l’herbe, ni l’eau
N’en connaîtront jamais la trace
Mort sans tombeau…

(Christiane Burucoa)

Illustration: Béatrice Hunckler

 

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Inconséquence (Albert Lozeau)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2016



Inconséquence

Ah ! pourquoi donc les yeux, si ce n’est pour pleurer ;
Et le cœur, pour aimer jusques à la souffrance ;
Et la chair, pour saigner et pourrir ; et l’enfance,
Pour vieillir ; et l’espoir pour se désespérer !

Pourquoi surtout, pourquoi le mensonge du rêve,
Quand on gémit captif de la réalité,
Si ce n’est pour en être à toute heure hanté,
Pour en apprendre aussi l’inanité, sans trêve !
Tout ce qui semble bon, à l’essai nous trahit.
L’illusion nous rit : c’est par elle qu’on souffre !
Si nous nous élevons, en bas s’ouvre le gouffre
Que nous creuse la fuite à mesure qu’on fuit !

Et nous tombons toujours comme fait un homme ivre,
Toujours désespérés, mais fiers d’être debout !
Car nous nous relevons sans cesse, et jusqu’au bout
Nous maudissons la vie, heureux de toujours vivre !

(Albert Lozeau)


Illustration: Andrew Murray

 

 

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Murs (Constantin Cavafy)

Posted by arbrealettres sur 7 septembre 2015



 

Murs

Sans égards, sans pitié, sans scrupule,
ils ont élevé de hautes murailles autour de moi.
Et maintenant je ne fais rien ici que me désespérer.
D’un tel destin la pensée m’obsède et me ronge ;
car j’avais beaucoup à faire dehors.
Pendant qu’on bâtissait les murs, ah, que n’ai-je pris garde.
Mais jamais je n’ai entendu le bruit des maçons ni leur voix.
C’est à mon insu qu’ils m’ont enfermé hors du monde.

(Constantin Cavafy)

 

 

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