Rien ne cesse rien n’est les morts ne sont pas morts
Les vivants s’imaginent vivre
Un acte continue où l’on ne peut le suivre
Rien n’est dedans rien n’est dehors.
Rien ne pèse tout pèse et notre marche lourde
Est légère dans le sommeil
Aveugles sont nos yeux et nos oreilles sourdes
Dans un monde au rêve pareil.
D’autres formes sont là que jadis accumule
Avec celles du lendemain
Et ce que notre temps par un mensonge annule
Reste dans son avare main.
Tout combine un seul bloc que le temps nous débite
Peu à peu morceau par morceau.
Le bâton se brise dans l’eau
Et l’immobilité se vante d’aller vite.
Or parfois dans le rêve ou par quelque ressort
Qui l’étrange machine embrouille
L’invisibilité de sa cachette sort
Comme la Vénus d’une fouille.
si tu t’imagines
fillette fillette
si tu t’imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
Si tu crois petite
si tu crois ah ah
que ton teint de rose
ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d’émail
ta cuisse de nymphe
et ton pied léger
si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
les beaux jours s’en vont
les beaux jours de fête
soleils et planètes
tournent tous en rond
mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s’approchent
la ride véloce
la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
les roses les roses
roses de la vie
et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
allons cueille cueille
si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
Soyez ce que vous voudriez avoir l’air d’être ;
ou, pour parler plus simplement :
Ne vous imaginez pas être différente
de ce qu’il eût pu sembler à autrui
que vous fussiez ou eussiez pu être
en restant identique à ce que vous fûtes
sans jamais paraître autre que vous n’étiez
avant d’être devenue ce que vous êtes.
(Lewis Carroll)
Recueil: Alice au Pays des Merveilles / De l’autre côté du Miroir
Traduction:
Editions: Folio
La jeune fille, qui travaille tout le jour, dans sa chambre solitaire,
est doucement émue si elle entend, tout à coup, le son d’une flûte de jade ;
Et elle s’imagine qu’elle entend la voix d’un jeune garçon.
A travers le papier des fenêtres,
l’ombre des feuilles d’oranger vient s’asseoir sur ses genoux ;
Et elle s’imagine que quelqu’un a déchiré sa robe de soie.
Une larme de sel
une pincée de réel
d’autres morceaux
de ciel
La rive habituelle
une voix de tête
qui passe
sous la grammaire
L’homme effacé
criant de vérité
La nuit s’écoule
on imagine
le mot coincé
dans le berceau du rêve
On s’imagine
les bras chargés
de soi
on veille au grain
on cherche
(Didier Carhen)
Recueil: Les septs livres
Traduction:
Editions: La lettre volée
Je ne sais, ni ce que je suis,
ni ce que je fais, ni ce que je désire:
je suis déchirée par mille mouvements contraires:
Peut-on s’imaginer un état si déplorable?
Je vous aime éperdument,
et je vous ménage assez pour n’oser, peut-être,
souhaiter que vous soyez agité des mêmes transports
[…]
Adieu, je voudrais bien ne vous avoir jamais vu.
Ah! je sens vivement la fausseté de ce sentiment,
et je connais dans le moment que je vous écris,
que j’aime bien mieux être malheureuse en vous aimant
que de ne vous avoir jamais vu ;
je consens donc sans murmure à ma mauvaise destinée,
puisque vous n’avez pas voulu la rendre meilleure.
Adieu, promettez-moi de me regretter tendrement,
si je meurs de douleur
[…]
cependant je vous remercie dans le fond de mon coeur
du désespoir que vous me causez,
et je déteste la tranquillité, où j’ai vécu,
avant que je vous connusse.
(Gabriel-Joseph Guilleragues)
Recueil: Quand on n’a que l’amour
Editions: Bruno Doucey