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Poésie

Posts Tagged ‘s’éclairer’

Je sens mon visage s’éclairer (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2022



Friedrich von Amerling-« L'Orientale »]

Je sens mon visage s’éclairer
comme si le livre sur lequel je me penche
était une bougie.

(Christian Bobin)

Illustration: Friedrich von Amerling

 

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Mythes 8 (Jean-Claude Renard)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2022



Mythes 8

Sous l’intime tremblement des braises
qui éclairent encore les cavernes
la source, chaque fois,
est plus proche.

Commune nous soit
la soif profonde!

Ce qui vient ne fructifiera
que si l’êre reprend racine
dans la paix vivante
du mystère

Là, simplement,
l’absence rend visible l’absent.

(Jean-Claude Renard)

 

 

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VERS LE POÈME (Jorge Guillén)

Posted by arbrealettres sur 18 mai 2021



Illustration: Mathieu Levis
    
VERS LE POÈME

… Mon coeur ne peut arrêter de rimer.
(JUAN RUIZ)

Je sens un rythme en moi qui se détache
De ce vacarme où je vais sans chemin
Et m’accordant au charme neuf, soudain
J’accède à la clarté d’une terrasse,
Où quelque main me guide et vient tracer
Limpide un ordre où je puis me déprendre
Du démon murmurant plus malicieux
Que le silence pur sous la menace.
Et se rejoignent maintenant à la surface
Du mauvais songe les paroles résolues
À s’éclairer lucides en un volume.
Le son m’invente une effigie de chair.
La forme redevient ma sauvegarde.
Vers un soleil mes peines se consument.

Cantique, 1950. Trad. : Éditions Gallimard, 1995.

***

HACIA EL POEMA JORGE GUILLÉN

… Mi corazôn de trovar non se quita.
JUAN RUIZ.

Siento que un rimo se me desenlaza
De este barullo en que sin meta vago,
Y entregándome todo al nuevo halago
Doy con la claridad de una terraza,

Donde es mi guía quien ahora traza
Limpido el orden en que me deshago
Del murmullo y su duende, más aciago
Que et gran silencio bajo la amenaza.

Se me juntan a flor de tanto obseso
Mal soñar las palabras decididas
A iluminarse en vivido volumen

El son me da un perfil de carne y hueso.
La forma se me vuelve salvavidas.
Hacia una luz mis penas se consumen.

(Jorge Guillén)

 

Recueil: Petite anthologie Poésie européenne
Traduction:
Editions: Singulières

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Il fait froid (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2021



Illustration: Fabienne Contat
    

Il fait froid

L’hiver blanchit le dur chemin
Tes jours aux méchants sont en proie.
La bise mord ta douce main ;
La haine souffle sur ta joie.

La neige emplit le noir sillon.
La lumière est diminuée…
Ferme ta porte à l’aquilon !
Ferme ta vitre à la nuée !

Et puis laisse ton coeur ouvert !
Le coeur, c’est la sainte fenêtre.
Le soleil de brume est couvert ;
Mais Dieu va rayonner peut-être !

Doute du bonheur, fruit mortel ;
Doute de l’homme plein d’envie ;
Doute du prêtre et de l’autel ;
Mais crois à l’amour, ô ma vie !

Crois à l’amour, toujours entier,
Toujours brillant sous tous les voiles !
A l’amour, tison du foyer !
A l’amour, rayon des étoiles !

Aime, et ne désespère pas.
Dans ton âme, où parfois je passe,
Où mes vers chuchotent tout bas,
Laisse chaque chose à sa place.

La fidélité sans ennui,
La paix des vertus élevées,
Et l’indulgence pour autrui,
Eponge des fautes lavées.

Dans ta pensée où tout est beau,
Que rien ne tombe ou ne recule.
Fais de ton amour ton flambeau.
On s’éclaire de ce qui brûle.

A ces démons d’inimitié
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse leur en pitié
Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine.

La haine, c’est l’hiver du coeur.
Plains-les ! mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur ;
Bel arc-en-ciel, sors de l’orage !

Garde ton amour éternel.
L’hiver, l’astre éteint-il sa flamme ?
Dieu ne retire rien du ciel ;
Ne retire rien de ton âme !

(Victor Hugo)

 

Recueil: Cent poèmes de Vivtor Hugo
Traduction:
Editions: Omnibus

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Souffle (Birago Diop)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2020



Illustration: Danielle Decollonge
    

Souffle

Écoute plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l’Eau qui coule,
Ils sont dans l’Eau qui dort,
Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :
Les Morts ne sont pas morts.

