Je me souviens du temps où j´étais un poète
Je filais dans le vent sur ma motocyclette
Ma guitare sur le dos
Et la tête pleine de mots
Je m´arrêtais parfois pour cueillir une fleur
Pour cueillir une fille sur le bord d´un chemin
Ou bien lorsqu´il y avait une panne à mon moteur
Et puis je repartais un peu plus loin
Soleil ou mauvais temps c´était toujours la fête
Je dormais dans les champs parmi les pâquerettes
Me lavais dans le ruisseau
En écoutant les oiseaux
Je volais quelques fruits et c´était un festin
Le vin rouge était rare mais l´ivresse était là
Je ne mourais jamais ni de soif ni de faim
Et je ne faisais rien de mes dix doigts
Et puis de temps en temps je chantais à tue-tête
Quand ça plaisait aux gens je leur faisais la quête
Ça ne rapportait pas lourd
Mais c´était bien assez pour
Pour aller boire un verre avec tous les copains
Les amis de toujours de tous les continents
Tous les gitans tous les nomades musiciens
Et tous ceux qui vivaient de l´air du temps
Je me rappelle ce temps où j´étais un poète
J´étais adolescent ni ange ni trop bête
Ce temps-là est révolu
Je ne le reverrai plus
Et s´il m´arrive de croiser sur mon chemin
Un de ceux qui ressemblent à celui que je fus
Je lui fais un salut un signe de la main
C´est mon adolescence que je salue
Je lui fais un salut un signe de la main
Ou bien je fais semblant de ne l´avoir pas vu
Fonds sans repos où je suis
l’oublieuse, nourrie des jours
où je me lave d’elle, où sans passé
je redeviens spore d’azur, chair ajourée
ou lampée d’eau, soleil liquide allié au rivage
qu’on dirait en vitraux d’hirondelles
Derrière la lumière des vagues
l’alphabet du vivant semble un instant
écarter l’ombre sous les mots
et je me plais à voir s’y inventer
le jeu muet de lèvres de sourires
et de feux désirés que je ne peux atteindre
le désir n’en invente-t-il pas l’instant heureux
(Annie Salager)
Recueil: La Mémoire et l’Archet
Traduction:
Editions: La rumeur libre
La nuit je mens
Je prends des trains à travers la plaine
La nuit je mens
Je m’en lave les mains
J’ai dans mes bottes des montagnes de questions
Où subsiste encore ton écho.
Elle est sortie, elle est loin, mais je la vois
car tout est plein d’elle dans cette chambre,
tout lui appartient, et moi comme le reste.
Ce lit encore tiède, où je laisse errer ma bouche, est foulé à la mesure de son corps.
Dans ce coussin tendre a dormi sa petite tête enveloppée de cheveux.
Ce bassin est celui où elle s’est lavée; ce peigne a pénétré les noeuds de sa chevelure emmêlée.
Ces pantoufles prirent ses pieds nus. Ces poches de gaze continrent ses seins.
Mais ce que je n’ose toucher du doigt, c’est ce miroir où elle a vu ses meurtrissures toutes chaudes,
et où subsiste peut-être encore le reflet de ses lèvres mouillées.
(Pierre Louÿs)
Recueil: Les chansons de Bilitis
Traduction:
Editions: Gallimard
Elle se lave les pieds
au reste de rosée. Seule au
monde dans le matin, le matin
lui appartient ; entre bleu et vert,
entre silence et plénitude des champs
où chante en se taisant la terre.
II est huit heures ; le ciel est clair
la vie commence enfin.
(Claudine Helft)
Recueil: Une indécente éternité
Traduction:
Editions: De la Différence
Le matin, je m´éveille en chantant
Et le soir, je me couche en dansant {x2}
Entre temps, je fais la sieste
Voilà tout ce qui me reste
Ou je me fais du café
On ne se soigne jamais assez
La, la, la, la, la, la, la, la, la,…
Le matin, je me lave en chantant
Et le soir, je me baigne en dansant {x2}
Entre temps, je me promène
Une activité moyenne
Me conduit à m´ reposer
On ne se soigne jamais assez
La, la, la, la, la, la, la, la, la,…
Le matin, on s´embrasse en chantant
Et le soir, on s´enlace en dansant {x2}
Entre temps, on se caresse
Y´a vraiment rien qui nous presse
On va même se recoucher
On ne se soigne jamais assez
La, la, la, la, la, la, la, la, la,…
Le matin, je m´éveille en chantant
Et le soir, je me couche en dansant {x2}
Jamais je ne m´intéresse
A la bombe vengeresse
Qui un jour f ´ra tout sauter
On ne nous soigne jamais assez
Le matin, je m´éveille en chantant
1
L’autre soir j’ai rencontré
Un séduisant jeune homme
Et nous avons folâtré
Et dégusté la pomme
Dans le lit que j’étais bien!
