Quelque bleu que soit le ciel
chaque jour au crépuscule
les nuages vont s’amassant
en une tour qui dépasse
les sommets les plus aigus
pour s’effondrer en tonnerre
dans l’éclair d’une émeraude
(Michel Butor)
Recueil: Montagnes en gestation
Traduction:
Editions: Notari
Triste est ta lyre, Orphée.
Elle ne peut changer le cours des choses
et pour la captive bien-aimée dans la cage close des morts
elle ne peut créer
un lit d’amour, ni bras, ni tresse.
meurent ceux qui meurent, Orphée.
Le temps qui accourt dans tes yeux s’effondre
et dans tes mains
la lyre s’est brisée.
La mort maintenant est sur la rive
— rien qu’une tête — et chaque fleur
chante et l’eau est une voix.
Je t’écoute maintenant
Je te vois, ombre qui fuit hors du centre.
Et commente l’errante giration.
***
(Adonis)
Traduction de Lionel Ray
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
L’homme sans épaules, à la forme de sa fuite,
Ô ce tintement dans le vent, l’odeur de la crainte et de la sueur,
L’homme changé en son cri, rompu et diminué,
L’homme sans armes, décoré par le mépris des siècles,
Il court dans la plaine de sable et s’effondre,
Trop léger, trop essoufflé, trop affiné,
Dans le vent nage le soleil et sa couleur est noire,
Les poursuivants approchent, l’homme se retourne,
Il n’a pas de visage, le sable du soleil noir est brûlant,
Ô ce tintement dans le vent, plus près et toujours plus fort,
L’homme ralentit sa course et se met à pleurer,
Hors du sable pousse une ville et hurlent les sirènes ;
Et je me réveille, douleur vêtue d’éclat,
Et j’entends son souffle rapide. Il s’est abrité en moi.
C’est une maison bleue
Adossée à la colline
On y vient à pied, on ne frappe pas
Ceux qui vivent là, ont jeté la clé
On se retrouve ensemble
Après des années de route
Et l’on vient s’asseoir autour du repas
Tout le monde est là, à cinq heures du soir
San Francisco s’embrume
San Francisco s’allume
San Francisco, où êtes vous
Liza et Luc, Sylvia, attendez moi
Nageant dans le brouillard
Enlacés, roulant dans l’herbe
On écoutera Tom à la guitare
Phil à la kena, jusqu’à la nuit noire
Un autre arrivera
Pour nous dire des nouvelles
D’un qui reviendra dans un an ou deux
Puisqu’il est heureux, on s’endormira
San Francisco se lève San Francisco se lève
San Francisco ! où êtes vous
Liza et Luc, Sylvia, attendez-moi
C’est une maison bleue
Accrochée à ma mémoire
On y vient à pied, on ne frappe pas
Ceux qui vivent là, ont jeté la clef
Peuplée de cheveux longs
De grands lits et de musique
Peuplée de lumière, et peuplée de fous
Elle sera dernière à rester debout
Si San Francisco s’effondre
Si San Francisco s’effondre
San Francisco ! Où êtes vous
Liza et Luc, Sylvia, attendez-moi
Dans l’air clarifié,
quand déjà le croissant de la lune
glisse ses rayons verts,
envieusement, parmi la pourpre du couchant :
— ennemi du jour,
glissant à chaque pas, furtivement,
devant les bosquets de roses,
jusqu’à ce qu’ils s’effondrent
pâles dans la nuit :
ainsi suis-je tombé moi-même jadis
de ma folie de vérité,
de mes désirs du jour,
fatigué du jour, malade de lumière,
— je suis tombé plus bas, vers le couchant et l’ombre :
par une vérité
brûlé et assoiffé
— t’en souviens-tu, t’en souviens-tu, coeur chaud,
comme alors tu avais soif ? —
Que je sois banni
de toute vérité !
Fou seulement ! Poète seulement !
La terre émerge des brumes, les épis craquent comme du pain frais, une grappe d’abeilles se pend à un prunier.
L’âme s’évase pour accueillir fa joie des hommes qui s’enracine dans le vent.
Mais le vent rebrousse la laine du bonheur ;
une ignoble cicatrice témoigne : des hommes raturés par les hommes, leur rumeur d’essaim jusqu’à l’horrible du cri et de la salve.
Sur leurs bouches ouvertes s’effondrent les murailles du ghetto de Varsovie.
Triste est ta lyre, Orphée (Adonis)
Posted by arbrealettres sur 23 novembre 2022
Illustration: Chagall
Triste est ta lyre, Orphée.
Elle ne peut changer le cours des choses
et pour la captive bien-aimée dans la cage close des morts
elle ne peut créer
un lit d’amour, ni bras, ni tresse.
meurent ceux qui meurent, Orphée.
Le temps qui accourt dans tes yeux s’effondre
et dans tes mains
la lyre s’est brisée.
La mort maintenant est sur la rive
— rien qu’une tête — et chaque fleur
chante et l’eau est une voix.
Je t’écoute maintenant
Je te vois, ombre qui fuit hors du centre.
Et commente l’errante giration.
***
(Adonis)
Traduction de Lionel Ray
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
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