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DES CONTEMPTEURS DU CORPS (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2022



Christian Schloe   75_b [1280x768]

DES CONTEMPTEURS DU CORPS

C’est aux contempteurs du corps que je veux dire leur fait.
Ils ne doivent pas changer de méthode d’enseignement,
mais seulement dire adieu à leur propre corps — et ainsi devenir muets.

« Je suis corps et âme » — ainsi parle l’enfant.
Et pourquoi ne parlerait-on pas comme les enfants ?

Mais celui qui est éveillé et conscient dit :
Je suis corps tout entier et rien autre chose ;
l’âme n’est qu’un mot pour une parcelle du corps.

Le corps est un grand système de raison,
une multiplicité avec un seul sens,
une guerre et une paix, un troupeau et un berger.

Instrument de ton corps, telle est aussi ta petite raison que tu appelles esprit,
mon frère, petit instrument et petit jouet de ta grande raison.

Tu dis « moi » et tu es fier de ce mot.
Mais ce qui est plus grand, c’est — ce à quoi tu ne veux pas croire —
ton corps et son grand système de raison : il ne dit pas moi, mais il est moi.

Ce que les sens éprouvent, ce que reconnaît l’esprit, n’a jamais de fin en soi.
Mais les sens et l’esprit voudraient te convaincre qu’ils sont la fin de toute chose : tellement ils sont vains.

Les sens et l’esprit ne sont qu’instruments et jouets : derrière eux se trouve encore le soi.
Le soi, lui aussi, cherche avec les yeux des sens et il écoute avec les oreilles de l’esprit.

Toujours le soi écoute et cherche : il compare, soumet, conquiert et détruit.
Il règne, et domine aussi le moi.

Derrière tes sentiments et tes pensées, mon frère, se tient un maître plus puissant, un sage inconnu — il s’appelle soi.
Il habite ton corps, il est ton corps.

Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse.
Et qui donc sait pourquoi ton corps a précisément besoin de ta meilleure sagesse ?

Ton soi rit de ton moi et de ses cabrioles.
« Que me sont ces bonds et ces vols de la pensée ? dit-il.
Un détour vers mon but. Je suis la lisière du moi et le souffleur de ses idées. »

Le soi dit au moi : « Éprouve des douleurs ! »
Et le moi souffre et réfléchit à ne plus souffrir — et c’est à cette fin qu’il doit penser.

Le soi dit au moi : « Éprouve des joies ! »
Alors le moi se réjouit et songe à se réjouir souvent encore — et c’est à cette fin qu’il doit penser.

Je veux dire un mot aux contempteurs du corps.
Qu’ils méprisent, c’est ce qui fait leur estime.
Qu’est-ce qui créa l’estime et le mépris et la valeur et la volonté ?

Le soi créateur créa, pour lui-même, l’estime et le mépris, la joie et la peine.
Le corps créateur créa pour lui-même l’esprit comme une main de sa volonté.

Même dans votre folie et dans votre mépris, vous servez votre soi, vous autres contempteurs du corps.
Je vous le dis : votre soi lui-même veut mourir et se détourner de la vie.

Il n’est plus capable de faire ce qu’il préférerait : — créer au-dessus de lui-même.
Voilà son désir préféré, voilà toute son ardeur.

Mais il est trop tard pour cela :
— ainsi votre soi veut disparaître, ô contempteurs du corps.

Votre soi veut disparaître, c’est pourquoi vous êtes devenus contempteurs du corps !
Car vous ne pouvez plus créer au-dessus de vous.

C’est pourquoi vous en voulez à la vie et à la terre.
Une envie inconsciente est dans le regard louche de votre mépris.

Je ne marche pas sur votre chemin, contempteurs du corps !
Vous n’êtes point pour moi des ponts vers le Surhumain ! —

Ainsi parlait Zarathoustra.

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Christian Schloe

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ÉLOGE DU SOUFFLEUR (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2020



 

mer

ÉLOGE DU SOUFFLEUR
(pour John Coltrane)

à Mimi Lorenzini

Je pars d’un point
et je vais le plus loin possible
au plus loin des possibles
je prends une note
et je la transforme
en colonne sans fin
sans relâche et sans fin
je ménage des ouvertures
dans la peau du monde
des irruptions de jardins clos
des baies vitrées
dans la chair même du son
je joue les notes comme je les vois
je n’invente rien
je fais apparaître
les désordres fluides du vivant
les marbres tremblés du temps
jusqu’à resplendir
jusqu’à m’accorder
au mouvement perpétuel de la lumière
oui
j’attends que la lumière
se pose sur mes notes
comme un amant

comme un aimant
comme l’aimant des apparitions
là où tout palpite
au fond de l’infiniment sensible
où l’identité n’est
plus qu’un vacillement
pourquoi moi pourquoi toi
toutes les aubes viennent à ma bouche
toutes les aubes
respectent l’arc-en-ciel
je suis un argonaute du souffle

Je pars d’un point
et je vais toujours plus loin
j’avance le long de ma ligne de coeur
un peu Orphée un peu Faust
je passe à travers tous les cercles
naissances morts renaissances
s’en vont s’en reviennent
à chaque seconde de chaque solo
je traverse mille frontières
pour une liberté enfin déliée
pour un surcroît de bienveillance
j’absorbe tout
au velours de la vraie vie
au velours de la vraie nuit
j’accepte le chaos
dès lors qu’il apaise
dès lors qu’il irise
dès lors qu’il flamboie
je n’aime pas la redite

mais l’obsession
je métamorphose
je tourbillon
je vortex
je voudrais me réveiller
dans chacun de vos rêves
je voudrais vous faire entendre
les grands territoires de la solitude
chacune de mes notes met un mot
sur votre mélancolie
un mot un seul
un mot d’orage éblouissant
un mot minéral
un mot volcanique
en plein coeur du monde et
out of this world
écoutez-moi
j’ouvre un espace
j’ouvre l’espace même
mes trilles ont le pouvoir
d’effacer tous les maux
je suis un ange viril

