Seul debout.
Seul assis.
Seul couché.
Seul sur the gril.
Seul écartelé par les chevaux de labour
dont il ne voyait que les croupes.
Seul pendu et son sperme devint mandragore.
Seul dans la vitesse qui n’est pas,
dans la minute qui n’est pas,
dans l’espace qui n’est pas,
dans le temps qui n’est pas,
dans l’éternité qui n’est pas,
dans l rien qui ne l’est pas,
dans le vide plein de boue.
Seul dans un bloc de quartz ignoble,
dans un iceberg en voyage.
Seul avec la solitude qui n’en est pas une.
Avec la lune qui fut sans être.
Avec ses pas qui n’en sont pas.
Avec ce tison qui se croûte et qui brûle au milieu
et se croûte et brûle dans un songe qui n’est même pas un songe.
Seul avec le sommeil du condamné à mort.
***
Alone
Alone standing.
Alone sitting.
Alone lying down.
Alone on the grille.
Alone drawn and quartered by workhorses,
seeing only their rumps.
Alone hanging, ejaculating a mandrake.
Alone in the quickness that isn’t,
in the minute that isn’t,
in the space that isn’t,
in time that isn’t,
in eternity that isn’t,
in the nothing that isn’t,
in an emptiness full of mud.
Alone in a corrupted chunk of quartz,
in an iceberg floating by.
Alone in solitude that isn’t.
With a moon that was without being.
With his footsteps that aren’t footsteps.
With this ember that crusts over and burns at its center,
and crusts and burns in a dream that isn’t even a dream.
Alone in the sleep of the condemned to death
Les Jets vont vivre leur heure de gloire
Cette nuit.
Les Sharks vont avoir leur revanche
Cette nuit.
Les Portoricains ne cessent de geindre : « Combat loyal ».
Mais si ils cherchent la bagarre,
On va se battre sans ménagement.
On leur réserve une surprise
Cette nuit.
On va les écraser
Cette nuit.
On s’est mis d’accord :« Ok, pas de bazar,
Pas de pièges. »
Mais juste au cas où ils nous tomberaient sur le râble,
On est prêts à mettre le feu
Cette nuit.
On va tout déchirer cette nuit,
On va s’éclater, ça va swinguer !
Ils vont comprendre, cette nuit ;
Plus ils nous chaufferont, plus on leur fera mal !
Ce sont eux qui ont commencé !
Ce sont eux qui ont commencé !
Et nous allons les bouter une bonne fois pour toutes,
Cette nuit !
Anita va bien prendre son pied
Cette nuit.
Nous allons nous retrouver, seuls tous les deux
Cette nuit.
Il va rentrer tout suant et harassé,
Eh bien ?
Qu’importe la fatigue,
Du moment qu’il sent la sueur
Cette nuit !
Cette nuit, ce soir,
Ce ne sera pas n’importe quelle nuit,
Cette nuit il n’y aura pas d’étoile du matin.
Cette nuit, ce soir, je verrai mon amour ce soir.
Et pour nous les étoiles se figeront dans le ciel
Aujourd’hui
Les minutes semblent des heures,
Les heures s’écoulent lentement,
Et le soleil brille encore…
Ô lune, réveille-toi,
Et change ce jour interminable en une nuit sans fin !
J’espère que tu ne nous feras pas faux bond
Cette nuit.
Lorsque Diesel gagnera à la loyale
Cette nuit.
Ces minables de Portoricain
Vont perdre.
Et quand il braillera « Mon oncle ! »
Nous brûlerons leur quartier !
Alors, je peux compter sur toi, mon gars ?
D’accord.
On va vraiment s’en payer une tranche.
D’accord.
Du ventre à la tombe !
Du sperme aux vers !
Je te verrai là-bas vers 8h.
Cette nuit…
Cette nuit, ce soir
Ce ne sera pas n’importe quelle nuit,
Cette nuit il n’y aura pas d’étoile du matin.
On va tout déchirer cette nuit !
Ils vont comprendre, cette nuit,
Ils ont commencé,
Ils ont commencé,
Ils ont commencé.
Et nous allons les bouter une bonne fois pour toutes,
Les Sharks vont avoir leur revanche,
Les Sharks vont connaître leur heure de gloire,
On va tout déchirer cette nuit.
Cette nuit !
Cette nuit, ça va swinguer !
Cette nuit !
Ils ont commencé,
Et c’est nous qui allons les arrêter une bonne fois pour toutes !
Les Jets vont avoir leur revanche,
Les Jets vont connaître leur heure de gloire.
On va tout déchirer cette nuit.
Cette nuit !
Cette nuit, ce soir,
Tard dans la nuit,
Nous allons nous retrouver cette nuit.
Anita va se régaler,
Anita va se régaler,
Bernardo va bien profiter
Cette nuit, ce soir,
Cette nuit, c’est cette nuit,
Nous allons nous éclater cette nuit !
Cette nuit, ce soir,
Je retrouverai mon amour ce soir.
Et pour nous les étoiles se figeront dans le ciel.
Aujourd’hui les minutes semblent des heures.
Les heures s’écoulent lentement,
Et le soleil brille encore.
Ô lune, réveille-toi,
Et change ce jour interminable en une nuit sans fin,
Cette nuit !
***
Tonight.
The Sharks are gonna have their way
Tonight.
The Puerto Ricans grumble: « Fair fight. »
But if they start a rumble,
We’ll rumble ’em right.
We’re gonna hand ’em a surprise
Tonight.
We’re gonna cut ’em down to size
Tonight.
We said, « O.K., no rumpus,
No tricks. »
But just in case they jump us,
We’re ready to mix
Tonight.
We’re gonna rock it tonight,
We’re gonna jazz it up and have us a ball!
They’re gonna get it tonight;
The more they turn it on the harder they’ll fall!
Well, they began it!
Well, they began it!
And we’re the ones to stop ’em once and for all,
Tonight!
Anita’s gonna get her kicks
Tonight.
We’ll have our private little mix
Tonight.
He’ll walk in hot and tired,
So what?
Don’t matter if he’s tired,
As long as he’s hot
Tonight!
Tonight, tonight,
Won’t be just any night,
Tonight there will be no morning star.
Tonight, tonight, I’ll see my love tonight.
And for us, stars will stop where they are.
Today
The minutes seem like hours,
The hours go so slowly,
And still the sky is light . . .
Oh moon, grow bright,
And make this endless day endless night!
I’m counting on you to be there
Tonight.
When Diesel wins it fair and square
Tonight.
That Puerto Rican punk’ll
Go down.
And when he’s hollered « Uncle »
We’ll tear up the town!
So I can count on you, boy?
All right.
We’re gonna have us a ball.
All right.
Womb to tomb!
Sperm to worm!
I’ll see you there about eight.
Tonight . . .
Tonight, tonight
Won’t be just any night,
Tonight there will be no morning star,
We’re gonna rock it tonight!
They’re gonna get it tonight,
They began it,
They began it,
The began it.
We’ll stop ’em once and for all.
The Sharks are gonna have their way,
The Sharks are gonna have their day,
We’re gonna rock it tonight.
Tonight!
We’re gonna jazz it tonight!
Tonight!
They began it,
And we’re the ones to stop ’em once and for all!
The Jets are gonna have their way,
The Jets are gonna have their day.
We’re gonna rock it tonight.
Tonight!
Tonight, tonight,
Late tonight,
We’re gonna mix it tonight.
Anita’s gonna have her day,
Anita’s gonna have her day,
Bernardo’s gonna have his way
Tonight, tonight,
Tonight, this very night,
We’re gonna rock it tonight!
Tonight, tonight,
I’ll see my love tonight.
And for us, stars will stop where they are.
Today the minutes seem like hours.
The hours go so slowly,
And still the skiy is light.
Oh moon, grow bright,
And make this endless day endless night,
La théorie du cheval — la frise des femmes.
Les animaux qui auscultent le silence de la nuit,
une adolescente empêtrée dans une toile d’araignée,
un cri mourant dans le silence le plus froid.
L’explosion des épaules, le poing de ce regard,
la torsion de ce corps dans la fureur de l’amour,
l’explosion des mots comme le sperme dans la vulve,
la douceur satinée qui émane d’une lumière.
La nuit amoureuse jusqu’à la fin de la nuit.
Il n’existe pas de spectacle pour la vision intime.
Les corps les plus doux s’allument comme des lampes
et se baignent dans l’huile heureuse de l’absolu.
(António Ramos Rosa)
Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard
L’épaisse peau du ventre tendu vibrant comme un arc
l’épaisse pluie sur les ténèbres de la case
l’épaisse nuit marbrée d’éclairs et de grondements
l’épaisse chaleur dégoulinant de sueur et de sève
d’épaisses larmes de lait de sang d’urine et de sperme
l’épaisse foule de solitudes croisant leurs jambes dans la danse
l’épaisse rumeur de l’épaisse forêt dans un infime coin de l’espace désert
Il faut parler avec clarté des pierres claires,
des pierres sombres,
de la roche ancestrale, du rayon bleu
resté prisonnier au coeur du saphir,
et du rocher statuaire en sa grandeur
irrégulière, du vol sous-marin,
de l’émeraude et de son brasier vert.
Parfait, mais le caillou
ou la marchandise qui scintille de feux,
oui, l’éclair vierge du rubis
ou la vague congelée de la côte,
le jais secret qui a choisi
de l’ombre l’éclat négatif,
répondez-moi, répondez au pauvre mortel:
de quelle mère sont-ils venus, du sperme
de quel volcan, de quel océan, de quel fleuve,
de quelle flore antérieure, de quel parfum,
interrompu par la clarté glaciale?
J’appartiens à ces hommes transitoires
qui fuyant l’amour dans l’amour
sont restés brûlés, partagés
en chair et en baisers, en propos noirs
mangés par l’ombre :
je ne suis pas fait pour tant de mystères :
j’ouvre les yeux et ne vois rien :
je palpe la terre et je poursuis mon voyage
tandis que le brasier ou la fleur, la fragrance ou l’eau
se muent en races de cristal,
oeuvres de la lumière se font éternité.
Tu étais mon absence.
Partout où je respirais, tu me trouvais
dans la parole
qui parlait pour revenir
vers ce lieu.
Le silence
était
dans les abattoirs de l’errance
et la moelle
d’une hâte habile de putain, une faim
qui est devenue
un lit pour moi,
comme si l’aveugle
fureur d’Ezéchiel
que je découvrais, le «Vivez» et le
«Oui, il nous a dit,
quand nous étions dans notre sang,
Vivez», avait été simplement ta façon
de m’approcher —
comme si quelque part,
visible, une pierre arctique, aussi blanche
que le sperme, s’était
écoulée, phrase-flamme après phrase-flamme,
de tes lèvres.
Je suis la fille la plus nue du monde.
Je n’ai que ma bouche et mes seins légers,
je n’ai que mon ombre entourée de flammes,
et les fuseaux orageux de mes jambes pour tisser la soie des jours amoureux.
Je n’ai de trésor que moi-même.
Je suis l’abeille solitaire perdue dans le grand soleil,
loin des herbages, loin des sources,
l’abeille mère de la ruche, et le miel coule goutte à goutte de ma plus intime blessure.
Le désir me prend, le désir me quitte, je suis toujours nue et toujours entière,
et dans le plaisir où je plonge aveugle, c’est encore ma vie que je persécute,
c’est encore le feu que je poursuis à perdre haleine.
La mer lointaine, riche en semences, riche en merveilles diamantines,
baigne mon corps de part en part et le traverse.
La mer danse au fond de mes veines avec le sang brutal et cajoleur.
La mer salée palpite entre mes jambes, et le bruit des petites vagues couvre la voix de l’univers.
Ô bouche qui me mets au monde, mains qui donnez épaisseur à ma chair,
mains viriles qui me sacrez dans ma vérité opulente,
Ô regards débordants de sève, que serais-je encore sans vous !
Je ne suis rien, mais je suis reine quand l’ovation du désir mâle soulève vers moi ses couronnes lucides…
Au fond des ténèbres, dans l’enchevêtrement des muscles et du sang,
repose l’oeuf de lumière que le plaisir va féconder.
Certitude de la vie !
Il ne faut qu’un cri pour éclore, il ne faut qu’un cri pour nommer la récompense fabuleuse.
La marée sombre qui m’enlève quand je me referme sur l’homme si dur,
dresse mes seins, gonfle mes lèvres, et couvre mes paupières minces d’un sable d’or et de feu.
C’est un orage consolant, c’est un diamant roulé dans ma gorge profonde,
c’est un ciel de pierre et de limon pour répondre au stupide azur !
Au pied des monts et des forêts, au pied de la haute falaise givrée de sueurs et de larmes,
j’étends mon corps nu et sans tache, comme un miroir.
Miroir à capturer la flamme, miroir à cajoler la mer,
face ruisselante de sperme où l’espoir de l’homme, loup traqué, graine d’eau pure,
reconnaîtra toujours son plus certain visage.