Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘serveur’

EN VAIN J’ÉMIGRE (Abdellatif Laâbi)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2021




    
EN VAIN J’ÉMIGRE

J’émigre en vain
Dans chaque ville je bois le même café
et me résigne au visage fermé du serveur
Les rires de mes voisins de table
taraudent la musique du soir
Une femme passe pour la dernière fois
En vain j’émigre
et m’assure de mon éloignement
Dans chaque ciel je retrouve un croissant de lune
et le silence têtu des étoiles
Je parle en dormant
un mélange de langues
et de cris d’animaux
La chambre où je me réveille
est celle où je suis né
J’émigre en vain
Le secret des oiseaux m’échappe
comme celui de cet aimant
qui affole à chaque étape
ma valise

(Abdellatif Laâbi)

 

Recueil: L’arbre à poèmes Anthologie personnelle 1992-2021
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

C’est nous qui avons commandé ce vacarme (Gilles Weinzaepflen)

Posted by arbrealettres sur 15 octobre 2019



Illustration : Philippe Geluck
    
C’est nous qui avons commandé ce vacarme,
parce que nous manquions de bruit.
Maintenant nous voudrions du silence,
mais le serveur ne nous entend pas.

(Gilles Weinzaepflen)

 

Recueil: Noël Jivaro
Traduction:
Editions: Le clou dans le fer

Posted in humour, méditations | Tagué: , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Encore ? Non ! (Robert Creeley)

Posted by arbrealettres sur 9 février 2018



    
Encore ? Non !
Des fois je suis gêné
par la récurrence de ce pronom
qui place au centre, voire en
exergue, mon seul visage.

Bien sûr, je
suis gêné, est-ce possible autrement ?
Pareil pour le serveur et son plateau sur quoi
reposent (seulement) ses mains.

Toujours —
dimanchelundimardimercredijeudivendredisamedi —
où que je regarde,
je suis là.

Il y avait de la brise et un coquillage
amena Vénus —
mais je peux être là
sans aller ailleurs.

Alors au revoir
jusqu’à nos retrouvailles,
et quand tu viendras, entre sans frapper.
C’est je.

(Robert Creeley)

 

 

Recueil: Le sortilège
Traduction: Stéphane Bouquet
Editions: Nous

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Dordrecht (Jean-Claude Demay)

Posted by arbrealettres sur 27 janvier 2017



nuit-49-800x600

Dordrecht

Et les maisons s’inclinent
Et les pontons s’écroulent
Au ras de la marée
Aux rempart de Dordrecht

Et les âmes s’allument
Les vagabonds s’en viennent
Et les amants s’en vont
Dans les rues de Dordrecht

Et les navires filent
Et la marée gémit
Et les chiennes hurlent
Sous les lunes de Dordrecht

Se peut-il que les soirs
La bière se fasse amère
La bière se fasse amante
Que l’on veuill’ prendre l’air

Et qu’on ait l’œil au Nord
Et le cœur aux dérives
Qu’on regard’ l’autre rive
De l’autr’ côté d’la mer

Et les pontons s’inclinent
Et la mer se devine
Le regard aviné
De l’ivrogne qui passe

Il est déjà passé
Et seul le clapotis
Accompagne ses pas
Il ne reviendra pas

Il ne reviendra pas ah ! ah !
Non celui-là non ne reviendra pas
Je suis dans le troquet
Et la pluie dégouline
Le crachin sur la vitre
Il ne reviendra pas non
Il ne reviendra pas

J’ai entendu ses pas
Je connais la jetée
Encore un qui s’est j’té
Il s’en est tant jeté

Je le connaissais mais
Il ne reviendra pas

Serveuse
Un grand bock
Cette fois
La marée est trop haute
Et mon cœur est trop bas
Tu sais je te connais
Tu sais c’est moi
Ce soir
C’est ce soir moi que j’me jette
Des remparts de Dordrecht
Moi un ancien poète
J’ai quitté cette terre
Les dieux m’abandonnent
C’est ce soir que j’me donne

Et les pontons s’inclinent
La marée se devine
Des coups à rester raide
Sous les remparts
Y’en a qui partent
De Dordrecht.

(Jean-Claude Demay)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

 
%d blogueurs aiment cette page :