Écoute plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des Ancêtres morts,
Qui ne sont pas partis
Qui ne sont pas sous la Terre
Qui ne sont pas morts.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans le Sein de la Femme,
Ils sont dans l’Enfant qui vagit
Et dans le Tison qui s’enflamme.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans le Feu qui s’éteint,
Ils sont dans les Herbes qui pleurent,
Ils sont dans le Rocher qui geint,
Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure,
Les Morts ne sont pas morts.

Écoute plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots,
C’est le Souffle des Ancêtres.
Il redit chaque jour le Pacte,
Le grand Pacte qui lie,
Qui lie à la Loi notre Sort,
Aux Actes des Souffles plus forts
Le Sort de nos Morts qui ne sont pas morts,
Le lourd Pacte qui nous lie à la Vie.
La lourde Loi qui nous lie aux Actes
Des Souffles qui se meurent
Dans le lit et sur les rives du Fleuve,
Des Souffles qui se meuvent
Dans le Rocher qui geint et dans l’Herbe qui pleure.

Des Souffles qui demeurent
Dans l’Ombre qui s’éclaire et s’épaissit,
Dans l’Arbre qui frémit, dans le Bois qui gémit
Et dans l’Eau qui coule et dans l’Eau qui dort,
Des Souffles plus forts qui ont pris
Le Souffle des Morts qui ne sont pas morts,
Des Morts qui ne sont pas partis,
Des Morts qui ne sont plus sous la Terre.

Écoute plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots,
C’est le Souffle des Ancêtres.

(Birago Diop)

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RYTHMES (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2020




    
RYTHMES

Tout débuta
Dans l’arythmie
Le chaos

Des vents erratiques
S’emparaient de l’univers
L’intempérie régna

L’indéchiffrable détonation
Fut notre prologue

Tout fut
Débâcle et dispersion
Turbulences et gaspillage
Avant que le rythme
Ne prenne possession
De l’espace

Suivirent de vastes accords
D’indéfectibles liaisons
Des notes s’arrimèrent
Au tissu du rien
Des courroies invisibles
Liaient astres et planètes

Du fond des eaux
Surgissaient
Les remous de la vie

Dans la pavane
Des univers
Se prenant pour le noyau
La Vie
Se rythma
Se nuança

De leitmotiv
En parade
De reprise
En plain-chant

La Vie devint ritournelle
Fugue Impromptu
Refrain
Se fit dissonance
Mélodie Brisure
Se fit battement
Cadence Mesure

Et se mira
Dans le destin

Impie et sacrilège
L’oiseau s’affranchissait
Des liens de la terre

Libre d’allégeance
Il s’éleva
Au-dessus des créatures
Assujetties aux sols
Et à leurs tyrannies

S’unissant
Aux jeux fondateurs
Des nuages et du vent
L’oiseau s’allia à l’espace
S’accoupla à l’étendue
S’emboîta dans la distance
Se relia à l’immensité
Se noua à l’infini

Tandis que lié au temps
Et aux choses
Enfanté sur un sol
Aux racines multiples
L’homme naquit tributaire
D’un passé indélébile

Le lieu prit possession
De sa chair
De son souffle
Les stigmates de l’histoire
Tatouèrent sa mémoire
Et sa peau

Venu on ne sait d’où
Traversant les millénaires
L’homme se trouva captif
Des vestiges d’un monde
Aux masques étranges
Et menaçants

Il s’en arrachait parfois
Grâce aux sons et aux mots
Aux gestes et à l’image
À leurs pistes éloquentes
À leur sens continu

Pour mieux tenir debout
L’homme inventa la fable
Se vêtit de légendes
Peupla le ciel d’idoles
Multiplia ses panthéons
Cumula ses utopies

Se voulant éternel
Il fixa son oreille
Sur la coquille du monde
À l’écoute
D’une voix souterraine
Qui l’escorte le guide
Et l’agrandit

Alors
De nuits en nuits
Et d’aubes en aubes
Tantôt le jour s’éclaire
Tantôt le jour moisit

Faiseur d’images
Le souffle veille

De pesanteur
Le corps fléchit

Toute vie
Amorça
Le mystère
Tout mystère
Se voila
De ténèbres
Toute ténèbre
Se chargea
D’espérance
Toute espérance
Fut soumise
À la Vie

L’esprit cheminait
Sans se tarir
Le corps s’incarnait
Pour mûrir
L’esprit se libérait
Sans périr
Le corps se décharnait
Pour mourir

Parfois l’existence ravivait
L’aiguillon du désir
Ou bien l’enfouissait
Au creux des eaux stagnantes