Je pars d’un point
mais quel est ce je
qui part d’un point
mon je n’est pas un je
c’est un vrai jeu un grand jeu
un je qui joue qui noue et dénoue
un je-nous un je-monde
un je immensément collectif
inconditionnel
un je qui n’est que musique
je suis une pensée qui chante
inexorable
une pensée sonore
qui ne cesse de s’élever
une pensée qui sature votre coeur
d’une douceur rugueuse
une pensée qui bruit à chaque instant
n’attendez pas de mourir
pour écouter vraiment vos étoiles internes
n’attendez pas de mourir
pour donner naissance
au meilleur de vous-même
mille roses ouvertes dans le vide
a love supreme
un amour à jamais suprême
pour parler de la constellation des âmes
reconnaissance
accomplissement
voilà tout le baume de ma véhémence
je suis un descendant de ces hauteurs
où pense la lumière
tout n’était que son
et j’étais au milieu du son
jamais je n’ai joué
sans tout donner
jamais je n’ai joué sans vous aimer
je suis le sourire du déluge

(Zéno Bianu)

Illustration

 

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Le souffleur (Jean-Claude Xuereb)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2020



 

souffleur  9

Le souffleur, au bout de son tube, arrondit et
nourrit la boule de feu. Puis il informe dans la
pâte la sveltesse d’un col, la bouderie d’une lèvre,
la flânerie d’une joue, on ne sait quelles prémisses
d’un visage embouti dans le façonnement de
l’objet. Des farines de couleur plus vraies que
nature, se fondent, mûrissent, s’irisent,
transparaissent ou s’opacifient.

Dans l’art de jouer avec le feu, il se peut que la
beauté consente à se lover dans le piège lumineux
tendu par l’oracle du verre.

(Jean-Claude Xuereb)

 

 

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LE SABLIER (Jean-Louis Rambour)

Posted by arbrealettres sur 12 septembre 2018



LE SABLIER

Le souffleur (d’autres diront : le vent)
Lui serre la ceinture.
Mais toujours le temps passe
Par le trou du temps ;
Ce sable
Dont je suis le centre.

(Jean-Louis Rambour)

Illustration

 

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Lampe de chair (François Muir)

Posted by arbrealettres sur 7 août 2018



Illustration
    
Lampe de chair, trop faible.
Qu’éclaires-tu ?
Es-tu danse amnésique
Au milieu de mirages ?
Qui te porte ?
Un souffleur ?

(François Muir)

 

Recueil: Toi, l’égaré (poèmes inédits)
Traduction:
Editions: La lettre volée

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Devant la dévastation (Dominique Fourcade)

Posted by arbrealettres sur 9 juin 2016



devant la dévastation l’horreur l’urgence les mots tous les mots se réunirent et élurent l’un d’entre eux
le mot myosotis fut instantanément choisi pour survivre
et monter dans l’arche
parce qu’il fallait un mot printanier
un mot extrême
un mot qui signifiât ne m’oubliez mie
qui est mie ? qui est mienne ?
l’espèce humaine bien sûr
les mots sont l’espèce humaine
(tout cela est arrivé alors que je m’étais baissé pour photographier tes chevilles
toi mon amour qui es l’espèce humaine
moi qui t’appartiens n’appartenant qu’aux mots)
et maintenant ce mot est seul dans l’arche
les mots ne sont pas des possédants
les mots de l’espèce sont des possédés
mais ce n’est pas l’espèce qui les possède

le mot myosotis n’est pas sur une orbite de bonheur
il a à voir avec l’absence l’éloignement l’interruption
il est lié à du très vivant à du très impossible à de l’arraché à de l’extrême impossible
ainsi qu’à l’angoisse de l’oubli
mots du souffleur
ô mots qui ne se possèdent pas
qui ne possèdent même pas le mot oubli
mots qui êtes tous des myosotis

ce n’est aucun homme qui est le souffleur

c’est le souffle

c’est un mot qui joue de dos
et ne me dit rien sur lui-même ni sur toi
ni sur moi
il est seulement le dernier mot dans l’angoisse de l’amour
avant l’abandon de tout mot
les mots sont des possédés de réel des possédés d’amour d’angoisse
et celui-là plus qu’aucun autre
possédé d’oubli

mot bleu
sûreté dramatique
ouvrant au temps sans mot
temps tout autre

posant la question d’un temps autre
celle d’un autre mot
à temps sans sol
comment le vivre

monde à temps sans temps

espèce
désastre
ô mienne

les hommes doivent des excuses à la poésie (ce ne sont pas les hommes qui sont l’espèce humaine)

(Dominique Fourcade)

Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha

 

 

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Le sablier (Jean-Louis Rambour)

Posted by arbrealettres sur 19 mars 2016



Le souffleur (d’autres diront: le vent)
Lui serre la ceinture.

Mais toujours le temps passe
Par le trou du temps;

Ce sable
Dont je suis le centre.

(Jean-Louis Rambour)

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