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Poésie

Posts Tagged ‘sombrer’

Ode à une Femme aimée (Sappho)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023



Illustration: Lawrence Alma-Tadema
    
Ode à une Femme aimée

L’homme fortuné qu’enivre ta présence
Me semble l’égal des Dieux, car il entend
Ruisseler ton rire et rêver ton silence.
Et moi, sanglotant,

Je frissonne toute, et ma langue est brisée :
Subtile, une flamme a traversé ma chair,
Et ma sueur coule ainsi que la rosée
Âpre de la mer ;

Un bourdonnement remplit de bruits d’orage
Mes oreilles, car je sombre sous l’effort,
Plus pâle que l’herbe, et je vois ton visage
A travers la mort.

***

Εὶς ᾿Ερωμἐναν.

Φαἰνεταἰ μοι κἠνος ἲσος θἐοισιν
ἒμμεν ὤνηρ, Ὄστις ὲναντἰος τοι
ἰζἀνει, καὶ πλασίον ἇδυ φωνεύ−
σας ὑπακούει

καὶ γελαισας ἰμερόεν, τό μοι μάν
καρδίαν ἐν στήθεσιν ἐπτόασεν·
ὡς γὰρ εὔιδον βροχέως σε, φώνας
οὐδὲν ἒτ᾿ εἴκει·

(Sappho)

 

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LE LAC (Emile Nelligan)

Posted by arbrealettres sur 16 juillet 2022



LE LAC

Remémore, mon coeur, devant l’onde qui fuit
De ce lac solennel, sous l’or de la vesprée,
Ce couple malheureux dont la barque éplorée
Y vint sombrer avec leur amour, une nuit.

Comme tout alentour se tourmente et sanglote !
Le vent verse les pleurs des astres aux roseaux,
Le lys s’y mire ainsi que l’azur plein d’oiseaux,
Comme pour y chercher une image qui flotte.

Mais rien n’en a surgi depuis le soir fatal
Où les amants sont morts enlaçant leurs deux vies,
Et les eaux en silence aux grêves d’or suivies
Disent qu’ils dorment bien sous leur calme cristal.

Ainsi la vie humaine est un grand lac qui dort
Plein sous le masque froid des ondes déployées,
De blonds rêves déçus, d’illusions noyées,
Où l’Espoir vainement mire ses astres d’or.

(Emile Nelligan)


Illustration

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FUSION (Léo Schmidl)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2022



Illustration: Christophe Merlot
    
FUSION

Tu dispensas richesses sans mesure,
J’ai bu, ardent, la source tout entière,
Je te voyais, aveuglante lumière,
Tout l’univers sombrait dans l’aventure,

Jusqu’à ne plus sentir que la hantise
De cette ivresse, chute d’eau, prodigue
Roulant sur moi, rompant toutes les digues,
Lorsqu’abîmé en toi, je t’avais prise …

Entre le toi, le moi, plus de barrière …
Où s’étendaient l’une et l’autre frontière ?
Ton coeur au fond du mien battait sonore,

Les mots d’amour que tu soufflais encore
Rendaient en écho mon ravissement,
Et j’étais, moi, dans ton gémissement.

(Léo Schmidl)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: Catherine Kany
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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CAPTIF (Franz Hellens)

Posted by arbrealettres sur 26 mai 2022


 


Helen Masacz  8

CAPTIF

Captif d’une chambre
Je pars gonflé d’un désir
Que rien ne peut retenir
Et vole.

Lourd plus que plomb et dur
Etait mon pied et molle
Une tête fruit mûr
Qui penche.

Un coup de vent venu de mer
Et tout a pris autre visage,
Je me cherche et me perds
Comme une feuille après l’orage.

Le mat balance au gré des vents
Je me sens à moi-même infidèle
Que sombre le navire avant
Que la mouette ait refermé les ailes

(Franz Hellens)

Illustration: Helen Masacz

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Je sombre, je meurs! (Inconnu)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2022




    
Je sombre, je meurs!
O vent qui fais ma détresse,
Calmant tes clameurs,
Va toucher d’une caresse
Les cheveux de ma maîtresse!

(Inconnu)

Recueil: Poëmes de la libellule
Traduction: Judith Gautier
Editions: Beaux-Arts de Paris

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SIRÈNES (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2022



Illustration: Victor-Louis Mottez
    
SIRÈNES

Avec des rires sourds et de grondants sanglots,
Les filles de la mer se battent ou s’étreignent,
Et leurs cheveux luisants que dans l’ombre elles peignent
Traînent, fourrure sombre, au pied des noirs îlots.

L’anguille voyageuse et les vifs cachalots,
L’ourson couleur de neige à leur côté se baignent;
Et les feux de leurs yeux s’allument et s’éteignent,
Fanal de naufrageur qui tremble sous les flots

Leurs corps d’ambre et de lait ont la forme des vagues;
Les regrets, les terreurs, l’espoir, les désirs vagues,
Se condensent la nuit dans le brouillard amer.

Et, bercés mollement sur la gorge où tout sombre,
Les morts, coulés à pic, vont savourer dans l’ombre
Tout l’amour contenu dans la mort et la mer.