Parfois elle rameutait
L’essor
D’autres fois elle piétinait
L’élan

Souvent l’existence patrouillait
Sur les chemins du vide
Ou bien se rachetait
Par l’embrasement du coeur

Face au rude
Mais salutaire
Affrontement
De la mort unanime
L’homme sacra
Son séjour éphémère
Pour y planter
Le blé d’avenir.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: Rythmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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CROISSANT DE LUNE (Kim So-Wôl)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2020



Chun Woo
    

CROISSANT DE LUNE

Depuis quand es-tu suspendu là, croissant de lune,
flottant pâle dans la nuit ?
Le vent se lève, la nuit qui tombe apporte fraîcheur
et dans les feux du couchant scintille la berge blanche.

Sur la sombre plaine aride
monte la brume glacée.
Hélas, l’hiver est froid
et la tristesse m’accable.

Dans le cœur de celle que j’aime et qui s’en va
l’amour aussi disparaît et jeunesse devient sénilité.
Aux branches sombres du roncier sauvage
s’éclairent à la tombée du soir les feuilles de fleurs fanées.

***

A HALF MOON

Since when are you hanging there, half moon,
drifting palely in the sky?
The wind rises, the nightfall brings a chill,
and the edge of the white-water glitters in the glow of the evening.

Above the dark, grassless plain,
the cold fog rises.
The winter is far advanced,
and sorrow weighs me down.

Also in the heart of the beloved who leaves,
love and youth turned to age disappears.
At the dark branches of the wild bramble,
withered petals glimmer in the faint evening light.

***

HALVE MAAN

Sinds wanneer hang je daar, halve maan,
bleek drijvend door de nacht?
De wind steekt op, de nachtval brengt kilte
en in het avondrood glinstert de witte waterrand

Boven de donkere, grasloze vlakte
stijgt de kille nevel op.
Ach, de winter is koud
en droefheid drukt mij neer.

Ook in het hart van de beminde die weggaat
verdwijnt de liefde en jeugd verandert in ouderdom.
Op de donkere takken van de wilde doornstruik lichten
bij avondval de bladeren van verwelkte bloemen op.

***

EIN HALBER MOND

Seit wann hängst du dort, Halbmond,
blass treibend durch die Nacht?
Der Wind nimmt zu, die Nacht ist frostig
und im Abendrot glitzert der weiße Wasserrand.

Über der dunklen, graslosen Ebene
steigt der kalte Nebel auf.
Ach, der Winter ist kalt
und die Traurigkeit drückt mich nieder.

Auch im Herzen der Geliebten, die geht,
verschwindet die Liebe, und die Jugend wird zum Alter.
Auf den dunklen Zweigen des wilden Dornbusches leuchten
in der Abenddämmerung die Blätter der verwelkten Blüten.

***

ΜΙΣΟΦΕΓΓΑΡΟ

Πόσο καιρό κρέμεσαι εκεί στον ουρανό
μισοφέγγαρο νωχελικά αργοπερνώντας;
Σηκώνεται ο αγέρας κι η ψύχρα της νύχτας σε παγώνει
άκρες νερού που λάμπουν μεσα στην εσπέρα

πάνω απ’ τον ολόξερο κάμπο
η ομίχλη αιωρείται
μες την καρδιά του χειμώνα
η λύπη με παιδεύει

και στην καρδιά που φεύγει της αγαπημένης
νειότης αγάπη που περνά και χάνεται
στα σκοτεινά κλαδιά αγριολυγιάς
και λάμπουν φύλλα πέταλα μέσα στο φως εσπέρας

***

***

LUNĂ PE JUMĂTATE

De când tot stai pe cer, lună pe jumătate,
palidă arătare, plutind peste genuni?
Se întețește vântul, noaptea în ger se-mbracă
și-n tivuri albe apa clipește în amurg.

Peste întunecata câmpie pustiită
se-nalță ceața rece.
Of, iarnă înghețată,
tristețea ta m-apasă.

În inima iubitei ce pleacă e la fel,
pălesc iubiri, junețea prinde-a se ofili
din crengile ciulinului sălbatic
cad la apus petale ruginii.

***

MEZZALUNA

Da quanto sei sospesa lassù, mezzaluna,
attraversando pallida il cielo?
Si alza il vento, la notta che arriva porta freddo,
e la linea dell’acqua chiara brilla nel chiaro della sera.

Sopra l’oscurità, una pianura senza verde,
si alza una nebbia gelida.
L’inverno è ormai inoltrato,
e il dolore grava sopra di me.

Anche nel cuore di chi parte e che tu ami
scompaiono l’amore e l’età che invecchia.
Sui rami scuri di un rovo selvatico,
i petali appassiti luccicano nella luce della sera che svanisce.

