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Poésie

Posts Tagged ‘succomber’

Je respire où tu palpites (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2021



Je respire où tu palpites

Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t’en vas ?

A quoi bon vivre, étant l’ombre
De cet ange qui s’enfuit ?
A quoi bon, sous le ciel sombre,
N’être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t’en ailles
Pour qu’il ne reste plus rien.

Tu m’entoures d’Auréoles;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t’envoles
Pour que je m’envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne
Si je n’entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s’en va ? Je ne sais pas.

Quand mon orage succombe,
J’en reprends dans ton coeur pur ;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d’azur.

L’amour fait comprendre à l’âme
L’univers, salubre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l’infini

Sans toi, toute la nature
N’est plus qu’un cachot fermé,
Où je vais à l’aventure,
Pâle et n’étant plus aimé.

Sans toi, tout s’effeuille et tombe ;
L’ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Je t’implore et réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
O fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie
Si tu n’es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l’autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile
L’inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l’étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose
Qu’illuminait ta douceur ?
Que répondrai-je à la rose
Disant :  » Où donc est ma soeur ? »

J’en mourrai ; fuis, si tu l’oses.
A quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu’elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin ?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !

(Victor Hugo)

Illustration:Edvard Munch

 

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Pourquoi (Alain Bosquet)

Posted by arbrealettres sur 20 octobre 2019




Pourquoi faut-il que les lundis
étranglent les dimanches;
et l’automne, l’été;
et l’heure adulte, l’heure la plus jeune?
Sous les jardins,
d’autres jardins ont expiré.
Derrière le soleil,
d’autres soleils succombent,
comme de vieux habits dans une armoire.
Il n’interroge plus:
il aime une musique.

(Alain Bosquet)

 

 

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Obsession du temps (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 25 août 2019



Obsession du temps

Jamais ne se cicatrisent
Du temps les blessures
Je succombe
Aux heures d’ennui
Dont le venin s’instille en moi
Minute par minute
Au rythme régulier
Et lancinant
Du balancier
Et mon regard
Suit
Inlassablement
Hypnotisé
Le disque de cuivre
Ciselé
Qui oscille
Dans les entrailles
De l’horloge
De ma grand-mère
Qui tousse.

(Jean-Baptiste Besnard)

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Demain (Léon Deubel)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2019



 

Demain

En vain, le jour adverse évoque ceux qui tombent
Et dont la chute, au loin, dans l’âme nous répond :
En vain, le fleuve nu prépare sous ses ponts
Un départ, sans adieux, d’irrésistibles tombes ;

En vain, pour dévoyer mon effort qui succombe,
La noire Faim suspend de périlleux balcons
Sur les galets battus de rêves inféconds ;
En vain, l’amer chagrin réprimé vire en trombe ;

Demain paraît ! Demain ! jour où, sur plus d’un front,
Tournants et lumineux, mes pas s’affermiront,
Où d’un geste, arrachant des trompettes à l’ombre

Pour déployer mes cris jusqu’au suprême azur,
Comme une horde dense au milieu des décombres,
Je pousserai mes vers sur le monde futur.

(Léon Deubel)

Illustration: Caspar David Friedrich

 

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Marées (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 17 mai 2019



Marées

Le monde succombe
Aux mains des égorgeurs
En carcan de haine
Qui déciment les corps innocents

Puis s’échappant comme l’eau
De toute emprise
La liberté jaillit
Hors du joug des violences
Et des harnais du temps

Mais qui ramènera
Des contrées
De l’ombre et des glaives
Ces vies interrompues
Aux lisières de nos vies ?

(Andrée Chedid)

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Final provisoire (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 2 mai 2019



Final provisoire

Jamais ne se cicatrisent vraiment
Les blessures du cœur.
Je succombe peu à peu
Aux heures mortelles d’ennui
Dont le venin s’instille en moi
Minute par minute
Au rythme régulier
Et lancinant
Du balancier
Et mon regard suit
Inlassablement
Hypnotisé
Le disque de cuivre ciselé
Qui brille comme un soleil
De pacotille
Et oscille comme un débile
Dans les entrailles de l’horloge
Mais sans battre comme un cœur.

(Jean-Baptiste Besnard)

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Le merisier et le poirier (Ossip Mandelstam)

Posted by arbrealettres sur 14 mars 2019



Illustration
    
Le merisier et le poirier m’ont pris pour cible,
Sans un raté leur force friable me crible.

Les étoiles et grappes, les grappes et étoiles :
Double pouvoir ? La vérité, dans quels pétales ?

Cet éclat, cette ardeur, est-ce l’air qui se venge
De l’air, succombant sous les coups de plommées blanches ?

Et la double senteur, ô douceur invivable,
Qui est joute et attrait — mélangée, séparable…

(Ossip Mandelstam)

***

 

Recueil: Les poésies d’amour
Traduction: Henri Abril
Editions: Circé

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Chant d’automne (Charles Baudelaire)

Posted by arbrealettres sur 19 novembre 2018



Chant d’automne

I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.

J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C’était hier l’été ; voici l’automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II

J’aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd’hui m’est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l’âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D’un glorieux automne ou d’un soleil couchant.

Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l’été blanc et torride,
De l’arrière-saison le rayon jaune et doux !

(Charles Baudelaire)

 

 

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SEUL, LE VISAGE (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2018



 

Erik Johansson x478

SEUL, LE VISAGE

L’arbre a perdu l’oiseau
Et le chemin son aube,
Une colombe agonise contre la nuit.
Où sont nos compagnons ?
Où donc est le royaume ?
Pour qui parles-tu,
Et pourquoi j’écris ?

Nous vivons la plupart du temps comme des ombres
Des ombres, dont nous serions le fruit.

L’homme qui combat avec armes et lanternes,
L’homme qui succombe, plaies et cavernes,
Renaît avril des batailles,
Bleu des larmes, profonde fleur.

Seul le visage est notre royaume,
Son jour traverse nos nuits.

(Andrée Chedid)

Illustration: Erik Johansson

 

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ÉLOGE DE LA BEAUTÉ FÉMININE (Attila József)

Posted by arbrealettres sur 14 juin 2018



Illustration: Christian Schloe
    
ÉLOGE DE LA BEAUTÉ FÉMININE

Il faudrait que survint quelqu’un d’autre que moi
Et qu’il te saluât avec plus d’éloquence,
Admirant ta beauté sans bégayer d’émoi,
Un peu fou, hardi, vif, encore dans l’enfance.

«Beauté, te dirait-il, où que mènent tes pas
C’est pour toi que surgit la flamme du génie
Et l’esprit créateur perçoit dans tes appas
L’oeuvre antique et divine, admirable harmonie.

En attendant sur ton trône le Jamais Vu,
L’artiste à l’oeil altier te tient en déférence.
Tu fais tomber d’un mot, à peine est-il conçu,
Les murs de Jéricho de notre indifférence ! »

Ainsi dirait-il. De sa lèvre fuserait
Un hosanna pour toi comme celui du prêtre
Adorateur du feu dans l’épaisse forêt
Et qui voit près de lui les flammes apparaître.

Belle Réalité qui fais baisser les veux,
Mon âme veut cueillir une dernière rose,
Et répandre son eau, jardinier malheureux,
Sans un mot, devant toi, sur sa robe déclose.

II
Tel Désir du faucon qui veut qu’elle succombe,
Qui d’un coup d’aile ardent pourchasse la colombe,

Je poursuis quant à moi la timide beauté,
Car dans le sombre ciel de mon coeur attristé
Le regard de la Belle a versé la lumière.
Tout en la bénissant, il attend la voix chère
Qui saura le louer. Si je puis la saisir
Je la déchirerai, pourtant, tel le Désir

Du faucon en plein ciel qui poursuit la colombe
De son coup d’oeil puissant, qui veut qu’elle succombe !

Petit oiseau chétif que la pluie a trempé,
Ne sachant dignement alerter ta beauté,
Me débattant au sol, je traîne mon plumage
Et j’attends tout tremblant que sourie ton visage;
Qu’elle me sourie donc, puisque je me débats !
C’est l’hommage, le seul, digne de ses appas.

(Attila József)

 

Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus

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