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Poésie

Posts Tagged ‘se résigner’

La Paimpolaise (Théodore Botrel)

Posted by arbrealettres sur 6 février 2023




    
La Paimpolaise

Quittant ses genêts et sa lande
Quand le Breton se fait marin
En allant aux pêches d’Islande
Voici quel est le doux refrain
Que le pauvre gars
Fredonne tout bas
J’aime Paimpol et sa falaise
Son église et son Grand Pardon
J’aime surtout la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !

Le brave Islandais, sans murmure
Jette la ligne et le harpon
Puis, dans un relent de saumure
Il se glisse dans l’entrepont
Et le pauvre gars
Fredonne tout bas
Je serais bien mieux à mon aise
Devant mon joli feu d’ajonc
À côté de la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !

Mais souvent l’océan qu’il dompte
Se réveillant lâche et cruel
Et lorsque que le soir on se compte
Bien des noms manquent à l’appel
Et le pauvre gars
Soupire tout bas
Pour trotter la flotte irlandaise
Puisqu’il faut plus d’un moussaillon
J’épouserons ma petite Paimpolaise
En rentrant au pays breton !

Puis, quand la vague le désigne
L’appelant de sa grosse voix
Le brave Islandais se résigne
En faisant un signe de croix
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas
Serrant la médaille qu’il baise
Glisse dans l’océan sans fond
En songeant à sa Paimpolaise
Qui l’attend au pays breton!

(Théodore Botrel)

 

Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette

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EN VAIN J’ÉMIGRE (Abdellatif Laâbi)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2021




    
EN VAIN J’ÉMIGRE

J’émigre en vain
Dans chaque ville je bois le même café
et me résigne au visage fermé du serveur
Les rires de mes voisins de table
taraudent la musique du soir
Une femme passe pour la dernière fois
En vain j’émigre
et m’assure de mon éloignement
Dans chaque ciel je retrouve un croissant de lune
et le silence têtu des étoiles
Je parle en dormant
un mélange de langues
et de cris d’animaux
La chambre où je me réveille
est celle où je suis né
J’émigre en vain
Le secret des oiseaux m’échappe
comme celui de cet aimant
qui affole à chaque étape
ma valise

(Abdellatif Laâbi)

 

Recueil: L’arbre à poèmes Anthologie personnelle 1992-2021
Traduction:
Editions: Gallimard

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LES MALICES DU VENT (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2020




    
LES MALICES DU VENT

Le vent n’arrête pas de me faire des malices
Il pose sur la page un tout petit insecte
dessiné si fin avec des yeux si microscopiques
des couleurs si pâles dans les verts étouffés
et des gris si transparents que je perds dix minutes
à le regarder Il reste d’abord immobile comme médusé
puis se met en route pour traverser la feuille
et je ne sais plus du tout comment commençait le poème
que je m’étais décidé à me mettre à écrire
Je vais chercher le manuel d’entomologie
pour essayer de percer à jour l’identité de mon insecte
qui est probablement un hétéroptère le berytines minor
Je n’en suis pas sûr cependant Il faudrait vérifier
mais le vent embrouille les pages et je n’arrive pas
à trouver son portrait dans les planches en couleurs
J’essaie de me souvenir de l’amorce du poème
Il y avait au début l’odeur du seringa
et le goût que doit avoir une certaine couleur
laiteuse et vive couleur du jour juste avant le soleil couchant
(un goût d’amande amère et de sorbet au citron)
Mais le vent fait tomber de l’arbre au-dessus de ma tête
les premières feuilles mortes de l’année
des feuilles de cerisier roussies par la canicule
Les feuilles bousculent le poème qui reprenait forme
et voilà mon poème éparpillé et défeuillé qui s’en va
Il faut se résigner et changer de sujet
Je vais écrire un poème qui commencera ainsi
Le vent n’arrête pas de me faire des niches

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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LA MALÉDICTION (Jean Sénac)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2019



Illustration: Freydoon Rassouli  
    
LA MALÉDICTION

Je vous aime je vous aime
je n’en finis plus de croiser vos sosies
je fais un nid avec mes peines
un herbier avec mes soucis

Dans l’attente l’amour est modèle réduit
petit moteur qui fait du bruit
mais inapte au voyage
je n’en finis plus d’aimer vos sosies

Votre nom rue dans mes vertèbres
je me retourne je dis oui
je me résigne aux joies funèbres
je n’en finis plus d’inventer vos sosies

De l’un à l’autre je suis fidèle
amour je relève le défi
Dieu nous a mis du plomb dans l’aile
sous la nuit morte l’eau sourit.