***

UNA MEDIA LUNA

¿Desde cuándo estás colgada ahí, media luna,
pálida flotando a la deriva en el cielo?
El viento se levanta, con el atardecer llega el frío
y el resplandor de la noche brilla en el borde del agua.

Sobre la oscura llanura sin hierba
se eleva la fría neblina.
Ay, el invierno avanza
y me pesa la tristeza.

También en el corazón del amante que se va
desaparece el amor y la juventud troca en vejez.
Sobre las ramas oscuras del arbusto silvestre
brillan las hojas de las flores marchitas al anochecer.

***

PÓŁKSIĘŻYC

Odkąd jesteś tam zawieszony, półksiężycu,
dryfujący blado po niebie?
Wzmaga się wiatr, zmrok niesie chłód,
a skraj białej wody błyszczy w poświacie wieczoru.

Ponad ciemną doliną bez traw
unosi się zimna mgła.
Zima w pełni,
a smutek przytłacza mnie.

Także w sercu ukochanej osoby, która odchodzi,
miłość i młodość znikają wraz ze starością.
Na ciemnych gałązkach dzikich jeżyn
zwiędłe płatki jaśnieją słabym świetłem wieczoru.

***

半 月
你从何时挂在那儿,半月,
在天空中苍白地飘荡?
风起,黄昏带来寒意
白水边在夜光中闪闪发光。
在黑暗无草的平原上,
冷雾升起。
冬天已经很深,
悲伤快要压垮了我。
还在离去爱人的心中,
爱情和青春变老而消失。
在野荆棘黑暗的枝头
枯花瓣闪亮在微弱夜光中。

***

***

***

(Kim So-Wôl)

 

Recueil: ITHACA 621
Traduction: Français Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache / Anglais Stanley Barkan / Néerlandais Germain Droogenbroodt / Allemand Wolfgang Klinck / Grec Manolis Aligizakis / Hébreu Dorit Wiseman / Roumain Gabriela Căluțiu Sonnenberg / Italien Luca Benassi / Espagnol Rafael Carcelén / Polonais Mirosław Grudzień – Małgorzata Żurecka / Chinois William Zhou / Indi Jyotirmaya Thakur /Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

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A celle qui est voilée (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 29 juin 2020



    

A celle qui est voilée

Tu me parles du fond d’un rêve
Comme une âme parle aux vivants.
Comme l’écume de la grève,
Ta robe flotte dans les vents.

Je suis l’algue des flots sans nombre,
Le captif du destin vainqueur ;
Je suis celui que toute l’ombre
Couvre sans éteindre son coeur.

Mon esprit ressemble à cette île,
Et mon sort à cet océan ;
Et je suis l’habitant tranquille
De la foudre et de l’ouragan.

Je suis le proscrit qui se voile,
Qui songe, et chante, loin du bruit,
Avec la chouette et l’étoile,
La sombre chanson de la nuit.

Toi, n’es-tu pas, comme moi-même,
Flambeau dans ce monde âpre et vil,
Ame, c’est-à-dire problème,
Et femme, c’est-à-dire exil ?

Sors du nuage, ombre charmante.
O fantôme, laisse-toi voir !
Sois un phare dans ma tourmente,
Sois un regard dans mon ciel noir !

Cherche-moi parmi les mouettes !
Dresse un rayon sur mon récif,
Et, dans mes profondeurs muettes,
La blancheur de l’ange pensif !

Sois l’aile qui passe et se mêle
Aux grandes vagues en courroux.
Oh, viens ! tu dois être bien belle,
Car ton chant lointain est bien doux ;

Car la nuit engendre l’aurore ;
C’est peut-être une loi des cieux
Que mon noir destin fasse éclore
Ton sourire mystérieux !

Dans ce ténébreux monde où j’erre,
Nous devons nous apercevoir,
Toi, toute faite de lumière,
Moi, tout composé de devoir !

Tu me dis de loin que tu m’aimes,
Et que, la nuit, à l’horizon,
Tu viens voir sur les grèves blêmes
Le spectre blanc de ma maison.

Là, méditant sous le grand dôme,
Près du flot sans trêve agité,
Surprise de trouver l’atome
Ressemblant à l’immensité,

Tu compares, sans me connaître,
L’onde à l’homme, l’ombre au banni,
Ma lampe étoilant ma fenêtre
A l’astre étoilant l’infini !

Parfois, comme au fond d’une tombe,
Je te sens sur mon front fatal,
Bouche de l’Inconnu d’où tombe
Le pur baiser de l’Idéal.