Car le lit c’était le sien.
Refrain 1
Il avait su toucher mon coeur
Tout en fièvre
Et j’aimais déjà la saveur
De ses lèvres
Au bout d’un petit instant
Un instant
Qui dura longtemps
Mais qui me parut trop rapide
Il me quitta d’un air languide
Pour aller se laver les mains
Tout près, dans la sall’ de bains.
2
Peu après il est rentré
Tout rempli de courage
Et il a recommencé
Plein de coeur à l’ouvrage
Car douze fois dans la nuit
La même chose il refit.
Refrain 2
Il avait su toucher mon coeur
Tout en fièvre
Et je garde encor la saveur
De ses lèvres
Mais le lendemain matin
Du festin
Sur le traversin
Je vis qu’il y avait trois têtes
Et je compris toute la fête
C’était tour à tour deux jumeaux
Qui s’étaient donné le mot.
3
J’ai gardé ces deux chameaux
Ne sachant lequel prendre
Maint’nant j’aim’ les deux jumeaux
Qui sav’nt bien me le rendre
Et je cherche chaque nuit
Si c’est l’autre ou si c’est lui.
Refrain 3
Car ils ont su toucher mon coeur
Tout en fièvre
Il me faut toujours la saveur
De leurs lèvres
L’un à l’autre fait pendant
C’est charmant
Mais c’est fatigant
Je me demande très anxieuse
Quel serait mon sort d’amoureuse
Si leur mère mieux stimulée
Avait fait des quintuplés.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
1
Un Samedi du Moyen Âge
Une sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Tomba par terr’ du haut des nuages.
Ho! Ho! Ho! Madam’ la sorcière
Vous voilà tombée par terre
Ho! Ho! Ho! sur votre derrière
Les quatre fers
En l’air.
Refrain 1
Vous tombez des nues
Toute nue
Par où êtes-vous venue
Sur le trottoir de l’Avenue?
Vous tombez des nues,
Sorcière saugrenue.
Vous tombez des nues,
Vous tombez des nues,
Sur la partie la plus charnue
De votre individu.
Vous tombez des nues!
2
On voulait la livrer aux flammes
Cette sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Pour l’Ascension quel beau programme.
Ho! Ho! Ho! Voilà qu’ la sorcière
A fait un grand rond par terre
Ho! Ho! Ho! quel coup de tonnerre
Il tomba d’ l’eau
À flots!
Refrain 2
L’eau tombe des nues
Toute nue
Éteint les flammes ténues
Et rafraîchit la détenue.
L’eau tombe des nues
Averse bienvenue
L’eau tombe des nues
L’eau tombe des nues
Et la sorcièr’ se lave nue
Mais oui dans l’Avenue.
L’eau tombe des nues.
3
Qu’elle était belle la sorcière
Les Présidents du Châtelet
Les gendarmes et leurs valets
La regardaient dans la lumière.
Ho! Ho! Ho! un éclair qui brille
Et ses beaux yeux qui scintillent
Ho! Ho! Ho! notre coeur pétille
Nous sommes sourds
D’amour.
Refrain 3
Nous tombons des nues
Elle est nue
Oui mais notre âme est chenue
Nous avons de la… retenue
Nous tombons des nues
O Sorcière ingénue
Nous tombons des nues
Nous tombons des nues
Qu’on relaxe la prévenue
Elle nous exténue
Nous tombons des nues.
Coda
Je tombe des nues
Tu tombes des nues
Le monde entier tombe des nues
L’amour tombe des nues
Viv’ les Femmes nues.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
Elle, elle était blanchisseuse à Bell’ ville
Et lui boucher en haut d’ Menilmontant
Y’a pas d’ sots métiers pour les imbéciles
Comm’ disait Deibler en s’ lavant les dents
Elle l’aimait parc’ qu’il l’aimait
Et qu’il disait qu’à ses pieds il voudrait
Finir son existence
Tiens voilà mon rosbif, mon bifteck et tu sais
Malgré, m’amour, tes exigences :
Refrain
Non, t’auras pas la souris d’ mon gigot
Non, t’auras pas la cervelle à ton homme
Et malgré que je t’aime comme
Le rosbif, le bifteck et le gigot
Non, t’auras pas le gigot de ton homme
Non, t’auras pas la cervelle au gigot
Contente toi d’avoir ma pomme
Non, t’auras pas la souris d’ mon gigote.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier