La fouine, en tapinois,
Est sortie du sous-bois.
Pour faire un mauvais coup.
Poules, poussins, cachez-vous !
La fouine
Chafouine
S’avance en douce.
Elle veut vous croquer tous.
(Corinne Albaut)
Recueil: Comptines des secrets de la Forêt
Traduction:
Editions: Actes Sud Junior
Il se pourrait que le ciel nous tombe sur la tête
Il se pourrait qu’un jour
Il ne reste plus rien de nous
Qu’une image qui flotte sur l’eau des mares
Qu’une trace laissée sous les fougères
Dans l’ombre odorante et mystérieuse des sous-bois
Qu’un souvenir épars dans la poussière du temps
Il se pourrait aussi que nul ne passe
Et ne trouve cette trace image ou souvenir
Et que plus rien ni personne jamais
N’atteste que nous avons été
Tu savais que quelqu’un viendrait
pour décrypter ton passage
débusquer cette vérité
où s’incubait ton exil
et porter aux armes du jour
ton témoignage de sous-bois.
À l’envers de l’ombre il y a un chant
d’oiseau au bord d’un étang le grand soleil d’été
L’ombre est celle d’un frêne il frémit imperceptiblement
Le chant la voix d’une mésange quatre notes flûtées
L’ombre c’est moi encore peut-être qu’elle ombrage
Ce fut moi qui écoutais l’oiseau Le ciel pâle
en moi se mire dans l’eau de l’étang
Les feuilles du frêne éparpillent leur chuchotement
et l’herbe vive crépite de sautereaux verts
Je voudrais toucher une à une chaque note du chant
de la mésange avec mes doigts pour être sûr
que ce qu’elle chante c’est pour de vrai
chaque note une anémone blanche très petite
dans l’épaisseur du sous-bois Chaque son pur
qui se lève et dit C’est moi le sol mineur
à haute enfantine irrécusable voix
Les années autrefois étaient plus immobiles
les frênes les mésanges l’herbe les étangs
plus certains Tout était pour de vrai
Ce qui existe a l’air d’exister moins
d’être moins sûr de son droit ou bien
est-ce moi ?
À l’envers du temps la mésange s’arrête de
chanter l’arbre de frissonner Je reviens sur mes pas
Je te parle tu me réponds toi ma vie à
l’endroit de l’ombre et du temps
ma pour de vrai
(Claude Roy)
Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse
Si d’aventure le souffle
Un jour vient à manquer,
Choisis une rivière.
Peuple-la de grands arbres
Épris de vent, de lumière.
Arpente ses sentiers,
Ses sous-bois, ses halages !
Compose avec ses infinis,
Ses méandres, ses silences.
Déchiffre ses inconnus,
Cherche son nom secret,
Ne te retiens pas d’avancer.
Trouve-toi des compagnons de route,
Des passants du soleil
Qui savent s’arrêter,
Prendre leur temps,
Puis te laisser aller.
Ne compte pas tes pas,
N’arrête pas les heures,
Fais confiance aux courants,
Laisse-toi respirer.
(Jean Lavoué)
Recueil: Levain de ma joie
Traduction:
Editions: L’enfance des arbres
Deux routes divergeaient dans un bois jaune;
Triste de ne pouvoir les prendre toutes deux,
Et de n’être qu’un seul voyageur, j’en suivis
L’une aussi loin que je pus du regard
Jusqu’à sa courbe du sous-bois.
Puis je pris l’autre, qui me parut aussi belle,
Offrant peut-être l’avantage
D’une herbe qu’on pouvait fouler,
Bien qu’en ce lieu, vraiment, l’état en fût le même,
Et que ce matin-là elles fussent pareilles,
Toutes deux sous des feuilles qu’aucun pas
N’avait noircies. Oh, je gardais
Pour une autre fois la première!
Mais comme je savais qu’à la route s’ajoutent
Les routes, je doutais de jamais revenir.
Je conterai ceci en soupirant,
D’ici des siècles et des siècles, quelque part :
Deux routes divergeaient dans un bois; quant à moi,
J’ai suivi la moins fréquentée
Et c’est cela qui changea tout.