A ton souffle, vers Dieu poussées,
Je sens en moi, douce frayeur,
Frissonner toutes mes pensées,
Feuilles de l’arbre intérieur.

Mais tu ne veux pas qu’on te voie ;
Tu viens et tu fuis tour à tour ;
Tu ne veux pas te nommer joie,
Ayant dit : Je m’appelle amour.

Oh ! fais un pas de plus ! Viens, entre,
Si nul devoir ne le défend ;
Viens voir mon âme dans son antre,
L’esprit lion, le coeur enfant ;

Viens voir le désert où j’habite
Seul sous mon plafond effrayant ;
Sois l’ange chez le cénobite,
Sois la clarté chez le voyant.

Change en perles dans mes décombres
Toutes mes gouttes de sueur !
Viens poser sur mes oeuvres sombres
Ton doigt d’où sort une lueur !

Du bord des sinistres ravines
Du rêve et de la vision,
J’entrevois les choses divines… –
Complète l’apparition !

Viens voir le songeur qui s’enflamme
A mesure qu’il se détruit,
Et, de jour en jour, dans son âme
A plus de mort et moins de nuit !

Viens ! viens dans ma brume hagarde,
Où naît la foi, d’où l’esprit sort,
Où confusément je regarde
Les formes obscures du sort.

Tout s’éclaire aux lueurs funèbres ;
Dieu, pour le penseur attristé,
Ouvre toujours dans les ténèbres
De brusques gouffres de clarté.

Avant d’être sur cette terre,
Je sens que jadis j’ai plané ;
J’étais l’archange solitaire,
Et mon malheur, c’est d’être né.

Sur mon âme, qui fut colombe,
Viens, toi qui des cieux as le sceau.
Quelquefois une plume tombe
Sur le cadavre d’un oiseau.

Oui, mon malheur irréparable,
C’est de pendre aux deux éléments,
C’est d’avoir en moi, misérable,
De la fange et des firmaments !

Hélas ! hélas ! c’est d’être un homme ;
C’est de songer que j’étais beau,
D’ignorer comment je me nomme,
D’être un ciel et d’être un tombeau !

C’est d’être un forçat qui promène
Son vil labeur sous le ciel bleu ;
C’est de porter la hotte humaine
Où j’avais vos ailes, mon Dieu !

C’est de traîner de la matière ;
C’est d’être plein, moi, fils du jour,
De la terre du cimetière,
Même quand je m’écrie : Amour !

(Victor Hugo)

 

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DONNE-MOI TES DOUTES (Mihai Beniuc)

Posted by arbrealettres sur 12 juin 2020



 

Illustration: Mana Neyestani
    
DONNE-MOI TES DOUTES

Donne-moi tes doutes que je les redresse
Comme des clous tordus,
Donne-moi tes incertitudes, toi qui vas
Sur ce que tu crois être une fausse route.
J’ai assez erré, assez cogné à des portes pour savoir
Qu’il n’y a pas d’autre sagesse,
Depuis l’infini jusqu’au point zéro,
Que d’être à la besogne, entiché de fini.
Versez vos griefs dans ma solitude,
Aussi large qu’un golfe,
Dans mon chantier où l’on répare
Les vaisseaux qui firent naufrage.
Je suis le vieil ami
De ceux qui sont grands dans leurs actions
Et pas dans leurs paroles;
Moi je peux mourir parmi les fourmis
Et que l’on m’oublie.
Dans l’immense nuit du monde; pourtant,
J’ai élevé, aux côtés des autres,
Le jour sous le soleil, la nuit dans les ténèbres,
Efforts douloureux, rêve chimérique
Payé de pleurs dans des bols de terre —
Des foyers pour durer, de hautes pyramides,
Avec la foi qu’un jour
Le ciel partout s’éclairera.

(Mihai Beniuc)

 

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Avant d’entrer dans les bois (Lucien Becker)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2020



    

Avant d’entrer dans les bois,
la pluie frappe aux feuilles
qui sont pour elles le seuil
d’une solitude sans poids.

Elle a parcouru tout l’espace
pour venir sans hâte couler
dans d’obscurs sentiers
où rien ne doit marquer son passage.

Il suffit pourtant d’un rayon de soleil
pour qu’éclate sa présence,
pour qu’un instant la forêt pense
aux vitres dont elle l’émerveille.

Un couchant doit surgir
de cet incendie d’eau
où la terre s’éclaire de ce qu’elle a de plus beau
parce qu’elle aime les forêts à en mourir.

(Lucien Becker)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Rien que l’amour
Traduction:
Editions: La Table Ronde

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