Comme à leur arc rivées
Les cordes sont tendues,
Tirées à se briser
Par des mains inconnues,
Mais sans frémir, muettes,
Comme avant la tempête
Dans les yeux la tristesse
Se calcine, embrasée.
Terrifiant silence
Qu’on ne peut endurer,
Douleur à ne pas dire
Plaie à ne pas montrer,
Comme harpes qui pendent
Muettes sur les branches
Quand dans les doigts se fendent
Les sanglots étranglés.
Pourtant les heures restent
Quand l’océan s’endort,
Que du bleu sourd le presque
Imperceptible accord,
Vers nous, de chaque corde,
Un écho monte alors,
Comme prière il flotte
Comme une voix implore.
Tout s’allège et la peine
Peut alors déposer
Au coeur comme au désert
Un semblant de rosée.
Le réconfort nous berce
Comme longue langueur,
Une complainte juive
Se trempe dans les pleurs.
(David Einhorn)
Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard
Comme un fil entre l’autre et l’un
Invisible, il pose ses liens
Dans les méandres des inconscients
Il se promène impunément
Et tout un peu tremble
Et le reste s’éteint
Juste dans nos ventres
Un nœud, une faim
Il fait roi l’esclave
Et peut damner les saints
L’honnête ou le sage
Et l’on n’y peut rien
Et l’on résiste on bâtit des murs
Des bonheurs, photos bien rangées
Terroriste, il fend les armures,
Un instant tout est balayé
Tu rampes et tu guettes
Et tu mendies des mots
Tu lis ses poètes
Aimes ses tableaux
Et tu cherches à la croiser
T’as quinze ans soudain
Tout change de base
Et l’on n’y peut rien
Il s’invite quand on ne l’attend pas
Quand on y croit, il s’enfuit déjà
Frère qui un jour y goûta
Jamais plus tu ne guériras
Il nous laisse vide
Et plus mort que vivant
C’est lui qui décide
On ne fait que semblant
Lui, choisit ses tours
Et ses va et ses vient
Ainsi fait l’amour
Et l’on n’y peut rien
Menaçante telle une créature animale,
pend au-dessus de la terre l’obscurité
quelle lune
nous apportera un semblant de lumière?
quel soleil
– qui ne menace pas
nous fera signe ?
*
TOUT EST REVERSIBLE mais
où se trouve la limite
qui sait autour le tournant
l’obscurcissement
la nuit?
*
D’OU es-tu venu
où iras-tu ?
Combien de temps encore
durera ton éternité
– planète?
*
LE TEMPS PRESSE, pousse le sable
Griffe le mot
dans la pierre et espère
qu’il demeure
– pas
comme testament.
*
Threatening,
as a beastly being
hangs darkness above the earth
what moon
brings us a glimpse of light
what sun
– which does not threaten
gives us a sign?
*
REVERSIBLE is everything
but where lies the verge
who knows about the reversal
the darkening
the night?
*
WHERE did you come from
where will you go?
How long will last
your eternity
– planet?
*
TIME IS PRESSING, pushing the sand
Scratch the word
in the stone and hope
that it remains
– not
as testament.
***
黑夜女神
威胁着
以野蛮的存在
向大地垂下黑暗
怎样的月光
给我们带来清晰
怎样的太阳
毫无威胁地
呈现一线征兆?
一切都是可逆
但是界限何在?
谁知道
逆转将在何时降临
那黑暗,那夜晚?
*
你从哪里来
又往哪里去?
你的永恒
还会持续多久?
—而星球?
*
时间紧迫, 挤沙下漏
在石头上
刻字,希望
石头留存
—并非
遗嘱
(Germain Droogenbroodt)
Recueil: La Voie (TAO)
Traduction:
Editions: POINT
Ah ! Vous dirai-je, Maman,
Ce qui cause mon tourment ?
Depuis que j’ai vu Silvandre,
Me regarder d’un air tendre ;
Mon cœur dit à chaque instant :
« Peut-on vivre sans amant ? »
L’autre jour, dans un bosquet,
De fleurs il fit un bouquet ;
Il en para ma houlette
Me disant : « Belle brunette,
Flore est moins belle que toi ;
L’amour moins tendre que moi. »
« Etant faite pour charmer,
Il faut plaire, il faut aimer.
C’est au printemps de son âge
Qu’il est dit que l’on s’engage ;
Si vous tardez plus longtemps,
On regrette ces moments. »
Je rougis et par malheur
Un soupir trahit mon cœur.
Sylvandre, en amant habile,
Ne joua pas l’imbécile :
Je veux fuir, il ne veut pas
Jugez de mon embarras.
Je fis semblant d’avoir peur.
Je m’échappai par bonheur ;
J’eus recours à la retraite,
Mais quelle peine secrète
Se mêle dans mon espoir,
Si je ne puis le revoir !
Bergères de ce hameau,
N’aimez que votre troupeau ;
Un berger, prenez-y garde,
S’il vous aime, vous regarde
Et s’exprime tendrement,
Peut vous causer du tourment.
Mémoire erre en la tête,
on ne sait quel tourbillon saisit
nos cris, nos huées, nos lamentations.
Soudain mémoire en sommeil
fait semblant d’être morte.
On se souvient de tout.
(Jacques Izoard)
Recueil: Lieux épars
Traduction:
Editions: De la Différence
Au creux de la nuit tout dort
parfois un semblant de souffle intermittent
une série de craquements ténus
interfèrent avec le ronron du réfrigérateur
mais dans l’obscurité profonde du couloir
persiste ce point luminescent
dont la source demeure inconnue
les vrais amants à chaque irruption de leur coeur
vivent plus longtemps que tout ce qu’ils et chacun qui;
quoi que l’espoir affirme et quoi que nie la peur,
tous deux prouvant le vrai le faux est démenti
(tout doute ou certitude,que bons ou méchants fourrent
parmi les purs semblants de leurs pauvres cervelles
—grimace des singeries de durée:seul l’amour
qui passe l’entendement nous arrive immortel)
tellement à jamais l’un ou l’autre à présent
d’aimer,et chaque ici un partout se révèle
que plus vrais grandiraient les plus fidèles amants
si de minuit tombaient plus qu’il n’est de soleils
(oui; que le temps questionne son était par souci
du sera,leurs yeux ne sauraient manquer un oui)
(Edward Estlin Cummings)
Recueil: Une fois un
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: La Nerthe