Je marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d’affaires
Je donne des coups de pied dans une petite boîte en fer
Dans ma tête y a rien à faire
Je suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un petit peu trop fragile
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Je traîne fumée, je me retrouve avec mal au cœur
J’ai vomi tout mon quatre heures
Fêtes, nuits folles, avec les gens qu’ont du bol
Maintenant que je fais du music-hall
Je suis mal à la scène et mal en ville
Peut-être un petit peu trop fragile
Allô Maman bobo
Maman comment, tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Moi je voulais les sorties du port à la voile
La nuit, barrer les étoiles
Moi les chevaux, le revolver et le chapeau de clown
La belle Peggy du saloon
Je suis mal en homme dur
Et mal en petit cœur
Peut-être un petit peu trop rêveur
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Je marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d’affaires
Je donne des coups de pied dans une petite boîte en fer
Dans ma tête y a rien à faire
Je suis mal en campagne, j’suis mal en ville
Peut-être un petit peu trop fragile
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Allô Maman bobo
Maman, comment tu m’as fait, je suis pas beau
Une essence chasse une autre essence.
Quelle essence vaincra la haine ?
Je te laisse ce coffret vide
où tu rangeras tes trésors.
Et lorsque tu auras trouvé
le doux parfum des temps à venir
tu le cacheras dans le coffret.
Tu iras au sommet
de la plus haute montagne
et tu ouvriras le coffret.
Le paradoxe du parfum,
c’est qu’il libère ce qu’il capture.
Tu ouvriras le coffret
et déverseras sur le monde
cette odeur de fruit pur, de rosée franche,
cette odeur de route à prendre dans le matin clair
avec laquelle tu es née
à laquelle tu ajouteras
toutes les trouvailles de ton fait,
une odeur de bonne semence
pour le triomphe de la récolte,
quand le pain amènera le rire,
quand, de jour comme de nuit,
la rivière arrosera les plantes
qui pousseront partout avec des coquetteries
de jolies filles habillées pour leur première sortie,
dans les cheveux des hommes et des femmes d’État,
dans les mains des nouveau-nés
comme un pari gagné sur leurs lignes de chance,
dans les armoires, entre deux vieilleries
pour appeler les vieux linges à leur vitalité.
(Lyonel Trouillot)
Recueil: Le doux parfum des temps à venir
Traduction:
Editions: Actes Sud
La poésie vient te trouver en vélo, en mobylette, en voiture
parfois elle arrive comme une amazone le glaive dressé
parfois elle te suit à la sortie du supermarché comme une mendiante en haillons
elle t’entraîne telle une porno-star dans les abysses imaginaires
elle te rappelle à l’ordre comme un directrice de maison de redressement
elle t’apparaît dans les tréfonds du sommeil telle une vierge immaculée
(…)
Quand j’étais petite
la nuit se tenait devant notre porte
et elle chantait d’étranges chants.
Pour les oiseaux qu’on ne voit pas.
Pour les pierres du chemin.
La nuit chantait
et moi
je dormais ou je veillais ?
Est-ce que je rêvais ?
Est-ce que je suis seule à entendre
le chant de la nuit sur la terre
aux portes des maisons ?
Qui berce le sommeil de ceux qui rêvent ?
La nuit a été une voix
qui m’a gardée
de toutes peurs.
Et puis la nuit s’est tue
et je suis restée seule.
Je suis sortie sur le seuil de la maison
J’ai appelé très doucement
Aucun son ne m’a répondu.
Dans ma poitrine
l’écho.
Assise sur le seuil
J’ai pleuré.
J’ai attendu le matin.
Et rien.
Les mots ont fui ma forêt solitaire
Perdus d’espace, privés d’eau,
Les arbres ont encor toutes leurs feuilles
Mais sur les branches plus un oiseau.
Leur chant rythmait un silence sans fond
Et l’immobilité des jours où le vent tombe.
Le vent peut agiter les feuilles, le silence
De mort n’en est que plus profond.
L’obscurité bougeait au bruissement des ailes
Et chaque feuille était le mirage d’un mot
Aujourd’hui plus une aile pour réveiller l’écho
De ma sombre forêt solitaire.
*
Les eaux de la mémoire ont délaissé mes plages,
Le temps de marée haute est bien fini,
Je suis de sable sec où de blancs coquillages
Rappellent le passé dans le sol endormi.
Des pas dans mon désert marquent seuls le passage
D’une vie qui m’échappe, et de qui, de quels dieux
Inconnus, de quel temps, de quels âges ?
J’avance avec ces mêmes pas, mais d’autres yeux
*
Le silence est si dur qu’on marcherait dessus,
Le sol est un pain sec tout rond, tout noir, mon âme
Si de ce corps tout sec aussi, durci, fourbu,
Tu trouves la sortie va-t’en à coups de rames
Sur le grand fleuve roux de soleil qui voisine
Et dans ce fond d’eau claire et de fraîcheur chemine
Jusqu’au retour de pluie on terre et ciel fondus
Dans une même chair au printemps revenus
Comme deux amoureux que le soleil marie
Voient la croûte changée en nourrissante mie.
Le silence est si blanc qu’on écrirait dessus.
La page luit comme un morceau de glace lisse.
Ma plume retiens-toi de glisser, n’écris plus,
C’est un piège tendu par la froide malice
Qui du plaisir d’aller plus vite fait un don.
Ne sais-tu pas que la vitesse est sans pardon
Quand l’âme ne suit plus, quand l’esprit se dérobe,
Arrête-toi, retiens ta chute, enfonce-toi
Par la pointe en ce papier glissant qui nous daube,
L’heure viendra de rompre un silence si froid.
Le silence est si lourd qu’on se pendrait à l’arbre.
Pas une feuille, un fruit, ne bouge, on les dirait
Comme le tronc qui les porte construits en marbre
Et l’absence du bruit damne à mort la forêt.
La vie dans ce trépas ne trouve plus d’issue,
Plus d’oiseaux pour l’ouïe et le bonheur des yeux,
Plus un bourdonnement d’insecte, tout est vieux,
Sourd et muet dans l’écorce, le bois, la nue
D’où ne tombera plus une goutte de pluie,
Et dans ma chair aussi l’âme ne chante plus.
*
Je n’ai pas moins de force en mon hiver
Que la pomme de jus après l’automne,
Je marcherai jusqu’au bord de la mer
Comme le fleuve au versant s’abandonne.
Nul au monde parmi ceux qui voient clair
Ne trouvera l’endroit de ma présence,
Je serai, mort, comme le vent de mer
Qui semble finir là et plus loin recommence.
Un jour rappelle-toi
cette ville dépecée
entre le bruit la bêtise et la douleur.
On a créé l’infidélité,
le bleu des trottoirs d’un autre continent.
La folie est devenue utile.
Nous nous appliquons à dessiner
des portes de sortie