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Poésie

Posts Tagged ‘s’étonner’

Je suis allé me promener (Younous Emré)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2023




    
Je suis allé me promener
Au matin j’ai vu les tombeaux
A la terre noire mêlés

J’ai vu les corps délicats
Certains tristes, d’autres souriants
Couchés mystérieusement dans les tombes
Les veines vidées, le sang tari

j’ai vu les linceuls engloutis.
Des tombes pleines, démolies
Leurs maisons à tous sont en ruines

Je les ai vus libres de tout souci
j’en ai vu tant en piètre état.
Plus de pâture au pâturage
Et plus d’hiver à l’hivernage
Toutes rouillées, rendues muettes

J’ai vu les langues dans les bouches.
Les uns dans les plaisirs et la boisson
Certains dans la musique et dans la fête
Certains dans le malheur et la souffrance

J’ai vu les jours devenus hier.
Ces yeux noirs sont ternis
Ces visages de lune effacés
Dessous la terre noire

J’ai vu les mains qui ont cueilli des roses.
Les uns tête inclinée
Ont à la terre abandonné leur corps
Partis fâchés avec leur mère

Je les ai vus tourner la tête.
Certains pleurent en gémissant
Les démons marquent leur âme au fer
Leur tombeau est en flammes

J’ai vu s’élever la fumée.
Lorsque Younous a vu cela
Il est venu nous l’annoncer
Mon esprit s’émut, ma raison s’étonna
Lorsque j’ai vu tout cela.

(Younous Emré)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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C’est facile, d’écosser les petits pois (Philippe Delerm)

Posted by arbrealettres sur 28 février 2023




    
C’est facile, d’écosser les petits pois.
Une pression du pouce sur la fente de la gousse
et elle s’ouvre, docile, offerte.
Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes
– une incision de l’ongle de l’index
permet alors de déchirer le vert,
et de sentir la mouillure et la chair dense,
juste sous la peau faussement parcheminée.

Après, on fait glisser les boules d’un seul doigt.
La dernière est si minuscule.
Parfois, on a envie de la croquer.
Ce n’est pas bon, un peu amer,
mais frais comme la cuisine de onze heures,
cuisine de l’eau froide, des légumes épluchés
– tout près, contre l’évier,
quelques carottes nues brillent sur un torchon,
finissent de sécher.

Alors on parle à petits coups,
et là aussi la musique des mots
semble venir de l’intérieur, paisible, familière.
On parle de travail, de projets, de fatigue
– pas de psychologie.

L’écossage des petits pois n’est pas conçu pour expliquer,
mais pour suivre le cours, à léger contretemps.
Il y en aurait pour cinq minutes, mais c’est bien de prolonger,
d’alentir le matin, gousse à gousse, manches retroussées.

On passe les mains dans les boules écossées
qui remplissent le saladier.
C’est doux ; toutes ces rondeurs contiguës
font comme une eau vert tendre,
et l’on s’étonne de ne pas avoir les mains mouillées.
Un long silence de bien-être clair

[…]

(Philippe Delerm)

Recueil: La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules
Traduction:
Editions: L’Arpenteur

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Tous les inconnus que l’on croise (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2023



Illustration
    
Tous les inconnus que l’on croise
s’étonnent si on leur sourit.

(Jean Rousselot)

 

Recueil: Minimes
Traduction:
Editions: Les Deux-Siciles

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SUR L’AIR D’EN ENFONÇANT LES LIGNES ENNEMIES (Yàn Shu)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2023



Illustration: Dai Dunbang
    
SUR L’AIR D’EN ENFONÇANT LES LIGNES ENNEMIES

Quand les hirondelles reviennent, c’est Sacrifice Nouveau,
Quand les fleurs de poiriers sont tombées, arrive Pure Lumière.
Au dessus du bassin, la mousse verte – trois ou quatre plaques,
Tout au fond du feuillage, un loriot jaune – un ou deux cris.
Aux jours qui s’allongent, le duvet volant s’allège.

