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Posts Tagged ‘sonnet’

Sonnet en retard (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2022




    
Sonnet en retard

De Marília les signes ici sont restés,
Car tout est signe d’avoir été :
Si de fleurs je vois le sol tapissé,
C’est que du sol ses pieds les ont soulevées.

Du rire de Marília se sont formés
Les chants que j’écoute enchanté
Et les eaux courantes dans cette prairie
C’est des yeux de Marília qu’elles ont jailli.

Suivant sa trace, je vais de l’avant,
Sentant ou la douleur, ou la joie,
Entre l’une et l’autre la vie partageant :

Mais quand le soleil se cache, la nuit froide
Sur moi descend, et puis, misérable,
Après Marília je cours, après le jour.

***

Soneto atrasado

De Marília os sinais aqui ficaram,
Que tudo são sinais de ter passado:
Se de flores vejo o chão atapetado,
Foi que do chão seus pés as levantaram.

Do riso de Marília se formaram
Os cantos que escuto deleitado,
E as águas correntes neste prado
Dos olhos de Marília é que brotaram.

O seu rasto seguindo, vou andando,
Ora sentindo dor, ora alegria,
Entre urna e outra a vida partilhando:

Mas quando o sol se esconde, a noite fria
Sobre mim desce, e logo, miserando,
Após Marília corro, após o dia.

(José Saramago)

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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SONNET DE LA MEMOIRE INUTILE (André Berry)

Posted by arbrealettres sur 19 août 2020




Illustration: René Magritte

    
SONNET DE LA MEMOIRE INUTILE

A tous mes jours vécus je songe et je resonge,
A tout cet heureux temps que ma vie a tissé,
Et par un vain rappel un instant le prolonge…
Stérile souvenir, ô pourquoi ressassé?

Quand elle se dessèche ô qu’importe à l’éponge
Dans ses pores flétris quelle eau vive a passé;
Qu’importe au van rompu, quand la rouille le ronge,
A travers son treillis quel grain neuf a glissé?

Je n’ai plus de souci de ma propre mémoire
Que n’en a du vaisseau la mer compacte et noire,
Lorsque la voile blanche a disparu dans l’ouest.

Plus de souci je n’ai des heures abolies
Que n’en a le ciel clair des étoiles pâlies,
Quand l’astre qui les souffle a reparu dans l’est.

(André Berry)

 

Recueil: Poèmes involontaires suivi du Petit Ecclésiaste
Traduction:
Editions: René Julliard

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SONNET DES VAINS SOUVENIRS (André Berry)

Posted by arbrealettres sur 19 août 2020




    
SONNET DES VAINS SOUVENIRS

Souvenirs, Souvenirs, tristes spectres des choses,
Sans étoffes de chair que vous voilà déchus!
Avec quelle rigueur me paraissent recluses
Vos formes de brouillard dans les registres clos!

Des vers inconsistants, d’insaisissables proses
Rendront-ils leur substance à vos êtres abstrus?
Aux implacables dieux, aux intraitables Muses,
Je réclame des corps et n’obtiens que des mots.

Ombres des jours perdus, par les Champs-Elysées
Vous avez beau mener vos mornes thalysies,
Vous avez beau vous tordre en un bal éploré.

Lorsque de nos amours nos mains sont dessaisies,
Vos ouates de vapeur, vos gazes irisées
Ne sont qu’un mince emplâtre au coeur endolori.

(André Berry)

 

Recueil: Poèmes involontaires suivi du Petit Ecclésiaste
Traduction:
Editions: René Julliard

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SONNET DE LASSITUDE (André Berry)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2019




    
SONNET DE LASSITUDE

Je suis las d’être au gîte et suis las d’être errant,
Je suis las de mon masque et de mon vrai visage,
Je suis las d’être fou, je suis las d’être sage,
Je suis las d’être instruit, et las d’être ignorant.

Je suis las de déplaire et las d’être attirant,
Et las d’être fidèle et las d’être volage,
Je suis las d’être jeune et je suis las de l’âge,
Et je suis las de vivre et las d’être mourant.

Je suis las d’être moi, seul dans ma solitude,
Et las de mes pareils, las de leur lassitude;
Je suis las du hourrah, je suis las de l’hélas,

Las du temps qui recule et de l’heure indolente,
Las de la longueur longue et de la lenteur lente,
Las du lent, las du long, las du loin, las du las.

(André Berry)

 

Recueil: Poèmes involontaires suivi du Petit Ecclésiaste
Traduction:
Editions: René Julliard

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SONNET DE LA JOCONDE RANIMÉE (André Berry)

Posted by arbrealettres sur 11 mai 2019




    
SONNET DE LA JOCONDE RANIMÉE

Errant dans mon sommeil par cette galerie
Où de nuit et de jour sourit Mona Lisa,
Sur la bouche, soudain, de l’image chérie
D’un spontané transport ma bouche se posa.