(Jean Sénac)

 

Recueil: Oeuvres poétiques
Traduction:
Editions: Actes Sud

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LA MALÉDICTION (Jean Sénac)

Posted by arbrealettres sur 30 mars 2019



Illustration: Helene Fuhs
    
LA MALÉDICTION

Je vous aime je vous aime
je n’en finis plus de croiser vos sosies
je fais un nid avec mes peines
un herbier avec mes soucis

Dans l’attente l’amour est modèle réduit
petit moteur qui fait du bruit
mais inapte au voyage
je n’en finis plus d’aimer vos sosies

Votre nom rue dans mes vertèbres
je me retourne je dis oui
je me résigne aux joies funèbres
je n’en finis plus d’inventer vos sosies

De l’un à l’autre je suis fidèle
amour je relève le défi
Dieu nous a mis du plomb dans l’aile
sous la nuit morte l’eau sourit.

(Jean Sénac)

 

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Farineuse insomnie (Claude Pujade-Renaud)

Posted by arbrealettres sur 15 décembre 2018



Illustration: Francine Van Hove
    
Farineuse insomnie
néant friable

Sommeil titubant
on chemine on écrit
de travers

Tournant
sur l’ aire
meulant
un grain maigre

On se perd
des mots chutent
se dispersent
poussière
charpie des nerfs
des chairs

Désir flou
de se résigner
à l’identité saumâtre
du jour et de la nuit

(Claude Pujade-Renaud)

 

Recueil: Instants incertitudes
Traduction:
Editions: Le Cherche Midi

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Comme horizon la neige (Pierre Dhainaut)

Posted by arbrealettres sur 7 octobre 2018




    
Comme horizon la neige, n’avons-nous appris
qu’à nous résigner ? Ce mot qui veut conclure
nous appartient, mais le silence nous déborde
autant qu’il nous rassemble, l’amitié, la prière,
a-t-elle une autre fin, que nos dieux y renaissent ?

Nous ne respirons que pour eux,
sans les nommer, sans borner le chemin,
sans asservir l’élan farouche, et comme viatique
douleur, louanges égales, indivisibles.

(Pierre Dhainaut)

 

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LE LAC (Gyula Illyès)

Posted by arbrealettres sur 19 juillet 2018



 

Clara Lieu jkurl [1280x768]

LE LAC

I
Depuis hier, le lac hurle et gémit :
Jusqu’au printemps, il criera sans répit,
car il proteste et ne peut accepter
dans son chagrin, que soit fini l’été.

II
Il se tourne et pleure ainsi qu’un nourrisson,
qu’un amant déçu qu’Amour blesse et morfond.
Ne te résigne pas au mal sans combat
crient sa bouche et son coeur sauvage qui bat.

III
Etendu près de lui, je l’entends qui réclame ;
il se plaint et gémit comme fait une femme,
et je pourrais, les yeux ouverts jusqu’à l’aurore,
réfléchir à ma vie et l’écouter encore.

(Gyula Illyès)

Illustration: Clara Lieu

 

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Il en fut comme d’un crépuscule (Juan Ramón Jiménez)

Posted by arbrealettres sur 27 juin 2018



 

Christophe Hohler

Il en fut comme
d’un crépuscule immense d’or allègre,
qui se serait, soudain, éteint tout entier
en un nuage de cendre.

— Il m’en resta cette tristesse
des désirs brûlants, quand ils doivent
s’enfermer dans la geôle
de la vérité quotidienne ; ce chagrin
des jardins aux couleurs idéales
qu’efface une lumière sale de pétrole —.

Et je ne m’y résignais pas.
Je le pleurai ; je l’obligeai. Je vis la ridicule
injustice de cette candide fraternité
de l’homme et de la vie,
de la mort et de l’homme.

Et me voici, vivant ridicule, attendant,
mort ridicule, la mort!

***

Fue lo mismo
que un crepúsculo inmenso de oro alegre,
que, de repente, se apagara todo,
en un nublado de ceniza.

—Me dejó esa tristeza
de los afanes grandes, cuando tienen
que encerrarse en la jaula
de la verdad diara; ese pesar
de los jardines de colores ideales,
que borra una luz sucia de petróleo—.

Yo no me resignaba.
Le lloré; le obligué. Vi la ridícula
sinrazón de esta cándida hermandad
de hombre y vida,
de muerte y hombre.

¡Yaqui estoy, vivo ridículo, esperando,
muerto ridículo, a la muerte!

(Juan Ramón Jiménez)

Illustration: Christophe Hohler

 

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Maria – Albert Correspondance 1944-1959 (Albert Camus)(Maria Casarès)

Posted by arbrealettres sur 20 juin 2018




    
Si tu m’accueilles tout au fond de toi comme tu vas le faire,
je pourrai enfin être absolument transparente.

*

Je préfère n’importe quelle douleur
à la contrainte de ton coeur.

*

Je vais te dire ce qu’il faut faire:
1ère traite: m’aimer
2ème traite : me prendre dans tes bras
3ème traite: me serrer très fort.
Pour les autres, je te dirai au fur et à mesure à ton retour,
ce qu’il faut faire.

*

Ah! comment peut-on mourir tout à fait après avoir tant aimé.