(Marguerite Yourcenar)

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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Ivan Pidkova (Taras Chevtchenko)

Posted by arbrealettres sur 6 mars 2022



Taras Chevtchenko
Illustration: Ivan Kramskoï
    
Ivan Pidkova

Il fut un temps, en Ukraine,
Où les canons grondaient ;
Il fut un temps où les Zaporogues
Savaient régner.
Ils régnaient et gagnaient
Leur gloire et leur liberté ;
Cela est passé, seules sont restées
Des tombes dans la plaine.
Hautes sont les tombes
Où sombrèrent dans le repos
Les corps blancs des Cosaques,
Drapés dans une toile écarlate.
Hautes sont ces tombes,
Noires, semblables aux montagnes,
Qui conversent à voix basse, dans la plaine,
De la liberté avec les vents.
Ces témoins de la gloire des ancêtres
Discutent avec le vent,
Tandis que leur descendant porte sa faux
dans la rosée,
En reprenant leur chant.
Il fut un temps, en Ukraine,
Où le malheur dansait,
Le chagrin s’enivrait à la taverne
D’hydromel par seaux entiers.
Il fut un temps où il faisait bon
En cette Ukraine…
Souvenons-nous-en ! Notre cœur, peut-être,
Connaîtra un répit.

(Taras Chevtchenko)

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JE TOUCHE TES LEVRES (Julio Cortázar)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2022



Illustration: Alice de Miramon
    
JE TOUCHE TES LEVRES

Je touche tes lèvres,
je touche d’un doigt le bord de tes lèvres.
Je dessine ta bouche comme si elle naissait de ma main,
comme si elle s’entrouvrait pour la première fois
et il me suffit de fermer les yeux
pour tout défaire et tout recommencer.

Je fais naître chaque fois la bouche que je désire,
la bouche que ma main choisit et qu’elle dessine sur ton visage,
une bouche choisie entre toutes, choisie par moi
avec une souveraine liberté pour la dessiner de ma main sur ton visage et qui,
par un hasard que je ne cherche pas à comprendre,
coïncide exactement à ta bouche
qui sourit sous la bouche que ma main te dessine.

Tu me regardes, tu me regardes de tout près,
tu me regardes de plus en plus près,
nous jouons au cyclope,
nos yeux grandissent, se rejoignent, se superposent,
et les cyclopes se regardent, respirent confondus,
les bouches se rencontrent, luttent tièdes avec leurs lèvres,
appuyant à peine la langue sur les dents,
jouant dans leur enceinte où va et vient
un air pesant dans un silence et un parfum ancien.

Alors mes mains s’enfoncent dans tes cheveux,
caressent lentement la profondeur de tes cheveux,
tandis que nous nous embrassons
comme si nous avions la bouche pleine de fleurs ou de poissons,
de mouvement vivants, de senteur profonde.

Et si nous nous mordons, la douleur est douce
et si nous sombrons dans nos haleines mêlées
en une brève et terrible noyade,
cette mort instantanée est belle.

Et il y a une seule salive et une seule saveur de fruit mûr,
et je te sens trembler contre moi comme une lune dans l’eau.

(Julio Cortázar)

 

Recueil: Marelle
Traduction: Laure Bataillon & Françoise Rosset
Editions: Gallimard

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Visages (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2022



Illustration: Marie-Paule Deville Chabrole
    
Visages qui apaisent

Visages qui ne sont que refus

Visages au regard éteint

Visages que verrouille la timidité

Visages qui inquiètent

Visages creusés par la faim

Visages qui ouvrent la porte
sur une amitié

Visages vides qui ne laissent
pressentir aucun arrière-pays

Visages dévastés par la maladie

Visages empreints d’une bonté
qui réchauffe

Visages durcis par la haine

Visages où demeurent les traces
du combat qui les a pacifiés

Visages qui vous font
vous rétracter

*

Visages trop lisses
sur lesquels rien ne se lit

Visages dont la dureté
vous glace vous scelle les lèvres

Visages douloureux
où affleure un secret
qu’on aimerait connaître

Visages et regards
de ceux qui sombrent

Visages qu’un excès de souffrance
a figés à jamais
au-delà du désespoir

Visages à l’expression
décidée et hautaine

Visages qui rayonnent
une douce lumière
et dont on garde le souvenir

Visages compassés
façonnés par les conventions

*

Visages qui consentent
au regard qui les pénètre

Visages las impavides
revenus de tout

Visages d’enfants
d’une grâce infinie

Visages concentrés
à l’écoute
du murmure intérieur

Visages dont la beauté
émerveille

Visages qui vous ouvrent
vous dilatent
vous aimantent

Visages visages visages

Une des grandes et inépuisables
richesses de la vie

(Charles Juliet)

Recueil: Pour plus de lumière anthologie personnelle
Traduction:
Editions: Gallimard

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Fidèle (Charles Trenet)

Posted by arbrealettres sur 2 décembre 2021



Christian Schloe 4 [1280x768]

Fidèle

1. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des choses sans importance pour vous
Un soir d´été, le vol d´une hirondelle
Un sourire d´enfant, en rendez-vous
Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des riens qui pour moi font un tout
Un vieux toutou, une boite d´aquarelle
Le port de La Nouvelle au mois d´août.

2. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des lieux et des amis très doux :
Un drôle d´Albert et sa sœur en dentelles
Un castillet tout neuf, un Canigou.
Une rue de Béziers, une tante Emilie
Une maman partant pour Budapest
Ma vieille maison avec sa tonnellerie
Et près de la gendarmerie, les express.

3. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
Au souvenir d´un soir à Montauban
Candides ardeurs, nos cœurs je me rappelle
S´étaient donnés si jeunes sur un vieux banc
J´étais parti dans la nuit des vacances
Plus léger qu´un elfe au petit jour
Mais à présent à présent quand j´y pense
Je pleure toujours mon premier amour.

4. Fidèle, fidèle pourquoi rester fidèle
Quand tout change et s´en va sans regrets
Quand on est seul debout sur la passerelle
Devant tel ou tel monde qui disparaît
Quand on regarde tous les bateaux qui sombrent
Emportant les choses qu´on espérait
Quand on sait bien que l´on n´est plus qu´une ombre
Fidèle à d´autres ombres à jamais.

(Charles Trenet)

Illustration: Christian Schloe

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