Sa joue à mon toucher se fit tiède et fleurie;
A son front vint un feu, son regard s’attisa;
Un fin pleur remouilla sa paupière tarie;
Sa lèvre reprit musc, soufflant : « Dolce cosa!

« Ah! depuis cinq cents ans que, muette figure,
Je restais là figée en ma sèche peinture,
Sans que nul pour ma chair fit plus qu’un froid passant!

« Mais, en retour, prends-moi, toi qui crus à ma vie! »
Elle m’ouvrait les bras, à son cadre ravie.
L’étoffe s’abaissait sur son sein frémissant.

(André Berry)

 

Recueil: Poèmes involontaires suivi du Petit Ecclésiaste
Traduction:
Editions: René Julliard

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Sonnet pour éventail (Jules Laforgue)

Posted by arbrealettres sur 8 mai 2019



Sonnet pour éventail

Stupeur! Derrière moi, sans que j’aie existé,
Semant par l’infini les sphères vagabondes
En les renouvelant de leurs cendres fécondes,
A coulé lentement toute une éternité.

Jamais! Puis me voilà dans la nuit rejeté.
Tout est fini pour moi, cependant que les mondes,
L’autre éternité, vont continuer leurs rondes,
Aussi calmes qu’aux temps où je n’ai pas été.

Juste le temps de voir que tout est mal sur terre,
Que c’est en vain qu’on cherche un coeur à l’univers,
Qu’il faut se résigner à l’immense mystère,

Et que, sanglot perdu, lueur aux cieux déserts,
Pli qui fronce un instant sur l’infini des mers,
L’homme entre deux néants n’est qu’un jour de misère.

(Jules Laforgue)


Illustration: Vladimir Kush

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Quand j’écris le premier vers (Jean-Claude Pirotte)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2019




    
quand j’écris le premier vers
j’ignore tout du deuxième
j’allais dire du second
voici déjà le quatrième

la quatrain c’est le second
il n’y a pas de troisième
les tercets bientôt viendront
si le courage m’entraîne

et je commence un tercet
mû par la nécessité
d’aller au bout du sonnet

au fond ce n’est pas chinois
n’importe qui a le choix
de pratiquer comme moi

(Jean-Claude Pirotte)

 

Recueil: Gens sérieux s’abstenir
Traduction:
Editions: Le Castor Astral

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Sonnet de printemps (Jules Laforgue)

Posted by arbrealettres sur 28 août 2018



Sonnet de printemps

Avril met aux buissons leurs robes de printemps
Et brode aux boutons d’or de fines collerettes,
La mouche d’eau sous l’oeil paisible des rainettes,
Patine en zig-zags fous aux moires des étangs.

Narguant d’un air frileux le souffle des autans
Le liseron s’enroule étoilé de clochettes
Aux volets peints en vert des blanches maisonnettes,
L’air caresse chargé de parfums excitants.

Tout aime, tout convie aux amoureuses fièvres,
Seul j’erre à travers tout le dégoût sur les lèvres.
Ah! l’Illusion morte, on devrait s’en aller.

Hélas! j’attends toujours toujours l’heure sereine,
Où pour la grande nuit dans un coffre de chêne,
Le Destin ce farceur voudra bien m’emballer.

(Jules Laforgue)


Illustration: Vladimir Kush

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L’indifférence (Robert Sabatier)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2018



Duy Huynh autumn

L’indifférence

Me rejoignit dans sa cape de neige
L’indifférence et je lui pris les mains.

Hiver, hiver, je ne sais rien de vous.
Ni les sonnets de Michel-Ange, ni
Les Vers Dorés qu’écrivit Pythagore
Ne charment plus ma mémoire infidèle.

Chantons, veux-tu, l’écoulement du temps,
Les vieux désirs quand tempêtes s’endorment,
Et la mosquée où tu connus l’exil,
Toi que l’Église avait déjà chassé.

Pétrarque ? Oubli. Ronsard, Apollinaire ?
Oublis. Tristesse, oubli des mots de l’autre.
Accomplis-moi, ma seule indifférence.

(Robert Sabatier)

Illustration: Duy Huynh 

 

 

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Que penseront de mon chapeau (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 28 juillet 2018



Que penseront de mon chapeau,
d’ici cent ans, les Polonais ?

Que diront de ma poésie
ceux qui n’ont pas touché mon sang ?

Comment mesure-t-on l’écume
qui glisse hâtive de la bière ?

Que fait une mouche en prison
si c’est un sonnet de Pétrarque ?

(Pablo Neruda)


Illustration: René Magritte

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