Si seulement elle pouvait pousser, comme
Les buissons d’aubépine, dans l’or du soleil,
Ou bien fleurir comme une pâquerette,
Au milieu des champs déserts et vides.
Si seulement elle pouvait, comme l’arbre au tronc blanc,
Le bouleau, disperser ses feuilles à terre,
Ou bien se colorer de rouge, et pousser comme les viornes,
Dans les taillis enchevêtrés de la forêt.
Si seulement elle pouvait, comme la molène à fleurs d’or,
Être la caresse du soleil, ou bien si seulement,
Si seulement elle pouvait fleurir comme la nielle des blés,
Et pousser à l’air libre, dans un champ nu.
Chef chef et derechef
1
Mon père était chef de cuisine
Du sel par-ci du sel par-là
Mon père était chef de cuisine
Du sel par-ci du sel par-là
Vive un poulet cuit à la broche
Le boeuf bouilli, l’huître de roche
Vive le sel vive le pain
Surtout vive le vin.
Mon père était chef de cuisine
Il m’apprit l’art de bien manger
Le pain est fait avec de la farine
Le vin est fait avec de bons raisins
Il m’apprit l’art de bien manger
Et de vivre en buvant du vin.
2
Mon mari est un chef de gare
Signal par-ci signal par-là
Mon mari est un chef de gare
Signal par-ci signal par-là
Vive un express à cent à l’heure
Vive la gare qui demeure
Vive le rail et le charbon
Et puis vive les ponts.
Mon mari est un chef de gare
Il m’apprit l’art de bien aimer
Aux cris des trains qui filent dare-dare
L’amour s’enfuit aussi vite qu’un train
Il m’apprit l’art de bien aimer
D’aimer toujours, d’aimer sans frein.
3
Mon amant est un chef d’orchestre
Du si par-ci, du mi par-là
Mon amant est un chef d’orchestre
Du si par-ci, du mi par-là
Vive un piano noir et sonore
Vivent les dents dont il s’honore
Vive sa queue évidemment
Et tous les instruments.
Mon amant est un chef d’orchestre
Il m’apprit l’art de mesurer
Le doux plaisir des voluptés terrestres
Ah! qu’il est doux de bien jouer dans le ton
Ré mi fa sol la si do ré
Vive mon chef et son bâton.
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
J’ai perdu le do de ma clarinette (2 fois)
Ah! Si papa savait ça, tralala, (2 fois)
Il dirait : « Ohé !» (2 fois)
Tu n’connais pas la cadence,
Tu n’sais pas comment on danse,
Tu n’sais pas danser au pas cadencé.
Au pas, camarade (2 fois)
Au pas, au pas, au pas
Au pas camarade, (2 fois)
Au pas, au pas, au pas.
(Continuer avec toutes les notes de la gamme : ré, mi, fa, sol, la, si, do)
Si X. avait eu ce jour-là une forte migraine,
si sa femme avait eu besoin de lui pour l’accompagner à l’hôpital,
si le réveil n’avait pas sonné ce matin-là,
s’il avait pris la peine de se raser,
s’il avait renoontré un copain qui lui avait offert un café,
si, si, si…
Ismaël n’aurait pas été écrasé à 9 h 11 minutes
par le chauffeur du camion
qui passait devant chez lui à toute vitesse.
(Tahar Ben Jelloun)
Recueil: Que la Blessure se ferme
Editions: Gallimard
Je ne peux ni te garder ni te quitter,
pourquoi je ne sais, en te quittant ou en te gardant,
il y a toujours un je ne sais quoi pour t’aimer
et bien des si pour t’oublier.
Donc si tu ne peux ni me quitter ni t’amender,
je vais régler mon coeur de sorte
qu’une moitié penche à t’abhorrer
tandis que l’autre penche à t’aimer.
Notre amour ainsi peut y grandir,
car on meurt à se quereller sans cesse :
que de nos discours jalousie et soupçon disparaissent,
et que qui donne la moitié ne veuille pas le tout ;
et sache que lorsque tu dissimules
je dissimule aussi de mon côté.
***
Que da medio para amar sin mucha pena
Yo no puedo tenerte ni dejarte,
ni sé por qué, al dejarte o al tenerte,
se encuentra un no sé qué para quererte
y muchos sí sé qué para olvidarte.
Pues ni quieres dejarme ni enmendarte,
yo templaré mi corazón de suerte
que la mitad se incline a aborrecerte
aunque la otra mitad se incline a amarte.
Si ello es fuerza querernos, haya modo,
que es morir el estar siempre riñendo:
no se hable más en celo y en sospecha,
y quien da la mitad, no quiera el todo;
y cuando me la estás allá haciendo,
sabe que estoy haciendo la deshecha.
Si tu le veux bien, divine Ignorante,
Je ferai celui qui ne sait plus rien
Que te caresser d’une main errante,
En le geste expert du pire vaurien,
Si tu le veux bien, divine Ignorante.
Soyons scandaleux sans plus nous gêner
Qu’un cerf et sa biche ès bois authentiques.
La honte, envoyons-la se promener.
Même exagérons et, sinon cyniques,
Soyons scandaleux sans plus nous gêner.
Surtout ne parlons pas littérature.
Au diable lecteurs, auteurs, éditeurs
Surtout ! Livrons-nous à notre nature
Dans l’oubli charmant de toutes pudeurs,
Et, ô! ne parlons pas littérature.
Jouir et dormir ce sera, veux-tu?
Notre fonction première et dernière,
Notre seule et notre double vertu,
Conscience unique, unique lumière,