N’est-il pas vrai Marie que c’est prier pour vous
Que de lui dire «Je t’aime» en tombant à genoux?
N’est-il pas vrai Marie que c’est prier pour vous
Que pleurer de bonheur en riant comme un fou
Que couvrir de tendresse nos païennes amours
C’est fleurir de prières chaque nuit, chaque jour?
N’est-il pas vrai Marie que c’est chanter pour vous
Que semer nos chemins, de simple poésie?
N’est-il pas vrai Marie que c’est chanter pour vous
Que voir en chaque chose, une chose jolie
Que chanter pour l’enfant qui bientôt nous viendra
C’est chanter pour l’Enfant qui repose en vos bras?
C’est une mélodie simple qui passe par la fenêtre,
les amants sont rompus, ils vont pour s’endormir,
mais dans la chaleur du soir le plus fort
c’est le désir.
La voilà qui demande : Encore?
Et lui de répondre : Peut-être…
(Cécile Coulon)
Recueil: Les romantiques
Traduction:
Editions: Robert Laffont
A vous que je ne peux nommer
Comme à mon gré je l’aimerais,
Ce jour de l’an, de biens et joie
Que Dieu veuille vous faire étrennes !
Vous appeler amie serait
Vous décerner un nom trop simple,
À vous que je ne peux nommer
Comme à mon gré je l’aimerais.
Vous donner comme nom: ma dame,
Ce serait vous rendre orgueilleuse ;
Je récuse en vous la maîtresse:
Comment faut-il que je m’adresse
À vous que je ne peux nommer
La Grande Voie — si simple soit-elle
Bien peu aperçoivent ses secrets.
Suis le murmure de ses souhaits,
Ils te garderont à la cime du juste.
Toujours le long du réel,
Qui pourrait être encore dans l’erreur ?
Imbroglios et liens du monde,
Mauvais tours et brumes complotantes,
Tout ce lot médiocre des cent soucis
Qu’est-ce que cela ?
Sais-tu garder l’inébranlable
Au coeur caché qui repose ?
Dépose tes malheurs dans le ciel ;
Enfouis tes tourments dans la terre.
Fais fi des Cinq Classiques, débarrasse-t’en !
Et mets un point final aux vers réglementés.
Et tous ces débats de penseurs embrouillés,
Mets-les au feu désormais.
Élève tes ambitions aux collines et à l’Ouest sauvage,
Laisse ton esprit vagabond à l’est des mers.
Chevauche le souffle comme ta seule monture,
Navigue sur le courant de la Haute Pureté,
Réponds à l’appel, élégant et allègre !
(Zhongzhang Tong)
(179-220)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Un homme arrive au paradis.
Il demande à un ange de lui montrer le chemin qu’ont dessiné ses pas sur terre.
Par curiosité. Par enfantin désir de voir et de savoir.
Rien de plus simple, dit l’ange, allez vers cette fenêtre et regardez.
L’homme approche son visage de la vitre et contemple la trace de ses pas sur la terre,
depuis son enfance jusqu’à son dernier souffle.
Quelque chose l’étonne : parfois il n’y a plus de traces.
Parfois le chemin s’interrompt et ne reprend que bien plus loin.
Ces absences, dit l’ange,
correspondent à ces jours où votre vie était trop lourde pour que vous puissiez la porter.
Je vous prenais donc dans mes bras,
jusqu’au jour suivant où la joie vous revenait — et vos forces avec elle.
C’est quoi, réussir sa vie,
sinon cela,
cet entêtement d’une enfance,
cette fidélité simple:
ne jamais aller plus loin
que ce qui vous enchante à ce jour,
à cette heure.
« Vous cherchez du côté du plus grand…
C’est tellement plus simple : J’attends le printemps.
Ce que j’appelle le printemps n’est pas affaire de climat ou de saison.
Cela peut surgir au plus noir de l’année.
C’est même une de ses caractéristiques :
Quelque chose qui peut venir à tout moment pour interrompre, briser
– et au bout du compte, délivrer.
Le printemps n’est rien de compréhensible
– c’est même ce qui lui permet de tenir dans trois fois rien
– un bruit, un silence, un rire.
Il se moque de conclure.
Il ouvre et ne termine jamais.
Il est dans sa nature d’être sans fin.
Ce que j’appelle le printemps ne va pas sans déchirure.
C’est une chose douce et brutale.
Nous ne devrions pas être surpris de ce mélange.
Si nous le sommes, c’est que la vie nous rend distraits.
Nous ne faisons pas assez attention.
Si nous regardions bien, si nous regardions calmement,
nous serions effrayés par la souveraineté de la moindre pâquerette :
elle est là, toute bête, toute jaune.
Pour être là, elle a dû traverser des morts et des déserts.
Pour être là, toute menue,
elle a dû livrer des guerres sans pitié.
Ce que j’appelle le printemps est une chose du même ordre…
Dans le printemps, rien de tranquille ni de gagné d’avance.
Lorsqu’il arrive, nous ne nous y retrouvons plus.
Presque rien n’a changé et ce presque rien change tout.
Nous nous accoutumons trop vite à ce que nous avons.
Dieu merci, le printemps vient remettre du désordre dans tout ça.
Nous découvrons que nous n’avons jamais rien eu à nous,
et cette découverte est la chose la plus joyeuse que je connaisse. »
Il y a toujours un étranger qui regarde notre mort,
et l’insouciance de ce témoin
fait de notre fin un événement paisible, endimanché,
accordé à l’énigmatique suite des jours simples.