Avec son charmant sourire, ma voisine du côté est me tient compagnie ;
Effeuillant les mûriers dans la sente, elle vient à ma rencontre :
Elle s’étonnait la nuit dernière d’un rêve de printemps étrange et beau,
Or voici qu’elle a été la meilleure au jeu des herbes ce matin ;
Son sourire illumine ses deux joues.

***

(Yàn Shu) (991-1055)

Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise

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Je viens d’avoir un entretien silencieux (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2022



 

Je viens d’avoir un entretien silencieux
avec un enfant âgé de dix mois.
Nous nous sommes regardés dans les yeux pendant plus d’un quart d’heure.
Il y a dans les yeux plus de mots que dans les livres.
Notre entretien était d’ordre métaphysique.
Je me réjouissais de sa présence et il s’étonnait de la mienne.
Nous sommes parvenus à la même conclusion
qui nous a fait éclater de rire en même temps.

(Christian Bobin)

Illustration

 

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DIVERSITÉ (Maurice Fombeure)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022



DIVERSITÉ

L’ombre. Le ruisseau murmure
La fontaine parle bas
Brouillards nacrés de l’automne
Le bouc sacré s’en étonne
Et bêle vers les combats

Sur la place d’un village
Appelé La Villéon
Par les beaux soirs de reinage
On entend l’accordéon

Des solipèdes hostiles
Galopent sous les futaies
Cependant que je me tais
Mais j’ai le coeur tout tremblant d’îles.

(Maurice Fombeure)

Illustration

 

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Cette planète (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 31 août 2022



On sait un peu,
Cette planète,
Qu’elle se retient,

Et l’on s’étonne
Que parfois
Elle s’ébroue.

(Guillevic)

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Depuis qu’Amour cruel empoisonna (Louise Labé)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2022




Depuis qu’Amour cruel empoisonna
Premièrement de son feu ma poitrine,
Toujours brûlai de sa fureur divine,
Qui un seul jour mon coeur n’abandonna.

Quelque travail, dont assez me donna,
Quelque menace et prochaine ruine,
Quelque penser de mort qui tout termine,
De rien mon coeur ardent ne s’étonna.

Tant plus qu’Amour nous vient fort assaillir,
Plus il nous fait nos forces recueillir,
Et toujours frais en ses combats fait être;

Mais ce n’est pas qu’en rien nous favorise,
Lui qui méprise les dieux et les hommes,
Mais pour plus fort contre les forts paraître.

(Louise Labé)

Illustration: Jules Joseph Lefebvre

 

 

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La Bergère (Charles-Ferdinand Ramuz)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2022




Illustration: Jean-François Millet
    
La Bergère

Elle a un fouet et des mitaines,
elle a un gros fichu de laine,
un bonnet rouge sur la tête, et
ses joues sont sous le bonnet
encore plus rouges qu’il n’est.

Des petits garçons, qui gardent les vaches
dans le pré voisin, sont venus vers elle;
on ne voit pas leurs mains qu’ils cachent
dans les poches
de leurs culottes
(des culottes en grosse milaine); ils lui
disent: «Est-ce qu’on fait un feu?»

Elle ne répond rien, ils s’étonnent; ils lui
disent: «Puisque tu as des pommes…» On ne
sait pas si elle veut.
« Nous, on te donne les allumettes,
les allumettes et puis le bois.
Ça vaut bien ça… Tu ne veux pas? »

Elle veut bien, c’est qu’il fait froid.
Elle leur a donné ses pommes, ils ont
été chercher le bois.

Et il fait froid et c’est l’automne, et
ils l’ont mise au milieu d’eux, et,
eux, ils se serrent contre elle, tout
en tendant leurs
mains au feu.

(Charles-Ferdinand Ramuz)

Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite

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Merveille pour merveille (Jean Orizet)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2021




A tes yeux de surprise matinale
je veux m’étonner le premier

A tes lèvres de verveine
je veux boire encore ce rire ailé de gazelle

A tes cheveux de poivre blond
je veux renouveler ma soif

A ton ventre de jeune pêche
je veux attendre l’été mûrissant

Oreille contre coeur
Merveille pour merveille.

(Jean Orizet)

Illustration: Francine Van Hove

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