*

Le bonheur que tu me donnes en existant par le seul fait que tu existes (près ou loin) est grand,
mais je dois l’avouer, un peu vague, un peu abstrait, et l’abstraction n’a jamais comblé une femme, ou du moins moi.
Que veux-tu ? J’ai besoin de ton corps long, de tes bras souples, de ton beau visage,
de ton regard clair qui me bouleverse, de ta voix, de ton sourire, de ton nez, de tes mains,
de tout.

*

Lorsque je pense à toi brun, j’oscille.
Il fait mauvais ici ; je suis encore café au lait, plutôt lait que café,
et je me coiffe avec chignons ou avec une natte derrière, comme les chinois.
Je m’habille le moins possible.
Et surtout je n’existe pas,
j’attends d’exister,
je ne suis que promesse.

*

Ah ! mon amour ! je voudrais être vierge de corps et d’âme pour toi !
Je voudrais connaître une langue jamais usée auparavant, pour te parler !
Je voudrais pouvoir t’exprimer par des mots le sens nouveau que tu m’as fait découvrir en eux !
Je voudrais surtout pouvoir mettre toute mon âme dans mes yeux et te regarder indéfiniment, jusqu’à ma mort !

*

La mer est devant toi.
Regarde comme elle est lourde, dense, riche, forte ;
regarde comme elle vit, effrayante de puissance et d’énergie,
et pense que, par toi, je suis un peu devenue comme elle.
Pense que quand je me sens sûre de ton amour,
je n’envie point la mer d’être si belle je l’aime en soeur.

*

S’il m’est arrivé de me sentir diminuée, misérable, stérile,
c’est uniquement parce que je me suis mise à douter ;
mais toi, m’aimant, toi, près de moi, ma vie est remplie, justifiée.
C’est moi, mon chéri, moi seule, qui doit, pendant ces deux longs mois,
revivifier mes forces pour qu’il ne m’arrive plus jamais de douter.
Toi, tu dois seulement m’aimer, m’aimer beaucoup ;
c’est tout ce qu’il me faut pour me sentir aussi grande,
aussi vaste, aussi peuplée que cet océan, que l’univers ;
c’est tout ce qu’il faut aussi pour que mon visage ait cet air de bonheur que tu aimes.
Notre triomphe, notre victoire est là et pas ailleurs.

*

Tu es confondu à mon coeur, à mon âme, à mon corps.
Dès que je me réveille, tu es là ;
dès que je ris, je pleure, tu es là,
dès que je regarde tu es là.
Oh mon amour.

*

L’ombre même m’est douce
si je te sais en plein soleil.

*

Plus rien ne peut changer de moi à toi,
et je serai toujours là toujours, jusqu’à la fin.
Tu es le seul être au monde qui m’ait appris la vraie douleur et la véritable joie ;
tu es le seul qui ait mis en moi l’angoisse de la mort
et la révolte contre la dernière séparation.
Je n’ai jamais aimé personne comme je t’aime, personne au monde,
et je n’aurais jamais connu le besoin de l’existence
et de la présence de quelqu’un si je ne t’avais pas rencontré.
Tout en toi est joie, plaisir, richesse et amour pour moi,
et je sens mon coeur fondre quand je pense à celui qui tremble un peu,
qui hésite, prie et frissonne au fond de toi, celui que je devine souvent
et qui de temps en temps se laisse aller devant moi.

*

Tu sais, et maintenant tu sais que je sais que tu sais
ce qu’il en est au fond, au fond de moi.
Mais gare ! Ceci n’empêche pas le printemps de fleurir ce qu’il touche,
et mon coeur, mon corps, mon âme de crier après toi,
de souffrir après toi, de courir, de hurler, de rire et de souffrir après toi.

Et il y a quelque chose qui ne peut décidément pas se résigner à ton absence,
c’est mon pauvre petit corps qui s’étire en vain vers toi, qui se tord, qui geint
et qui pleure après toi, mon petit corps triste qui se rabougrit de jour en jour
et qui demande sans cesse à s’épanouir, à se réchauffer, à battre, à frémir.

O mon beau, mon cher amour !
Ô brûlure ! Ô ma douce douleur !
O ma vie !

Me voici remplie de frissons,
d’ondulations mystérieuses,
de sons délicats et secrets.

Tu voulais que ma lettre t’apportât un peu de chaleur !
Elle a éveillé de nouveau, chez moi, toute cette zone obscure et intime
que j’aime tant à sentir naître juste dans mon centre, dans mon milieu,
cette zone vibrante qui m’émeut autant
que la présence d’un enfant dans mon ventre,
ou davantage même, la connaissant mieux.

Elle a touché ce point infime qui est en moi,
mais que toi seul connais et aimes
et j’en tremble tout entière.

*

Heureuse, Oh ! Oui !
Heureuse. Heureuse et débordante de désir et de tendresse.
Je t’attends. Je suis chaque jour dans l’attente de toi.
Je cours je cours sans cesse vers toi.
La côte tire à sa fin, mon chéri.
Bientôt la vue de la mer, et ensuite la plage et les vagues.

Maria

(Albert Camus)(Maria Casarès)

 

Recueil: Correspondance 1944-1959
Traduction:
Editions: Gallimard

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