Tout se résout dit-elle en s’éveillant
Car le sommeil m’a donné à penser
Et ma mémoire est un fruit savoureux
Plus savoureux que le soleil nouveau
Qui doucement éclaire mes draps chauds
Mémoire et même du désert et du silence
Joli désert où la mort est légion
Le cœur parcelle et le temps dispersion
Silence noir où tout se contredit
Elle s’éveille et ses yeux ne sont plus
Ces îles loin à l’horizon du corps
On y pénètre on y chante on y rit
Le jour bâillonne le silence.
Pour les seules feuilles nues
Et le vent fouettant le saule
Chacun mordant l’autre épaule
Corps et souffles soutenus
Ils se sont vraiment connus
Nus de l’un à l’autre pôle.
Hérissé, l’arbre en amour
Battait d’ombre la fenêtre
Tandis que l’être sur l’être
Dans l’être ivre d’être, et pour
Que l’âme l’âme pénètre,
Se fait source vive, et sourd.
Le jardin chargé de pluie
Jette aux vitres son tourment
Ô cher mauvais temps charmant,
Toi de qui plus d’un s’ennuie,
Ici sourit ce moment
Où l’amour heureux s’essuie…
Tandis qu’Anna se met à la machine à coudre
Voyez sa sœur Annie qui se met de la poudre.
Tandis qu´Anna toujours nettoie le linge sale
En ascenseur sa sœur Annie s´en va au bal.
Annie
Vous êtes bien plus jolie qu´Anna.
Anna
Je vous aime beaucoup plus qu´Annie.
Annie
Vous avez des yeux bleus qu´Anna n´a.
Anna
Je préfère vos jolis yeux gris.
L´amour est entré dans mon cœur depuis
Le jour béni
Où je vous vis.
Annie
Vous avez séduit un maharajah.
Anna
Eh bien vous n´avez séduit que moi.
Tandis qu´Anna dans sa maison fait la lessive
Dans les salons, sa sœur Annie fait la lascive.
Le maharajah met des bijoux sur sa poitrine
Cette poitrine m´a tout l´air d´une vitrine
Tous vos amis font du cinéma.
Anna
Je suis vraiment votre seul ami.
Annie
Cet hindou vous dit toujours « Ça va »
Anna
Il ne faut pas envier sa vie.
Rajah, je préfère aux trésors d´un jour
Un bel amour
Qui dure toujours.
Annie
Vous sortez en robe d´apparat.
Anna
Vous restez toujours seule à Paris.
Un jour la pauvre Annie vient frapper à ma porte.
Elle a des yeux qui font des plis, l´air d´une morte.
Le maharajah vient de partir pour Singapour
En emportant ses bijoux faux comme son amour.
Annie
Vous vous êtes jetée dans mes bras.
Anna
Tous trois nous avons pleuré sans bruit.
Annie
Vous êtes restée trois jours dans le coma.
Anna
Hier vous avez épousé le commis
Et moi qui ne suis pas un maharajah.
Mais un ami
Je suis parti
Parti
Je suis parti pour Bratislava
Là-bas.
Je vais essayer de refaire ma vie
En oubliant Anna-Annie.
devant l’armée des fenêtres
en ordre de bataille
il passe le front haut
rempli de victoires
et de femmes violées
leurs cris lui donnent cette pâleur
le soir ses lèvres de cannelle
mais seule
une boisson tiède l’attend
entre quatre murs gris
Ils ont emmené Cordelia
Toute seule dans la terre et les cailloux.
Ils ont emmené Cordelia
Parmi les cailloux toute seule,
Et l’ont descendue.
Ils ont posé Cordelia
Là-bas
Sous un tertre sans herbe.
Seigneur!
Seigneur!
O Seigneur!
Elle a laissé le pauvre Buddy
A vivre comme il peut.
Oui, le pauvre Buddy Jones
Qui est resté derrière.
Maintenant elle est dans la terre et les cailloux,
Mon Dieu! Elle dort toute seule.
Cordelia
Est toute seule
Dans la terre
Et les cailloux!
***
Stony Lonesome
They done took Cordelia
Out to stony lonesome ground.
Done took Cordelia
To stony lonesome,
Laid her down.
They done put Cordelia
Underneath that
Grassless mound.
Ay-Lord!
Ay-Lord!
Ay-Lord!
She done left po’ Buddy
To struggle by his self.
Po’ Buddy Jones,
Yes, he’s done been left.
She’s out in stony lonesome,
Lordy! Sleepin’ by herself.
Cordelia’s
In stony
Lonesome
Ground)
L’âme, si frileuse, si farouche,
devra-t-elle vraiment marcher sans fin sur ce glacier,
seule, pieds nus, ne sachant plus même épeler sa prière d’enfance,
sans fin punie de sa froideur par ce froid ?
Tant d’années,
et vraiment si maigre savoir,
coeur si défaillant?
Pas la plus fruste obole dont payer
le passeur, s’il approche?
— J’ai fait provision d’herbe et d’eau rapide,
je me suis gardé léger
pour que la barque enfonce moins.